HARRISON : Dalva (1987)

Ce qu’ils en disent…

[L’EXPRESS] « Le roman des grands espaces : la preuve, par la littérature, que l’on est ce que l’on fait. Une invitation à la sculpture de soi. »

François Busnel

[BABELIO.COM] « Dalva est le grand roman américain de Jim Harrison, son livre le plus abouti et le plus poignant, depuis le fabuleux Légendes d’automne. Harrison nous donne ici un portrait de la nation indienne jusqu’aux séquelles de la guerre du Viêt-nam et au cynisme des années 80 – en centrant son livre sur la vie tumultueuse et meurtrie d’une femme de quarante-cinq ans, Dalva. A travers cinq générations de sa famille de pionniers, c’est le mythe du jardin d’Eden, de l’innocence perdue que Harrison met en scène avec ce sens de l’espace, cet extraordinaire lyrisme, cette violence et cette étrange pudeur qui lui sont propres. “Comment, après avoir si bien commencé, avons-nous pu en arriver là ?” A cette question ô combien romanesque et melvilienne, Jim Harrison apporte avec Dalva, son chef-d’oeuvre, une réponse éblouissante. »


Cliquez sur l’image…

HARRISON Jim, Dalva est paru chez 10/18 en 1991, dans une traduction de Brice Matthieussent.

US > FR

EAN 9782264016126

470 pages

Disponible en ePub et poche.


Ce que nous en disons…

Qui est donc ce sorcier-des-mots-qui-parlent ? Quel est donc ce roman mosaïque où la vie quotidienne d’une femme américaine est une fenêtre ouverte sur un récit épique, où les héros sont tous des gueules-cassées… comme chacun d’entre nous ? Comment l’intime peut-il se déployer ainsi, comme dans une plaine à bisons ? Pourquoi pouvons-nous donner un visage connu de nous seuls, à chacun des personnages racontés, quand ils crient leur révolte ou pour appeler leur cheval, quand ils boivent à transpirer le jus des mignonnettes de leur motel, quand ils font l’amour sur une pierre cachée dans des vallées secrètes, quand ils s’enlacent sur un capot de voiture ou dans un jardin d’automne, quand ils meurent devant une grange entourés de leur famille, quand ils galopent à cheval éperdument, quand les chiens posent la tête sur leurs genoux, quand ils mentent, quand ils avouent, quand un enfant perdu empêche la mort dans la vie, quand la sueur le gagne sur l’eau de toilette ou quand une ferme est encerclée de rangées d’arbres, comme un enfer de Dante fait pour des garçons vachers, quand, enfin, les lignées familiales sont un héritage tellement ankylosant qu’il convient de bien s’ébrouer… Ce que fait Dalva. L’Amérique ne produit pas que des pervers, fussent-ils présidents, et il y a des conteurs qui savent comment dire ses cicatrices : Stegner, Morrison, Singer et… Jim Harrison. Merci : que dire d’autre ?

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

« C’était cette période de la vie où l’on veut être comme tout le monde, même si l’on commence à comprendre que ce « tout le monde » n’existe pas et n’a jamais existé. »

« J’étais mouillée après ce baptême dans la rivière, et il était sec et brûlant, son haleine sentait l’odeur aigre du vin de prune sauvage, le parfum suri des fruits gâtés, la terre et les brindilles collaient à notre peau, le petit cercle de lumière au sommet du tipi tombait vers mes yeux. Je ne croyais pas que j’irais jusque là.”

« La plupart des gens énergiques et brillants que j’ai connus avaient fermé la porte à double tour sur des secrets beaucoup trop vivaces pour qu’on puisse les qualifier de squelettes enfermés dans un placard. »

“La présence d’un homme âgé de Pacific Palisades dans l’angle opposé du restaurant m’a énervée. Il était connu pour sa cruauté sexuelle envers les femmes du milieu du cinéma. Je me suis surprise à me demander comment il pouvait exister des comportements pathologiques alors que la pathologie devenait la norme.”

“… à savoir que chacun doit accepter son lot de solitude inévitable, et que nous ne devons pas nous laisser détruire par le désir d’échapper à cette solitude. »

« On ne peut pas demander au désert d’incarner une liberté qu’on n’a pas d’abord organisée soi-même dans sa chambre à coucher ou dans son salon. C’est cette exigence que je trouve parfaitement déplacée dans presque tous les livres qui nous parlent de la nature. Les gens déversent dans l’univers naturel toutes leurs doléances mesquines et démesurées, puis ils se remettent à se plaindre de leurs éternels griefs dès que la sensation de nouveauté a disparu. Nous détruisons le monde sauvage chaque fois que nous voulons lui faire incarner autre chose que lui-même, car cette autre chose risque toujours de se démoder. […] Mais chaque fois que nous demandons aux lieux d’être autre chose qu’eux-mêmes, nous manifestons le mépris que nous avons pour eux. Nous les enterrons sous des couches successives de sentiments, puis, d’une manière ou d’une autre, nous les étouffons jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je peux réduire à néant tant le désert que le musée d’Art moderne de New York en les écrasant sous tout un monceau d’associations qui me rendront aveugle à la flore, à la faune et aux tableaux. D’habitude, les enfants trouvent plus facilement que nous des champignons ou des pointes de flèches, pour cette simple raison qu’ils projettent moins de choses sur le paysage. »

