ONFRAY : Traité d’athéologie (2005)

Ce qu’ils en disent…

[LIBREL.BE] En philosophie, il y eut jadis une époque « Mort de Dieu. » La nôtre, ajoute Michel Onfray, serait plutôt celle de son retour. D’où l’urgence, selon lui, d’un athéisme argumenté, construit, solide et militant.


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ONFRAY Michel, Traité d’athéologie est paru chez Livre de poche en 2006.

FR

EAN 9782253115571

320 pages

Disponible en grand format, ePub et poche.

 


Bonnes feuilles…

Les trois monothéismes, animés par une même pulsion de mort généalogique, partagent une série de mépris identiques : haine de la raison et de l’intelligence ; haine de la liberté ; haine de tous les livres au nom d’un seul ; haine de la vie ; haine de la sexualité, des femmes et du plaisir ; haine du féminin ; haine des corps, des désirs, des pulsions. En lieu et place et de tout cela, judaïsme, christianisme et islam défendent : la foi et la croyance, l’obéissance et la soumission, le goût de la mort et la passion de l’au-delà, l’ange asexué et la chasteté, la virginité et la fidélité monogamique, l’épouse et la mère, l’âme et l’esprit. Autant dire la vie crucifiée et le néant célébré…


L’auteur…

[UNIVERSALIS.FR] Essayiste prolixe, ‘phénomène éditorial’, personnage médiatique bien qu’éloigné des cercles de l’intelligentsia parisienne, Michel Onfray a placé la pensée hédoniste au cœur de sa réflexion sur la philosophie. La publication de son Traité d’athéologie (2005) a suscité de vives réactions, à la fois de la part de ceux qui l’accompagnent dans son constat d’un univers trop préoccupé de Dieu et pas suffisamment des hommes, comme de ses détracteurs qui relèvent les approximations de son essai. En 2002, il a créé l’université libre et populaire de Caen, puis, en 2006, l’université populaire du goût, dont l’objet est d’apprendre à philosopher et non de se contenter d’engranger un savoir philosophique.

Né le 1er janvier 1959 à Argentan (Orne), Michel Onfray effectue sa scolarité dans un orphelinat agricole religieux, puis il entre à l’université de Caen. Il y entreprend un doctorat de philosophie sous la direction de Lucien Jerphagnon et enseigne à partir de 1983 dans un lycée technique. Déçu par l’Éducation nationale, il démissionne en 2002 pour créer l’université populaire de Caen dont il publie en 2004 le manifeste, La Communauté philosophique, suivi en 2006 d’Une machine à porter la voix. Ce « contrat » engage le lecteur à vivre dans les « Jardins » d’Épicure plutôt que dans la « République » de Platon : « Dans la République, l’individu existe par la collectivité ; dans le Jardin, la communauté n’existe que par et pour l’individu. » Dans ce même ouvrage, il stigmatise les « nouveaux philosophes » qui « ont liquidé toute possibilité d’une gauche digne de ce nom« .

Comme on le voit dans les conférences données à l’université populaire de Caen et qui sont rassemblées à partir de 2006 sous le titre de Contre-histoire de la philosophie, Michel Onfray préfère, aux systèmes, les individualités (Nietzsche, les Cyniques, les penseurs libertins), les existences avec leurs forces et leurs intensités, leurs énergies. « J’aime la philosophie incarnée, vivante, de chair et d’os, engagée dans le réel, susceptible de produire des effets immédiats, de modifier la vie quotidienne… » L’enseignement de la philosophie tient pour lui dans ces anecdotes où Gilles Deleuze voyait le point singulier où se matérialise l’unité de la vie et de la pensée : « la preuve du philosophe, c’est sa vie philosophique« . Ainsi, la pensée de Michel Onfray entretient-elle un certain rapport aux philosophes, saisis dans leur vie, et la vie de leur corps, de leurs manières de sentir (Le Ventre des philosophes, 1989 ; La Raison gourmande, 1995), de voir (L’Œil nomade, 1993 ; Métaphysique des ruines, 1995 ; Archéologie du présent, 2003) et de penser (La Sculpture de soi, prix Médicis de l’essai en 1993 ; Politique du rebelle, 1997). En 2010, son essai sur Freud, Le Crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne provoque une violente polémique.

Un autre de ses champs d’investigation porte sur ce qu’il nomme, empruntant faute de mieux le terme à Georges Bataille, l’athéologie, car « l’athéisme relève d’une création verbale des déicoles« . Michel Onfray y jette les bases philosophiques de la critique du monothéisme. Il étudie les problématiques historiques de l’élaboration du christianisme et les liens que les trois religions monothéistes ont tissés avec le pouvoir. Il en dégage plusieurs remarques qui heurtent sa sensibilité hédoniste et fonde sa position quant aux religions : « la religion procède de la pulsion de mort« , elle hait le corps, la sexualité, la vie, la science, la liberté de pensée, la démocratie. Mais, plus encore que les extrémismes aisément identifiables, le véritable obstacle à l’athéisme tient aux traces de religieux qui subsistent dans notre société laïque…


