DELFORGE : Citoyenne Anne-Josèphe Théroigne. Pionnière du féminisme (1789-1794) (2022)

Ce qu’ils en disent…

[INSTITUT-DESTREE.EU] Arrivée à Paris au printemps 1789, une jeune femme du pays wallon se prend de passion pour la Révolution française en train de naître. Soulevée par le tourbillon des événements, cette fille de la campagne devient une actrice de la Grande Histoire.
Jusqu’en 1794, dans les tribunes de l’Assemblée nationale, dans les rues et les cercles de Paris, Anne-Josèphe Théroigne tente avec ardeur de faire entendre la voix des femmes, persuadée que les principes de la toute nouvelle Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen s’appliquent à tous les hommes et à toutes les femmes. Surnommée dès 1792 « l’amazone de la liberté », elle découvre à ses dépens que la réalité est bien différente.

Connue du tout Paris, elle fréquente Marat, Danton, Pétion, Robespierre, Desmoulins et bien d’autres acteurs majeurs de cette courte période appelée à changer le cours de l’Histoire. Était-elle girondine ou montagnarde ? Une égérie, une intrigante ou une héroïne ? Une porte-parole ou une passionnée égarée ? Analysés au même titre que les témoignages de ses contemporains, ses rares écrits et ses attitudes révèlent une pionnière du féminisme. Elle revendique le statut de citoyenne, d’avoir des droits dans la Cité, à l’égal de tous les hommes.
Moquée, raillée, ridiculisée, déconsidérée, elle est jugée comme folle par tous ceux qui ne veulent pas entendre ses revendications, et condamnée à passer les vingt-trois dernières années de sa vie séquestrée. Son engagement personnel total pour la liberté n’a pas conduit à la reconnaissance de l’égalité entre les hommes et les femmes de son vivant. Mais son exemple, suivi par d’autres générations, lui donne une place dans l’Histoire en tant que pionnière de la libération des femmes et agitatrice révolutionnaire.

[GALLICA.BNF.FR, 31 octobre 2022] Il y a 260 ans naissait Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt (1762-1817). Elle va connaître les temps troublés de la Révolution française, échappe de justesse à la guillotine mais son sort est-il enviable pour autant ?
Originaire de la région de Liège, Théroigne connaît une existence tumultueuse et romanesque. Quittant la Belgique, elle traverse de nombreux épisodes rocambolesques en Italie et en France. Pourvue d’un physique agréable, la Belle Liégeoise – comme on la désignait à l’époque – acquiert une réputation sulfureuse de demi-mondaine se faisant entretenir pour subvenir à ses besoins. Personnage haut en couleurs, féministe avant l’heure, elle rejoint les rangs des Girondins à l’Assemblée nationale en 1789 et se fait connaître en rédigeant elle-même ses discours. En 1793, les Montagnards prennent l’ascendant et se débarrassent des Girondins. La jeune femme est prise à partie par des tricoteuses à l’Assemblée nationale et subit une fessée en public. Est-ce à l’origine du basculement de sa raison ? Faut-il attribuer sa folie aux ravages de la vérole (ou syphilis) contractée quelques années auparavant ? ou bien encore à la peur de la guillotine après son arrestation par les révolutionnaires ? En effet, à partir de 1793, l’épisode de la Terreur avec son climat de menace permanente et son terrible instrument, la guillotine font basculer certains individus dans la folie. On imagine les affres par lesquelles passaient les prisonniers dont les noms étaient susceptibles de figurer sur la liste quotidienne des condamnés à mort. Une peur atroce qui se répétait parfois pendant des jours, voire des semaines. Ainsi à l’Asile de Bicêtre, certains survivants prétendaient qu’on leur avait tranché la tête et recousu celle d’un autre à la place. En 1793, Philippe Pinel, directeur de Bicêtre estime que 33 % des aliénés ont été traumatisés par la Révolution, opinion que partage son élève Esquirol.
Toujours est-il que le constat de l’état de démence de Théroigne de Méricourt la sauve de la décapitation. Elle est internée d’abord aux Petites-Maisons, puis passe vingt ans à l’hôpital de la Salpêtrière. De nouvelles loges pour aliénées y avaient été construites par l’architecte Charles-François Viel en 1789. Les anciens locaux particulièrement vétustes et malsains des basses loges ainsi que le matériel de coercition (chaînes, carcans) ne seront supprimés qu’au début du XIXe siècle, sous l’impulsion donnée par le médecin-chef de l’hôpital, Philippe Pinel. A partir de 1812, c’est l’autre grand aliéniste Jean-Etienne Esquirol qui s’intéresse à son cas et le classifie. Dans Des maladies mentales, il prend Théroigne comme exemple de Lypémanie (du verbe grec signifiant chagriner). Il prétend désigner ainsi la tristesse pathologique du mélancolique. Mais ce terme rencontrera peu de succès. A son arrivée [à la Salpêtrière en 1807], elle était très agitée, injuriant, menaçant tout le monde, ne parlant que de liberté, de comités de salut public, révolutionnaire, etc. accusant tous ceux qui l’approchaient d’être des modérés, des royalistes, etc. En 1810, elle devint plus calme et tomba dans un état de démence qui laissait voir les traces de ses premières idées dominantes. Théroigne ne veut supporter aucun vêtement, pas même de chemise. Tous les jours, matin et soir, et plusieurs fois le jour, elle inonde son lit ou mieux la paille de son lit, avec plusieurs seaux d’eau, se couche et se recouvre de son drap. Elle se plaît à se promener nu-pieds dans sa cellule dallée en pierre et inondée d’eau…Les signes de sa folie sont particulièrement attractifs pour les curieux : agitation extrême, exhibitionnisme, rituel d’aspersion d’eau glacée sur sa paillasse – ce qu’on appellerait aujourd’hui un TOC. La malheureuse est de ce fait traitée comme un animal de foire lors des visites dominicales à la Salpêtrière.
Contre toute attente, Théroigne survit pendant vingt-sept années à un tel régime, faisant preuve d’une résistance physique surprenante. L’opinion publique prendra progressivement conscience des conditions d’existence scandaleuses réservées aux aliénés.