« Si les nazis avaient gagné la guerre, l’Holocauste aurait été mis en musique, tout comme notre cheminement victorieux et sanglant vers l’Ouest est accompagné au cinéma par mille violons et timbales. »

« Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’on pouvait bien trafiquer dans ces organisations qui placent souvent de petites pancartes sur la route à l’entrée des villages : Rotary, Kiwanis, Chambre de Commerce, Chevaliers de Colomb, Maçons, Lions, American Legion, VFW, Élans, Aigles, Orignaux. C’est tout ce que j’ai pu trouver. Pourquoi diable n’y avait-il pas d’Ours ? »

« L’espace d’un instant le souvenir de Dalva et son absence m’ont submergé ; en même temps, j’ai compris à un niveau plus profond que je ne pouvais guère rivaliser avec tout cela. L’amour est en définitive un sujet plus ardu que la sexualité. »

« Cela paraît aujourd’hui ridicule, mais le comportement du coq, le comique inexorable de sa démarche, tout cela a quelque chose d’absurde et de tendre. »

« J’ai entendu un croassement qui, selon Dalva, était celui d’un faisan mâle. Comme les coqs, ces volatiles annoncent le jour – voilà bien une conduite de mâle : annoncer l’évidence… »


L’auteur…

[BABELIO.COM] « Jim HARRISON (1937-2016), nom de plume de James Harrison, est un poète, romancier et nouvelliste américain. À l’âge de huit ans, une gamine lui crève accidentellement l’œil gauche avec un tesson de bouteille au cours d’un jeu. Il mettra longtemps avant de dire la vérité sur cette histoire. A l’age de 16 ans, il décide de devenir écrivain et quitte le Michigan pour vivre la grande aventure à Boston et à New York. C’est aussi à 16 ans qu’il rencontre Linda, de deux ans sa cadette, qui deviendra sa femme en 1960. Ils ont eu deux filles, Jamie, auteur de roman policier, et Anna.

Il rencontre Tomas McGuane à la Michigan State University, en 1960, qui va devenir l’un de ses meilleurs amis. Sa vie de poète errant vole en éclats le jour où son père et sa sœur trouvent la mort dans un accident de la route causé par un ivrogne, en 1962. Titulaire d’une licence de lettres, il est engagé, en 1965, comme assistant en littérature à l’Université d’État de New York à Stony Brook mais renonce rapidement à une carrière universitaire.

Pour élever ses filles, il enchaîne les petits boulots dans le bâtiment, tout en collaborant à plusieurs journaux, dont Sports Illustrated. Son premier livre, Plain Song, un recueil de poèmes, est publié en 1965. En 1967, la famille retourne dans le Michigan pour s’installer dans une ferme sur le rives du Lake Leelanau. Immobilisé pendant un mois, à la suite d’une chute en montagne, il se lance dans le roman Wolf (1971).

McGuane lui présente Jack Nicholson sur le tournage de Missouri Breaks. Harrison, qui n’a pas payé d’impôts depuis des années, est au bord du gouffre. Nicholson lui donne de quoi rembourser ses dettes et travailler un an. Il écrit alors Légendes d’automne (Legends of the Fall, 1979), une novella publiée dans Esquire et remarquée par le boss de la Warner Bros qui lui propose une grosse somme pour tout écrit qu’il voudra bien lui donner. Le succès n’étant pas une habitude chez les Harrison, Jim se noie dans l’alcool, la cocaïne. Après une décennie infernale (1987-1997) durant laquelle il a écrit un grand roman, Dalva (1988), il choisit de s’isoler et de se consacrer pleinement à l’écriture et aux balades dans la nature. Jim Harrison meurt d’une crise cardiaque le 26 mars 2016, à l’âge de 78 ans, dans sa maison de Patagonia, Arizona. »


En savoir plus…


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © mensjournal.com ; © 10/18.


Lire encore en Wallonie-Bruxelles…

DE LUCA : Montedidio (2002)

Ce qu’ils en disent…

[GALLIMARD.FR] Dans un quartier populaire de Naples appelé Montedidio, littéralement « la montagne de Dieu », un garçon de treize ans décide d’abandonner l’école pour entamer un apprentissage chez un menuisier, mast’Errico. Dans son atelier, il fait la connaissance de Rafaniello, un cordonnier juif rescapé de la Shoah doté d’une grande sagesse, avec lequel il se lie d’amitié. Confronté à la dureté du monde des adultes, le jeune garçon rêve secrètement de s’envoler loin de Montedidio. Cloué au sol, il réussit malgré tout à s’évader à travers l’écriture : il couche sur le papier ses joies et ses peines, les étranges sensations qu’il éprouve face à son corps d’enfant qui se transforme en celui d’un homme, son amitié avec Rafaniello, et surtout son éveil à l’amour après sa rencontre avec la belle Maria. Un roman d’apprentissage bouleversant et poétique qui a été couronné par le prix Femina étranger en 2002.