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REVEL : Pourquoi des philosophes (1957)

Ce qu’ils en disent…

[CHEZREVEL.NET] La publication de Pourquoi des philosophes en 1957 suscita une véritable révolution, aussi bien chez les philosophes que chez les non-philosophes. traîné dans la boue ou porté aux nues, ce livre constituait, au-delà du pamphlet de circonstance, une mise en question de l’essence même de l’activité philosophique. Revel y explique comment la philosophie a épuisé son rôle historique qui était de donner naissance à la science. Depuis, et après La Cabale des dévots (1962), qui en constitue la suite et réunit les réponses aux polémiques soulevées par cet ouvrage, de nombreuses rééditions sont venues confirmer l’influence des brillants pamphlets philosophiques de Jean-François Revel. Réunis en un seul volume, et augmentés de textes complémentaires, ces deux essais ne constituent en fait qu’une seule œuvre qui demeure d’une étonnante actualité.

[LIBREL.BE] La publication, en 1957, de Pourquoi des philosophes, a été à l’origine d’une controverse qui a touché un public beaucoup plus large que celui des philosophes professionnels. À une époque où la philosophie française cherchait sa voie entre le renouvellement de sa tradition et l’acclimatation de la philosophie allemande, Revel remettait en cause l’idée même de la philosophie et sa place dans la pensée moderne. Dans Pourquoi des philosophes et dans La Cabale des dévots (1962), où il répond aux objections de ses contradicteurs, Revel s’en prend avec un talent polémique – et comique – exceptionnel aux principales idoles de la philosophie française de son temps. Il déplore que l’histoire de la philosophie soit de moins en moins historienne, pour se concentrer sur l’étude interne des systèmes. Il met en cause le spiritualisme et l’idéalisme dominants dans la tradition française, qu’il trouve incompatibles avec les engagements politiques des philosophes français, et qui sont selon lui relayés par la phénoménologie de Husserl et surtout de Heidegger, dont il met en question la méfiance devant la science et la technique modernes. Il dénonce, enfin, la méconnaissance de la psychanalyse, dont les enseignements sont à ses yeux dénaturés par Jacques Lacan. Outre ces deux classiques de la grande littérature polémique, ce volume contient l’Histoire de la philosophie occidentale réunissant ainsi tous les ouvrages que Jean-François Revel a consacrés à la philosophie. On peut voir que son « antiphilosophie » se fonde sur une vision cohérente, informée et argumentée de l’histoire de la philosophie depuis sa naissance en Grèce jusqu’aux débuts de la science expérimentale. Même si on ne le suit pas dans ses conclusions, on lira avec plaisir les analyses qu’il consacre à Platon, à Montaigne et aux grands métaphysiciens du XVIIe siècle – héritiers brillants d’un Descartes que, comme Pascal, il juge « inutile et incertain« .


REVEL Jean-François, Pourquoi des philosophes est paru chez Julliard en 1957, a été réédité chez Jean-Jacques Pauvert en 1964 puis repris dans un des Bouquins chez Robert Laffont en 2013.

FR

EAN 9782221136416

184 pages


L’auteur…

[CHEZREVEL.NET] Jean-François REVEL (1924-2006), de son vrai nom Jean-François Ricard, est né le 19 janvier 1924 dans le 7e arrondissement de Marseille, fils de Joseph et France Ricard. Sa famille est d’origine franc-comtoise. Il passe son enfance à Marseille, habitant dans le quartier Sainte-Marguerite, et fait ses études primaires et secondaires à l’École Libre de Provence. Après l’obtention du baccalauréat littéraire en juillet 1941, il prépare à Lyon, au lycée du Parc, l’École normale supérieure, où il est reçu en juillet 1943 24e ex-aequo, dès sa première tentative. Il est alors âgé de 19 ans.

Dès 1943 et jusqu’à la fin de la guerre, alors étudiant rue d’Ulm, il participe activement à la Résistance sous la direction d’Auguste Anglès, avec le pseudonyme “Ferral”. En 1944, après la Libération, il est chargé de mission au Commissariat de la République de la région Rhône-Alpes pendant quelques mois. C’est pendant cette période de guerre qu’il publie ses premiers textes, dans la revue Confluences.

Durant l’été 1945, il se marie avec Yahne le Toumelin ; de cette union naîtront deux enfants, dont le futur moine bouddhiste Matthieu Ricard, né en février 1946, et Ève Ricard-Reneleau, écrivaine.

En 1947-1948, sa licence et son diplôme d’études supérieures en philosophie en poche, il est nommé professeur en Algérie, dans une médersa, à Tlemcen. A son retour, il mène pendant près de deux ans une vie de bohème.

Puis, de janvier 1950 à octobre 1952, il part enseigner au lycée français et à l’Institut français de Mexico. Enfin, de novembre 1952 à juillet 1956, il est nommé à l’Institut français ainsi qu’à la Faculté des Lettres de Florence, où il enseigne l’Histoire, et en même temps prépare son agrégation de philosophie qu’il passe lors de son retour en France en juillet 1956. C’est pendant ces années à l’étranger qu’il apprend l’espagnol et l’italien.