Françoise Deherly

[XHORIS.BE] Comment ne pas évoquer sur ce site Anne Josèphe Théroigne de Méricourt, puisque ses racines viennent tout droit de notre petit village. ‘Anne Joseph Therwoigne’ dont le surnom était Lambertine (vous admettrez que ce surnom est un peu moins « pompeux » que son nom historique), était la fille de Pierre Terwagne et de Anne Elisabeth Lahaye – ceux ci se marient à Marcourt le 4 octobre 1761. Anne Josèphe est née le 13 août 1762 à Marcourt (selon le village, l’orthographe du nom peut varier, à Xhoris vous la trouverez sous’ TERWOIGNE’).


DELFORGE Paul, Citoyenne Anne-Josèphe Théroigne. Pionnière du féminisme (1789-1794) est paru aux éditions de l’Insttiut Jules Destrée en 2022. Il est disponible sur commande, via commandes@institut-destree.eu.

ISBN 978-2-87035-057-7

FR

444 pages

Disponible en grand format (avec une couverture de Rachel Thonart Nardellotto / RTN—STUDIO).


Ce que nous en disons…

Attendez, on n’a pas encore fini de le lire ! Mais on fait confiance à la qualité du travail de Paul Delforge, dans le registre du sérieux comme dans la capacité didactique. Affichez n’importe quelle page (de sa main) d’un des quatre tomes de l’Encyclopédie du Mouvement wallon et vous nous comprendrez…

Patrick Thonart


L’auteur…

Historien formé à l’Université de Liège, il est directeur de recherches à l’Institut Destrée où il consacre ses travaux à l’histoire de la Wallonie, du Mouvement wallon et à l’étude du fédéralisme.
Conseiller pédagogique, responsable du Centre de Recherche & Archives de Wallonie, il est le coordinateur des quatre tomes de l’Encyclopédie du Mouvement wallon.


En savoir plus…


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : institut-destree.be ; bnf.fr | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © levif.be.


Lire encore en Wallonie-Bruxelles…

CERNA : Pas dans le cul aujourd’hui (1962)

Ce qu’ils en disent…

La lettre érotique de Jana Černá à Egon Bondy, une métaphore du féminisme…

[FRANCAIS.RADIO.CZ, 8 août 2020] Pas dans le cul aujourd’hui : derrière ce titre provocateur, extrait d’un poème de l’écrivaine tchèque Jana Černá, se cache une lettre d’amour passionnée et sans retenue qu’elle a écrite à son amant Egon Bondy au début des années 1960, et publiée en français en 2014 aux éditions La Contre Allée. Dans ce texte d’une centaine de pages, la fille de Milena Jesenská clame son désir à l’homme qu’elle aime, entremêlant considérations philosophiques et descriptions crues de ses fantasmes. Rebelle à tout conformisme, Jana Černá y affirme sa liberté totale de femme désirante et son refus de dissocier le corps et l’intellect. Pour évoquer ce texte, Radio Prague Int. a interrogé l’éditrice du texte, Anna Rizzello, qui a rappelé comment elle l’avait découvert.