DE LUCA Erri (né en 1950), Montedidio est paru chez Gallimard en 2002, dans une traduction de Danièle Valin. Il est disponible en Folio depuis 2003.

IT > FR

EAN 9782070302703

240 pages

Disponible en grand format, ePub et poche.


Bonnes feuilles…

Chacun de nous vit avec un ange, c’est ce qu’il dit, et les anges ne voyagent pas, si tu pars, tu le perds, tu dois en rencontrer un autre. Celui qu’il trouve à Naples est un ange lent, il ne vole pas, il va à pied : « Tu ne peux pas t’en aller à Jérusalem », lui dit-il aussitôt. Et que dois-je attendre, demande Rafaniello. « Cher Rav Daniel, lui répond l’ange qui connaît son vrai nom, tu iras à Jérusalem avec tes ailes. Moi je vais à pied même si je suis un ange et toi tu iras jusqu’au mur occidental de la ville sainte avec une paire d’ailes fortes, comme celles du vautour. » Et qui me les donnera, insiste Rafaniello. « Tu les as déjà, lui dit celui-ci, elles sont dans l’étui de ta bosse. » Rafaniello est triste de ne pas partir, heureux de sa bosse jusqu’ici un sac d’os et de pommes de terre sur le dos, impossible à décharger : ce sont des ailes, ce sont des ailes, me raconte-t-il en baissant de plus en plus la voix et les taches de rousseur remuent autour de ses yeux verts fixés en haut sur la grande fenêtre.


L’auteur…

[BNF.FR] Erri De Luca (originellement prénommé Enrico, il a adopté ensuite la forme italianisée de Harry) est né à Naples en 1950, dans une famille bourgeoise appauvrie par la guerre. Il grandit dans le quartier populaire de Montedidio, qui donnera son titre à l’un de ses romans les plus célèbres.

Luttes politiques et engagements humanitaires

Parti faire ses études à Rome alors qu’éclate la révolte de 1968, il se joint aux luttes ouvrières des années 70 et s’engage dans le mouvement Lotta continua, l’un des plus importants de la gauche extraparlementaire italienne d’alors, dont les archives conservées dans la fondation portant son nom documentent l’activité. Il n’achève pas ses études et exerce ensuite diverses professions manuelles : il travaille notamment à la Fiat, puis sur des chantiers en France et en Italie. Son engagement humanitaire le conduit en Tanzanie en 1983, dans le cadre d’un programme pour l’approvisionnement en eau, puis, dans les années 1990, dans la Yougoslavie en guerre, où il conduit des convois humanitaires.

Une vie de lectures et d’écriture

Il se prend au cours de ces années d’un intérêt pour la Bible, surtout pour l’Ancien testament, qu’il lit quotidiennement et qu’il a partiellement traduit de l’hébreu ; cette lecture imprègne fortement son œuvre.
Son premier livre, Non ora, non qui, paraît en 1989. Il en a publié depuis de nombreux autres, alternant textes de réflexion sur les écritures saintes (Una nuvola come tappeto, Nocciolo d’oliva, ou romans comme In nome della madre, E disse), traductions, recueils de poésies (Opera sull’acqua, Solo andata), théâtre (L’ultimo viaggio di Sindbad) et surtout œuvres narratives : on lui doit nombre de romans ou récits, souvent brefs, ayant pour la plupart une tonalité autobiographique et Naples ou ses environs pour cadre, où il fait entendre les échos des rues des quartiers populaires de sa ville natale (Non ora, non qui, Montedidio, Tu, mio), restitue son expérience intime de la montagne (Sulla traccia di Nives, Il peso della farfalla) ou évoque son engagement politique (Impossibile).
Il a aussi pris part à des projets communs avec des musiciens (Gianmaria Testa) et des cinéastes (notamment les courts-métrages Di là del vetro, Il turno di notte lo fanno le stelle et Tu non c’eri, qu’il a écrits).
Il reste très engagé politiquement, aux côtés du mouvement altermondialiste et des migrants. Inculpé en 2013 pour incitation au sabotage dans le cadre de la lutte contre la nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin (mouvement No Tav), il a finalement été relaxé en 2015 : l’un de ses livres, La parola contraria, s’en est fait l’écho.

La reconnaissance du public

En France, son roman Trois chevaux, honoré avec sa traductrice Danièle Valin du prix Laure-Bataillon en 2001, et Montedidio, lauréat du prix Femina étranger en 2002, ont contribué à sa notoriété. Le Prix européen de littérature lui a été décerné en 2013 ainsi que le Prix Ulysse pour l’ensemble de son œuvre.


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © Gallimard.


Lire encore en Wallonie-Bruxelles…