Par la suite, il fait partie du cabinet du sous-secrétariat d’État aux Arts et Lettres, avant de prendre un poste d’enseignant en philosophie au lycée Faidherbe à Lille, de 1957 à 1959, puis au lycée Jean-Baptiste Say à Paris jusqu’en 1963.

Le 7 juillet 1967, il épouse en secondes noces la journaliste Claude Sarraute (née en 1927). De cette union sont nés le haut fonctionnaire Nicolas Revel en 1966 et Véronique Revel en 1968. Il quitte l’Université en 1963 pour se consacrer à une carrière de journaliste et d’écrivain.


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SENNETT, Ensemble (2012)

Ce qu’ils en disent…

[ALBIN-MICHEL.FR] Dans ce deuxième volet de la trilogie qu’il consacre à l’Homo faber, Richard Sennett se fait tour à tour historien, sociologue, philosophe ou anthropologue pour étudier cet atout social particulier qu’est la coopération, soit les liens entre les individus. « La coopération, nous dit-il, c’est agir avec quelqu’un qu’on ne connaît pas, avec lequel il y a des dissonances, des frictions, mais avec lequel on peut néanmoins faire des choses ; c’est un moyen d’interaction qui existe en dépit de la solidarité ; c’est multiplier des liens sociaux, plus informels et plus libres. » De la coordination des tâches dans l’atelier de l’imprimeur aux répétitions d’un orchestre, Richard Sennett nous fait découvrir de nombreuses expériences de communauté et d’actions collectives qui proposent une vision critique des sociétés capitalistes contemporaines et des pistes de réflexion pour en améliorer le fonctionnement. La richesse des références, l’originalité des points de vue, la liberté du style font d’Ensemble un livre singulier et engagé. Et si, pour aller mieux, il suffisait d’accepter que nous sommes dépendants les uns des autres ? Richard Sennett est une des figures les plus originales de la critique sociale aujourd’hui. On lira de lui aux Éditions Albin Michel, Le Travail sans qualité, Respect, La Culture du nouveau capitalisme, Ce que sait la main et Bâtir et Habiter.


SENNETT Richard, Ensemble. Pour une éthique de la coopération est paru chez Albin Michel en 2014 dans une traduction de Pierre-Emmanuel Dauzat (collection Espaces Libres Poche).

EN (US) > FR

EAN 9782226253705

384 pages

Disponible en grand format, ePub et poche.


Ce que nous en disons…

De nouvelles pespectives à explorer. Lecture un peu lourde mais gratifiante…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

Le tribalisme associe solidarité avec ses semblables et agression contre ceux qui sont différents. C’est une pulsion naturelle, puisque la plupart des animaux sociaux sont tribaux ; ils chassent en meute, arpentent des territoires à défendre ; la tribu est nécessaire à leur survie. Dans les sociétés humaines, cependant, le tribalisme peut se révéler contre-productif. Les sociétés complexes comme la nôtre ont besoin de travailleurs qui passent les frontières, réunissent des ethnies, des races et des religions diverses, et engendrent des formes de vie familiale et sexuelles différentes. Imposer un seul et même moule culturel à toute cette complexité serait politiquement répressif et reviendrait à se raconter des mensonges. Le “soi” est un  composé de sentiments, d’affiliations et de comportements qui s’ajustent rarement les uns aux autres ; tout appel à l’unité tribale réduira cette complexité personnelle.

Aristote fut peut-être le premier philosophe occidental à s’inquiéter de l’unité répressive. Il concevait la cité comme un ‘sunoi kismos’, un rassemblement de gens issus de diverses tribus familiales – chaque ‘oikos’ ayant son histoire, ses allégeances, ses biens et dieux familiaux. Pour les besoins du commerce et du soutien mutuel au cours de la guerre, ‘la cité est composée non seulement d’une pluralité d’individus, mais encore d’éléments spécifiquement distincts : une cité n’est pas formée de parties semblables’ ; la cité oblige donc les gens à penser aux autres et à traiter avec des personnes qui ont des loyautés différentes. De toute évidence, l’agression mutuelle ne saurait assurer la cohésion d’une ville, mais Aristote est plus subtil dans l’énoncé de son précepte. Le tribalisme, explique-t-il, suppose que l’on croie savoir à quoi ressemblent les autres sans les connaître ; faute d’expérience directe des autres, on se rabat sur de redoutables fantasmes. En version moderne, cela donne l’idée de stéréotype.

Et sur la conversation : sera-t-elle dialectique ou dialogique… ?