Anna Rizzello : “J’ai découvert la lettre il y a très longtemps, une vingtaine d’année environ, en Italie. J’ai vu ce texte dans une librairie de Turin. C’était donc une traduction italienne. Ce n’était pas tout à fait le même texte que nous avons publié, mais c’était le même titre. Dans cette traduction italienne, il y avait ce texte et plusieurs de ses poèmes que nous n’avons pas reproduits dans notre édition.

Et l’envie est venue un jour de publier ce texte en français…

A.R. Entre les deux, j’ai déménagé en France. Ce texte m’a suivi, il était toujours dans ma bibliothèque. En 2013, j’ai organisé avec une amie un festival de littérature, appelé Littérature etc. C’était la première édition dont le thème était l’amour. En réfléchissant à des textes qui pourraient intégrer cette programmation. J’ai parlé de ce texte que nous avons traduit à deux, en faisant quelque chose d’un peu bâtard, pas forcément final. Cette traduction devait servir pour une lecture dans le cadre du festival. Je travaillais déjà aux éditions de la Contre-Allée, et la maison a bien voulu le publier. On a confié la traduction à Barbora Faure. Il y a donc eu plusieurs phases qui se sont terminées par la publication de la lettre un an après le festival, en 2014.

Il faut expliquer en quelques mots de quoi il s’agit. C’est une lettre d’amour très érotique, sans concessions, et en même temps qui est traversée de réflexions philosophiques. Tout est entremêlé. Pourriez-vous nous en dire plus ?

A.R. Effectivement ce qui est frappant, toujours aujourd’hui, et unique dans ce texte et dans le ton, c’est cet entrelacs de différentes choses. Il y a les aspects plus personnels, très émotifs. C’est une lettre d’amour que Jana Černá écrit à son amant en 1962. Ce n’était pas un texte destiné à la publication alors que par ailleurs elle était écrivaine. Ce texte était véritablement une lettre personnelle, intime. Elle est chez elle, le soir, elle ne savait pas forcément, en commençant à écrire, où cela la mènerait. Finalement, dans cette lettre, on croise tout : ce qu’est, pour elle, la relation amoureuse qui doit comprendre aussi bien un lien très fort au niveau intellectuel et sexuel. Tout ce qu’elle entend par poésie, philosophie et littérature est quelque chose de très concret en fait. C’est ce qui est beau, selon moi : c’est quelque chose qui, pour elle, est très lié au quotidien. La philosophie et la poésie ne vivent pas dans les bibliothèques ni les livres. Elles vivent dans la rue, dans les conversations avec les gens et dans la réalité. Je trouve cela très fort, d’autant plus que Jana Černá incarnait cela dans sa vie.

Ce n’est donc pas seulement un texte théorique, mais totalement incarné par elle. C’est pour cette raison que la lettre est si singulière aussi. C’était quelqu’un d’exceptionnel qui a eu une vie incroyable : elle a fait pleins de métiers différents, femme de ménage, poinçonneuse, elle a eu plusieurs enfants qui lui ont été enlevés parce qu’elle ne pouvait pas s’en occuper. C’était la fille de Milena Jesenská donc elle vient d’un milieu familial où plusieurs cultures se mêlaient. Elle ne sort pas de nulle part non plus. Dans sa lettre, elle développe quelque chose que l’on peut qualifier de philosophique même s’il n’y a rien de systématique ou de dogmatique. Le texte a été écrit en 1962 mais il me semble qu’il n’a pas pris une ride, que ce soit au niveau du vocabulaire que des thématiques. Cela reste encore tabou de dire des choses comme celles-ci et de cette façon.

Il faut en effet rappeler que Jana Černá est la fille de Milena Jesenská, mondialement connue pour avoir correspondu avec Franz Kafka, même si elle n’est pas du tout réductible à cette correspondance. C’est une journaliste, une grande figure de l’antinazisme dans la Tchécoslovaquie de l’entre-deux-guerres, elle a été résistante et a fini sa vie à Ravensbrück en 1944. Peut-on dire que cette sorte d’esprit rebelle de Jana Černá est un héritage de sa mère ?