Il existe une analogie entre la répétition musicale et la conversation verbale, mais elle cache une énigme. La conversation entre musiciens consiste largement en mouvements de sourcils, grognements, coups d’œil et autres gestes non verbaux. Là encore, quand les musiciens veulent expliquer quelque chose, ils montrent plus souvent qu’ils ne disent : ils jouent tel ou tel passage, laissant les autres interpréter ce qu’ils font. J’aurais du mal à expliquer verbalement ce que j”entends quand je dis “peut-être plus espressivo”. Dans une conversation, au contraire, il nous faut trouver les mots.
La répétition musicale ressemble pourtant aux discussions où la capacité d’écoute des autres devient aussi importante que de savoir s’exprimer clairement. Le philosophe Bernard Williams fustige le “fétichisme de l’assertion”, l’inclinaison à enfoncer le clou comme si rien d’autre ne comptait. L’écoute ne  figure pas en bonne place dans ce genre de joute verbale ; l’interlocuteur est censé admirer et acquiescer, ou contrer sur un ton tout aussi assertorique -le dialogue de sourds bien connu dans la plupart des débats politiques.
Et même si un orateur s’exprime maladroitement, le bon auditeur ne saurait s’appesantir sur cette insuffisance. Il doit répondre à l’intention, à la suggestion, pour que la conversation suive son cours.
Ecouter soigneusement engendre deux sortes de conversations : dialectique et dialogique. Dans la dialectique, ainsi qu’on l’apprend à l’école, le jeu verbal des opposés doit progressivement conduire à une synthèse ; la dialectique commence dans ce passage de la Politique où Aristote observe que, même si nous utilisons les mêmes mots, nous ne pouvons dire que nous parlons des mêmes choses ; l’objectif est d’arriver en fin de compte à une intelligence commune. Tout l’enjeu de la dialectique est de savoir détecter ce qui pourrait établir un terrain d’entente.
Dans un petit livre judicieux sur la conversation, Theodore Zeldin écrit à ce propos que le bon auditeur détecte le terrain d’entente davantage dans ce qu’une autre personne suppose que dans ce qu’elle dit. L’auditeur élabore ce qui est supposé en le verbalisant. On saisit l’intention, le contexte, on le rend explicite et on en parle. Une autre espèce de compétence apparaît dans les dialogues platoniciens, où Socrate se révèle excellent auditeur en reformulant “en d’autres mots” ce que déclarent les participants à la discussion -or, la reformulation n’est pas exactement ce qu’ils ont vraiment dit ni, en fait, voulu dire. L’écho est en réalité un déplacement. C’est pourquoi la dialectique dans les dialogues platoniciens ne ressemble pas à une discussion, à un duel verbal. L’antithèse d’une thèse n’est  pas “Bougre de crétin, tu as tort”. Il y a inévitablement des malentendus et des désaccords, des doutes qui sont mis sur la table ; les interlocuteurs doivent alors s’écouter plus attentivement.
Il se passe quelque chose de voisin dans la répétition d’un morceau de musique quand un musicien observe : “Je ne pige pas ce que tu fais, c’est comme ça ?” La reformulation vous amène à réfléchir à nouveau au son et, le cas échéant, à procéder à un ajustement, sans copier pour autant ce que vous avez entendu. Dans la conversation quotidienne, c’est le sens de l’expression courante “lancer une idée” ; où ces balles verbales peuvent tomber peut être une surprise pour tout le monde.
Le mot “dialogique” est une invention du critique littéraire russe Mikhaïl Bakhtine pour désigner une discussion qui n’aboutit pas à la découverte d’un terrain d’entente. Bien qu’on ne puisse trouver d’accords partagés, l’échange peut permettre aux gens de prendre conscience de leurs vues et d’approfondir leur compréhension mutuelle. “Professeur, votre note supérieure sonne dur” inaugura un échange dialogique dans la répétition de l’Octuor de Schubert. Bakhtine appliqua le concept d’échange tricoté mais divergent à des auteurs comme Rabelais et Cervantes, dont les dialogues sont l’exact contraire de l’accord convergent de la dialectique. Les personnages de Rabelais partent dans des directions apparemment hors sujet que les autres saisissent au passage ; dès lors, la conversation s’épaissit, les personnages s’éperonnant mutuellement. Il arrive que les grandes interprétations de musique de chambre rendent  quelque chose de proche. Les musiciens n’ont pas l’air tout a fait sur la même page, le morceau  joué a plus de texture, plus de complexité, mais les instrumentistes s’incitent  mutuellement : c’est aussi vrai en musique classique que dans le jazz.
Bien entendu, la différence entre dialectique et conversation dialogique n’est pas du type ou bien / ou bien.  Comme dans la version de la conversation dialectique chère à Zeldin, le mouvement en avant de la conversation dialogique vient de ce que l’on prête attention à ce qu’une autre personne laisse entendre mais ne dit pas ; comme dans l’astucieux “en d’autres termes” de Socrate, dans une conversation dialogique les malentendus peuvent en fin de compte éclairer la compréhension mutuelle. Au cœur de toutes les compétences d’écoute, il y a la saisie de détails concrets, de spécificités, pour que la conversation aille de l’avant.
Ceux qui écoutent mal se rabattent sur des généralités quand ils répondent ; ils ne prêtent pas attention à ces petites phrases, aux mimiques ou aux silences qui ouvrent une discussion. Dans la conversation verbale, comme dans la répétition d’un morceau de musique, l’échange commence à la base, il est d’essence.
Les anthropologues et sociologues sans expérience doivent relever un défi particulier quand ils mènent les discussions. Ils sont parfois trop prompts à réagir, à aller où leurs sujets les conduisent ; ils ne discutent pas, ils veulent montrer qu’ils sont réactifs, sensibles. Se cache ici un problème de taille. Un excès d’identification avec l’autre est de nature à ruiner une conversation dialogique.

Sennett évoque souvent ce qu’il appelle le “triangle social” fondement de la coopération :

Ce sont les trois éléments sur lesquels repose historiquement une coopération réussie dans la société et, en particulier, dans le monde du travail. Il s’agit, en premier lieu, du respect mutuel entre des figures d’autorité honnêtes et des subordonnés fiables. Ensuite, du soutien entre les salariés, notamment lorsque l’un d’entre eux pouvait traverser une passe difficile, un divorce par exemple. Enfin, il y a la capacité de tous à se mobiliser pour le collectif en cas de crise. Or ce triangle a tendance à s’éroder…


L’auteur…

SENNETT, Richard (né en 1943) est sociologue et professeur à la prestigieuse London School of Economics et à la New York University. Ses essais l’ont imposé en Europe comme une des figures les plus originales de la critique sociale aujourd’hui (Prix international de sociologie « Amalfi » [1999], Prix Hegel [2007], Prix Spinoza [2010], Prix européen de l’essai décerné par la Fondation Charles Veillon [2016] et Prix Bruno Kreisky [2018]). Il a publié chez Albin Michel : Le Travail sans qualités (2000), Respect (2003), La Culture du nouveau capitalisme (2006), Ce que sait la main (2010), et Ensemble (2014).


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[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : albin-michel.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © London University.


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BAKEWELL : Au Café existentialiste (2019)

Ce qu’ils en disent…

[PHILOMAG.COM] Paris, 1932. Trois amis se réunissent dans un célèbre café de Montparnasse. Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir écoutent Raymond Aron, de retour de Berlin, parler d’une forme de pensée radicalement neuve qu’il a découverte : la phénoménologie. « Si tu es un phénoménologue, lance-t-il à Sartre, tu peux parler de ce cocktail et c’est de la philosophie ! » Intrigué et inspiré, Sartre élabore une théorie fondée sur l’existence vécue, dont le quartier de Saint-Germain-des-Prés va devenir l’emblème. L’existentialisme va faire vibrer Paris et se diffuser dans le monde entier, de l’après-guerre aux mouvements étudiants de 1968. Avec l’érudition et l’humour qui ont fait l’immense succès de Comment vivre ?, Sarah Bakewell fait revivre un courant fondateur de l’histoire de la pensée du XXe siècle et nous plonge dans l’atmosphère effervescente du Paris existentialiste. Sarah Bakewell redonne des couleurs à nos penseurs trop souvent figés dans un noir et blanc nostalgique.

BAKEWELL Sarah, Au café existentialiste ; la liberté, l’être et le cocktail à l’abricot est paru chez Albin Michel en 2018, dans une traduction de Pierre-Emmanuel Dauzat et Aude de Saint-Loup. Il est disponible en format poche depuis 2019.

UK > FR

EAN 9782253257837

600 pages

Ce que nous en disons…

[en rédaction]

Patrick Thonart

Bonnes feuilles…

[en construction]

L’auteur…

Nationalité : Royaume-Uni
Né(e) à : Bournemouth , le 03/04/1963
[BABELIO.COM] Sarah Bakewell est une romancière anglaise. Son enfance s’est passée partout en Europe puis en Australie. Revenue à Londres, elle a été conservatrice au département des incunables de la Wellcome Library avant de publier deux biographies remarquées. À Londres toujours, elle anime des ateliers d’écriture à la City University et travaille pour les collections de livres rares du National Trust. Comment vivre ? (How to Live, 2010) a reçu le National Book Critics Circle Award for Biography aux États-Unis, et le Duff Cooper Prize for Non-Fiction en Grande Bretagne. L’ouvrage a également figuré dans la sélection du Costa Biography Award et du Marsh Biography Award.
Site (EN) : http://www.sarahbakewell.com/

[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : © Albin Michel.

BAKEWELL : Comment vivre ? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse (2013)

Ce qu’ils en disent…

[LIBREL.BE] Comment tirer parti de chaque instant ? Accepter la fin d’un amour ? Fuir l’habitude ? En deux mots : comment vivre ? Toutes ces questions, que chacun se pose aujourd’hui, Montaigne y a réfléchi et y a apporté des réponses dans ses Essais. D’où l’extrême modernité de la pensée de cet auteur qui, en écrivant sur sa vie, nous fournit les clés pour un art de vivre. Véritable phénomène d’édition en Angleterre et aux États-Unis, ce livre de Sarah Bakewell, abondamment nourri de citations des Essais, aborde de manière chronologique et thématique la vie de Montaigne, les événements qui ont marqué son temps, et nous tend un miroir où chacun peut se reconnaître.