A.R. Oui. D’ailleurs Jana Černá a écrit un livre magnifique sur sa mère, Vie de Milena, que nous avons également publié. Là aussi, il s’agit d’une biographie pas du tout conformiste dans le ton. Elle relate pleins de faits qui finalement donnent une profondeur et une richesse à la vie de sa mère. Elle s’inscrit aussi dans cette tradition-là de la rébellion, de l’anticonformisme et de la justice. Ce n’était pas de l’anticonformisme juste pour être anticonformiste. C’était quelque chose qui a à voir avec cette idée de justice très forte et très ancrée en Milena. Elle en est d’ailleurs morte et cette idée est clairement inscrite dans sa fille.

Dans l’introduction du livre, vous dites que cette lettre est une métaphore du féminisme. En quoi ?

A.R. C’est quelque chose que je pense personnellement. Je ne suis pas sûre que Jana Černá se serait reconnue dans cette affirmation. Je ne veux pas parler à sa place. Il s’agit de ma lecture. Mais pour tout ce que nous venons d’évoquer, oui, je pense qu’il y a quelque chose qui préfigure le féminisme, bien avant 1968, à travers cette liberté de ton vis-à-vis de la sexualité, de la façon dont elle l’envisage et dont elle vit au quotidien. Pour elle, il n’y a pas de hiérarchie dans le couple, elle assume pleinement son désir, sa sexualité et la façon dont elle veut la vivre. C’est extrêmement novateur pour l’époque cette affirmation du désir féminin. Effectivement, c’est un prélude aux revendications qui seront sur le devant de la scène en 1968 et dans les années 1970 avec le mouvement féministe.

Et peut-être même par rapport à notre période actuelle. La lettre est sortie en français en 2014. Aujourd’hui, le féminisme connaît, sous diverses formes, un véritable regain. Le texte est aussi en résonnance avec des affirmations féministes actuelles…

A.R. Absolument. C’est pour cela que ce texte continue d’être lu, six ans après sa publication. Il continue à circuler. Nous recevons encore beaucoup d’échos de libraires, de lecteurs… Il résonne très fort avec le contexte actuel. Les choses évoluent, mais il y a aussi des retours en arrière par rapport au désir féminin, au consentement, et à toutes ces questions. Ce texte-là n’est pas une réponse, mais plutôt quelque chose qui peut toujours nous éclairer. C’est ainsi qu’on devrait vivre sa propre sexualité et c’est ainsi qu’elle devrait aussi être perçue du point de vue masculin. C’est aussi cela qui est intéressant : c’est une femme qui écrit, mais elle s’adresse à un homme. D’ailleurs, en France, on a reçu beaucoup d’échos de la part d’hommes, ce qui est rare pour un texte de ce type. Souvent, ce sont des femmes qui s’expriment, mais là, c’était aussi beaucoup les hommes. Je pense que ça fait du bien aux hommes aussi de lire un texte comme celui-ci !

Rappelons dans quel contexte la lettre est écrite. On est dans les années soixante. On est avant la libéralisation du Printemps de Prague qui est un peu plus tardive, mais il y a ces cercles underground autour de son amant Egon Bondy et d’autres écrivains tchèques. Il y a tout de même un vrai bouillonnement intellectuel et artistique à cette époque-là…

A.R. Tout à fait. Bohumil Hrabal faisait également partie du cercle de ses amis. Jana Černá s’inscrivait vraiment dans cette avant-garde, avant le Printemps de Prague. Elle écrivait, mais il y avait deux types d’écriture chez elle : les livres qui passaient la censure, qu’elle publiait sous nom et dont elle n’était pas très fière, et il y avait les vrais textes littéraires qui étaient publiés en samizdat, lus par ses amis, par Bondy, Hrabal et les autres. Elle à la fois vécu et contribué à cette effervescence de l’époque.

Dans ce texte, le langage est extrêmement cru, mais pas une seconde on a l’impression que c’est vulgaire. Un vrai tour de force !

A.R. Oui, c’est vrai. C’est ce que j’ai ressenti, de même que tous les lecteurs et les lectrices. Ce n’est pas vulgaire du tout. Ce n’est pas seulement le fait qu’elle soit une grande écrivaine, mais c’est aussi une question de sensualité, de sentiments. Ce qu’elle exprime dans cette lettre est totalement sincère, elle ne cherche pas à choquer. Elle ne fait pas de la provocation facile, elle dit les choses comme elle les pense. Ce n’est jamais vulgaire parce que c’est juste l’expression de quelque chose de très profond qui ne cherche pas à choquer, et a fortiori pas Egon Bondy ! Il en a certainement vu d’autres… Il faut garde cela en tête aussi. C’est un écrit intime pour quelqu’un qui la connaît. Dès lors, cette sensualité-là passe sans problème. »

Anna Kubišta


Ce qu’ils en disent…

[RTBF.BE, 30 septembre 2014] Tiré d’un poème de l’auteure, le titre souligne à la fois la charge érotique du texte et la rébellion extraordinaire d’une femme face à l’ambiance étouffante en Tchécoslovaquie d’après-guerre. Probablement écrite en 1962, cette lettre est un véritable manifeste pour la liberté individuelle.