Ce livre iconoclaste ravira tous ceux pour qui vivre et penser sont une seule et même chose. Indispensable !

François Busnel, L’Express

Sarah Bakewell réussit, avec beaucoup d’élégance, un vrai tour de force. […] Un livre populaire.

Roger-Pol Droit, Le monde des livres

[PHILOMAG.COM] « Nous sommes bêtes, mais nous ne saurions être autrement, alors autant se détendre et vivre avec«  : ainsi l’auteure britannique Sarah Bakewell résume-t-elle la philosophie de Montaigne. Le trait est provocateur mais sied à la gouaille tranquille du seigneur aquitain dont la vie et l’œuvre servent ici de matière à un questionnement plus que sérieux : « comment vivre ? » C’est qu’entre le souvenir d’une femme qui ne fait l’amour « que d’une fesse », les notes de lecture et le regard étrangement humain d’un chat, les Essais constituent l’une des tentatives de réponse les plus ambitieuses… et pragmatiques. À la traditionnelle biographie, Bakewell préfère l’habileté d’une promenade à gambades thématiques. Le point de départ : tomber de son cheval et frôler la mort. S’ensuit l’éveil à une vie que Montaigne veut « en toute douceur et liberté, sans rigueur et contrainte ». Il suffit de pouvoir se dire : « si j’avais à revivre, je revivrai comme j’ai vécu »». Apprentissage du latin, magistrature à Bordeaux, amitié intense avec Étienne de La Boétie, deuils, ennuis domestiques… l’écheveau complexe d’une vie se dévide sans autre fin qu’offrir à la vue les nerfs d’un philosophe, « un exemple ordinaire d’être vivant ».


 

BAKEWELL Sarah, Comment vivre ? Une vie de Montaigne en une question et vingt tentatives de réponse  est paru chez Albin Michel en 2013, dans une traduction de Pierre-Emmanuel Dauzat. Il est disponible en Folio depuis 2014.

EN > FR

EAN 9782253000648576 pages

Disponible en grand format, ePub et poche


Ce que nous en disons…

Il n’est pas de meilleure introduction à la pensée de Montaigne. Simple et généreux, l’ouvrage ouvre les portes qui ouvrent sur les meilleurs miroirs…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

« Comment affronter la peur de la mort ? Accepter la fin de l’amour ? Tirer parti de chaque instant ? En deux mots : comment vivre ?

Le XXIe siècle est plein de gens imbus d’eux-mêmes. Plongez une demi-heure dans l’océan virtuel des blogs, des tweets, des (you)tubes, des (my)spaces, des face(book)s, des pages et des pods, et vous verrez surgir des milliers d’individus fascinés par leurs propres personnes et essayant d’attirer l’attention à grands cris. Ils s’épanchent; ils se ‘livrent’, ils tchattent et mettent en ligne les photos de tout ce qu’ils font. Extrovertis dénués de toute inhibition, ils se regardent le nombril comme jamais ils ne l’ont fait. Lors même qu’ils sondent leur expérience privée, bloggers et networkers communiquent avec leurs semblables dans un festival communautaire du moi.

Des optimistes ont essayé de faire de cette rencontre mondiale des esprits la base d’une nouvelle approche des relations internationales. L’historien Theodore Zeldin a lancé un site, The Oxford Muse, qui invite les gens à concocter de brefs autoportraits en mots, à décrire leur vie quotidienne et ce qu’ils ont appris. Ils les mettent en ligne pour les donner à lire et susciter des réactions. Pour Zeldin, le dévoilement de soi partagé est la meilleure manière de faire naître la confiance et la coopération à travers la planète, en remplaçant les stéréotypes nationaux par de vrais gens. La grande aventure de notre époque, dit-il, est « de découvrir qui habite le monde, un individu à la fois« . L’Oxford Muse fourmille donc d’essais personnels ou d’entretiens avec des titres du genre : Pourquoi un Russe qui a fait des études fait des ménages à OxfordPourquoi être coiffeur comble le besoin de perfection, Comment écrire un autoportrait vous montre que vous n’êtes pas celui que vous croyiezCe que vous pouvez découvrir si vous ne buvez ni ne dansezCe qu’une personne ajoute à ce qu’elle dit dans la conversation quand elle parle d’elle par écritComment réussir quand on est paresseuxComment un chef exprime sa bonté...

En décrivant ce qui les rend différents de tous les autres, les contributeurs révèlent ce qu’ils partagent avec tout le monde : l’expérience de l’humanité. Cette idée – écrire sur soi pour tendre aux autres un miroir où ils reconnaissent leur propre humanité – n’a pas toujours existé. Il a bien fallu l’inventer. Et, à la différence de maintes inventions culturelles, on peut l’attribuer à une seule personne : Michel Eyguem de Montaigne, noble, magistrat et viticulteur, qui vécut dans le Périgord de 1533 à 1592.

C’est tout simplement en le faisant que Montaigne en conçut l’idée. Contrairement à la plupart des mémorialistes de son temps, il n’écrivit pas pour rapporter ses prouesses et ses réalisations. Pas davantage il ne coucha par écrit la chronique des événements historiques dont il fut le témoin direct, quand bien même il aurait pu le faire: au cours des décennies passées à incuber et écrire son livre, il vécut une guerre de religion qui faillit détruire son pays. Appartenant à une génération flouée de l’idéalisme prometteur dont jouissaient les contemporains de son père, il s’adapta aux misères publiques en concentrant son attention sur la vie privée. Il survécut aux troubles, supervisa son domaine, trancha des affaires en sa qualité de magistrat et fut le maire de Bordeaux le plus accommodant de son histoire. Dans le même temps, il composa des textes exploratoires, sans attaches, auxquels il donna des titres simples : De l’amitiéDes cannibalesDe l’usage de se vêtirComme nous pleurons et rions d’une même choseDes nomsDes senteursDe la cruautéDes poucesComme notre esprit s’empêche soi-mêmeDe la diversionDes cochesDe l’expérience

Au total, il écrivit cent-sept essais de cette nature. D’aucuns couvrent une page ou deux ; d’autres sont beaucoup plus longs, en sorte que les éditions les plus récentes de la série complète couvrent plus d’un millier de pages. Ils proposent rarement d’expliquer ou d’enseigner quoi que ce soit. Montaigne se présente comme quelqu’un qui s’est contenté de coucher par écrit ce qui lui passait par la tête lorsqu’il prenait sa plume, saisissant rencontres et états d’esprit comme ils venaient. Et de ces expériences, il fit une base pour se poser des questions, par-dessus tout la grande question qui le fascina comme elle fascina tant de ses contemporains. Deux mots tout simples suffisent à la formuler : Comment vivre ?

À ne pas confondre avec la question éthique : « Comment doit-on vivre ? » Les dilemmes moraux intéressaient Montaigne, mais ce que les gens devraient faire l’intéressait moins que ce qu’ils faisaient vraiment. Il voulait savoir comment vivre une vie bonne, par quoi il faut entendre une vie correcte et honorable, mais aussi une vie pleinement humaine, satisfaisante et florissante. Cette question l’amena à la fois à écrire et à lire, car il était curieux de toutes les vies humaines, passées et présentes. Il ne cessait de s’interroger sur les émotions et les mobiles qui poussaient les gens à agir ainsi qu’ils le faisaient. Et comme il était l’exemple le plus proche qu’il eût sous la main d’un être humain vaquant à ses occupations, il s’interrogea tout autant sur lui-même.

Une question prosaïque, « Comment vivre ?« , éclatée en une myriade d’autres questions pragmatiques. Comme tout le monde, Montaigne buta sur les grandes perplexités de l’ existence : comment affronter la peur de la mort, comment se remettre de la mort d’un enfant ou d’un ami cher, comment se faire à ses échecs, comment tirer le meilleur parti de chaque instant en sorte que la vie ne s’épuise pas sans qu’on l’ait goûtée ? Mais il est aussi de moindres énigmes. Comment éviter de se laisser entraîner dans une dispute absurde avec son épouse, ou un domestique ? Comment rassurer un ami convaincu qu’un sorcier lui a jeté un sort ? Commet ragaillardir un voisin éploré ? Comment garder sa maison ? Quelle est la meilleure stratégie à adopter si vous êtes tenus en respect par des voleurs en armes qui n’ont pas l’air de savoir s’ils vont vous tuer ou vous rançonner ? Si vous surprenez la gouvernante de votre fille qui lui prodigue de mauvais conseils, est-il sage d’intervenir ? Comment faire face à un taureau ? Que dire à votre chien qui a envie de sortir jouer, quand vous souhaitez rester à votre pupitre pour écrire votre livre ?

Au lieu de réponses abstraites, Montaigne nous dit ce qu’il fit à chaque fois, et quel était son sentiment quand il le fit. Il nous donne tous les détails dont nous avons besoin pour toucher du doigt la réalité, et parfois plus qu’il ne nous faut. Il nous dit, sans raison particulière, que le melon est le seul fruit qu’il aime, qu’il préfère faire l’amour couché que debout, qu’il ne sait pas chanter, qu’il aime la compagnie enjouée et se laisse souvent emporter par l’étincelle d’une répartie. Mais il décrit aussi des sensations qu’il est plus difficile de saisir verbalement, si même on en a conscience : ce que ça fait d’être paresseux, ou courageux, ou indécis ; de s’abandonner à un instant de vanité, ou d’essayer de se défaire d’une peur obsédante. Il écrit même sur la sensation pure d’être en vie.