Dans les années qui précèdent le Printemps de Prague, Jana Černá livrait dans cette lettre à Egon Bondy sa volonté de révolutionner les codes de conduite, de rechercher de nouveaux possibles dans la vie privée, les rapports sentimentaux et la sexualité. En refusant de se soumettre à la primauté masculine, elle affirme aussi son souhait d’une sexualité non séparée des sentiments et de l’activité intellectuelle.

Dotée d’une personnalité hors du commun, Jana Černá fascinait son entourage par sa vitalité et son audace. Plusieurs fois mariée et mère de 5 enfants, elle n’a exercé que des emplois occasionnels tels que femme de ménage, contrôleuse de tramway etc. Marginalité et rejet de tout conformisme social, langagier ou politique semblent avoir été ses maîtres mots. Cette lettre débarrassée de toutes conventions, au ton libre et spontané, est d’une étonnante modernité.

Jana Černá fréquente Egon Bondy, auteur mythique en Tchéquie, spécialiste des philosophies orientales, mais aussi auteur des textes des Plastic People of the Universe, le groupe de rock symbole de la rébellion des années 70. Tous deux font partie de la culture clandestine de Prague avec Bohumil Hrabal, l’un des plus importants écrivains tchèques de la seconde moitié du XXe siècle. Ils ont publié leurs écrits sous forme de ‘Samizdat’ (système de circulation clandestine d’écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l’Est) jusqu’à la chute du communisme. Jana Černá collaborera à différentes publications de cette mouvance, sous divers pseudonymes (Gala Mallarmé, Sarah Silberstein) ainsi que sous son nom de Jana Krejcarova.

Myriam Leroy


ČERNÁ Jana, Pas dans le cul aujourd’hui a probablement été rédigé en 1962 et est paru chez La Contre Allée en 2014, dans une traduction de Barbora Faure.

CZ > FR

EAN 9782917817278

96 pages

Disponible en ePub et poche.


Ce que nous en disons…

Une parole libre, salutaire en ces temps de puritanisme qui rongent nos horizons…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

S’ il existe un espoir concret que tu produises un fruit mûr alors c’est seulement à condition que ce fruit te comprenne tout entier, avec tes chaussettes, ton horreur des bibliothèques, ta barbe, ta bière, ta fantaisie, ton intellect, ta queue, tout ce qui se rapporte à toi.


L’auteure…

[infos éditeur] Jana Černá (Honza, “Jeannot”, pour sa mère) est née à Prague en 1928, fille de l’architecte avant-gardiste J. Krejcar et de Milena Jesenská (la célèbre Milena de Kafka, journaliste et résistante, emprisonnée en août 1939 et morte à Ravensbrück). Confiée à son grand-père, Jana a suivi des études secondaires, puis artistiques. Elle a très vite choisi la vie de bohème et n’a jamais exercé d’emploi stable, exerçant des activités occasionnelles telles que femme de ménage, contrôleuse de tramway, aide-cuisinière. A la mort de son grand-père en 1947 elle s’est trouvée à la tête d’un vaste héritage qu’elle n’a pas tardé à dilapider. Plusieurs fois mariée et mère de 5 enfants, elle a fréquenté les milieux littéraires de la mouvance surréaliste et underground et collaboré à différentes publications de cette mouvance, sous divers pseudonymes (Gala Mallarmé, Sarah Silberstein) ainsi que sous son nom de Jana Krejcarova. Marginalité et rejet de tout conformisme social, langagier ou politique semblent avoir été ses maîtres mots. Vers la fin de sa vie elle se consacre à la création de céramiques. Elle meurt en 1981 dans un accident de la circulation. Le philosophe Egon Bondy, dans la vie de qui elle est restée profondément ancrée, a écrit le jour de son enterrement : “On l’enterre en ce moment et moi je suis si loin, assis dans une ville glacée où personne ne sait qu’elle a été ce que l’homme peut atteindre de plus grand.”


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : francais.radio.cz ; rtbf.be ; librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, Jana Černá et Egon Bondy dans les rues de l’époque (1950-60) © DP.


Lire encore en Wallonie-Bruxelles…