Explorant ces phénomènes sur plus de vingt ans, Montaigne se questionna sans relâche et brossa son portrait : un autoportrait en mouvement constant, si vivant qu’il surgit pour ainsi dire de la page, pour venir s’asseoir à côté de vous et lire par-dessus votre épaule. Il lui arrive de tenir des propos surprenants : bien des choses ont changé depuis la naissance de Montaigne, voici près d’un demi-millénaire, et ni les mœurs ni les croyances ne sont toujours reconnaissables. Lire Montaigne, ce n’en est pas moins éprouver maintes fois le choc de la familiarité, au point que les siècles qui le séparent du nôtre sont réduits à néant. Les lecteurs continuent de se reconnaître en lui, tout comme les visiteurs d’Oxford Muse se reconnaissent ou reconnaissent des aspects d’eux-mêmes dans le récit d’un Russe instruit qui fait des ménages ou dans l’expérience de celui qui préfère ne pas danser.

Dans un article à ce sujet paru dans le Times en 1991, le journaliste Bernard Levin écrivait: « Je mets tout lecteur de Montaigne au défi de ne pas poser le livre à un moment ou à un autre pour s’écrier, incrédule: « Comment a-t-il su tout cela de moi ? » La réponse est, bien entendu, qu’il le sait en se connaissant lui-même. À leur tour, les gens le comprennent parce qu’eux aussi savent tout cela sur leur propre expérience. Comme l’écrivit au XVIIe siècle Blaise Pascal, un de ses premiers lecteurs les plus obsessionnels : Ce n’est pas dans Montaigne mais dans moi que je trouve tout ce que j’y vois. »

Sarah Bakewell


L’auteur…

Nationalité : Royaume-Uni
Né(e) à : Bournemouth , le 03/04/1963
[BABELIO.COM] Sarah Bakewell est une romancière anglaise. Son enfance s’est passée partout en Europe puis en Australie. Revenue à Londres, elle a été conservatrice au département des incunables de la Wellcome Library avant de publier deux biographies remarquées. À Londres toujours, elle anime des ateliers d’écriture à la City University et travaille pour les collections de livres rares du National Trust. Comment vivre ? (How to Live, 2010) a reçu le National Book Critics Circle Award for Biography aux États-Unis, et le Duff Cooper Prize for Non-Fiction en Grande Bretagne. L’ouvrage a également figuré dans la sélection du Costa Biography Award et du Marsh Biography Award.
Site (EN) : http://www.sarahbakewell.com/


Lire encore en Wallonie-Bruxelles…

DESPRET : Au bonheur des morts (2015)

Ce qu’ils en disent…

[EDITIONSLADECOUVERTE.FR] Faire son deuil, c’est l’impératif qui s’impose à tous ceux qui se trouvent confrontés au décès d’un proche. Mais se débarrasser de ses morts est-il un idéal indépassable auquel nul ne saurait échapper s’il ne veut pas trop souffrir ? Vinciane Despret a commencé par écouter. « Je disais : je mène une enquête sur la manière dont les morts entrent dans la vie des vivants ; je travaille sur l’inventivité des morts et des vivants dans leurs relations. » Une histoire en a amené une autre. « J’ai une amie qui porte les chaussures de sa grand-mère afin qu’elle continue à arpenter le monde. Une autre est partie gravir une des montagnes les plus hautes avec les cendres de son père pour partager avec lui les plus beaux levers de soleil. À l’anniversaire de son épouse défunte, un de mes proches prépare le plat qu’elle préférait, etc. » L’auteure s’est laissé instruire par les manières d’être qu’explorent les morts et les vivants, ensemble ; elle a appris de la façon dont les vivants qu’elle a croisés se rendent capables d’accueillir la présence des défunts. Chemin faisant, elle montre comment échapper au dilemme entre « cela relève de l’imagination » et « c’est tout simplement vrai et réel. » Depuis un certain temps les morts s’étaient faits discrets, perdant toute visibilité. Aujourd’hui, il se pourrait que les choses changent et que les morts deviennent plus actifs. Ils réclament, proposent leur aide, soutiennent ou consolent… Ils le font avec tendresse, souvent avec humour. On dit trop rarement à quel point certains morts peuvent nous rendre heureux !

  • PRIX DES RENCONTRES PHILOSOPHIQUES DE MONACO 2016
  • PRIX DE L’ACADEMIE ROYALE DE LANGUE ET DE LITTERATURE FRANÇAISES DE BELGIQUE 2019

DESPRET Vinciane, Au bonheur des morts ; récits de ceux qui restent est paru chez La Découverte en 2015. Il est disponible en format poche depuis 2017.

FR

EAN 9782707194084

222 pages

Ce que nous en disons…

[en rédaction]

Patrick Thonart

Bonnes feuilles…

[en construction]

L’auteur…

Vinciane Despret (née en 1959) est philosophe, chercheuse au département de philosophie de l’université de Liège. Elle est l’auteure de plusieurs livres sur la question animale qui font référence, notamment Bêtes et hommes (Gallimard, 2007) et Penser comme un rat (Quae, 2009). Elle a également publié, avec Isabelle Stengers, Les Faiseuses d’histoires. Que font les femmes à la pensée ? (La Découverte, 2011) et Que diraient les animaux… si on leur posait les bonnes questions ? (Les Empêcheurs de penser en rond/La Découverte, 2012,2014).

 

[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © ***.