OLAFSDOTTIR : Rosa Candida (2015)

Ce qu’ils en disent…

[ZULMA.FR] Le jeune Arnljótur va quitter la maison, son frère jumeau autiste, son vieux père octogénaire, et les paysages crépusculaires de laves couvertes de lichens. Sa mère a eu un accident de voiture. Mourante dans le tas de ferraille, elle a trouvé la force de téléphoner aux siens et de donner quelques tranquilles recommandations à son fils qui aura écouté sans s’en rendre compte les dernières paroles d’une mère adorée. Un lien les unissait : le jardin et la serre où elle cultivait une variété rare de Rosa candida à huit pétales. C’est là qu’Arnljótur aura aimé Anna, une amie d’un ami, un petit bout de nuit, et l’aura mise innocemment enceinte. En route pour une ancienne roseraie du continent, avec dans ses bagages deux ou trois boutures de Rosa candida, Arnljótur part sans le savoir à la rencontre d’Anna et de sa petite fille, là-bas, dans un autre éden, oublié du monde et gardé par un moine cinéphile.

[LEPOINT.FR] Goutte de rosée sur un perce-neige, stalactite fondant au soleil, pain d’épices sous marbré se craquelant, concert de notes cristallines, comment dire les sensations inouïes que procure cette lecture venue du Grand Nord ? “Mon petit Lobbi”, voilà comment son vieux père, veuf inconsolable mais pourtant vaillant, nomme son fils qu’il voit prendre la route un jour, loin de la maison familiale, de la présence, muette et tendre, de son frère jumeau handicapé. Arnljótur s’en va vers un pays des roses que sa mère trop tôt disparue lui a appris à aimer, c’est sa grande passion, avec celle qu’il porte au “corps”, comme il désigne l’amour physique. Le sentiment, lui, n’a pas germé encore, même lors de son étreinte fugace, de nuit, dans la roseraie, avec Anna, qui lui annonce bientôt qu’elle est enceinte. Le si jeune père montre la photo de Flora Sol, sa toute petite, à tous ceux qui croiseront son périple vers le monastère où il est attendu comme jardinier.

Le long voyage est initiatique, semé d’inattendues rencontres, tendu par la difficulté de se faire comprendre quand on parle une langue que personne ne connaît.

Et puis, un jour, Anna demande au jeune homme d’accueillir leur enfant. Tout est bouleversé. Mais tout en douceur, avec ce qu’il faut de non-dits pour que l’essentiel affleure et touche au plus profond.

Tant de délicatesse à chaque page confine au miracle de cette Rosa candida, qu’on effeuille en croyant rêver, mais non. Ce livre existe, Auður Ava Ólafsdóttir l’a écrit et il faut le lire.”

Valérie Marin La Meslée

[NOUVELOBS.COM] En route pour une ancienne roseraie du continent, avec dans ses bagages deux ou trois boutures de Rosa candida, Arnljótur part sans le savoir à la rencontre d’Anna et de sa petite fille, là-bas, dans un autre éden, oublié du monde et gardé par un moine cinéphile.

Un humour baroque et léger irradie tout au long de cette histoire où rien décidément ne se passe comme il faut, ni comme on s’y attend.

Anne Crignon


OLAFSDOTTIR Audru Ava, Rosa candida est paru chez Zulma en 2015, dans une traduction de Catherin Eyjolfsson.

IS > FR

EAN 9782843047336

288 pages

Le roman est disponible en ePub et poche.


Ce que nous en disons…

La simplicité du désir que l’on découvre, comme une rose au matin petit, la musique du vent qui se glisse contre la peau, du mélisme sans mélo. Une prose directe, foisonnante de sobriété. Merci Madame Olafsdottir…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

Comme je vais quitter le pays et qu’il est difficile de dire quand je reviendrai, mon vieux père de soixante-dix-sept ans veut rendre notre dernier repas mémorable. Il va préparer quelque chose à partir des recettes manuscrites de maman – quelque chose qu’elle aurait pu cuisiner en pareille occasion.

« J’ai pensé, dit-il, à de l’églefin pané à la poêle et ensuite une soupe au cacao avec de la crème fouettée. » Pendant que papa essaie de trouver comment s’y prendre pour la soupe au cacao, je vais chercher mon frère à son foyer dans la vieille Saab qui va sur ses dix-huit ans. Jósef m’attend depuis un moment, planté sur le trottoir et visiblement content de me voir. Il est sapé à bloc parce que c’est ma soirée d’adieu, il porte la chemise que maman lui a achetée en dernier, violette à motifs de papillons.

Pendant que papa fait revenir l’oignon alors que les morceaux de poisson attendent, tout prêts, sur leur lit de chapelure, je vais dans la serre chercher les boutures de rosier que je vais emporter. Papa m’emboîte le pas, ciseaux à la main, pour couper de la ciboulette destinée à l’églefin et Jósef, silencieux, le suit comme son ombre. Il n’entre plus dans la serre depuis qu’il a vu les débris de verre causés par la tempête de février qui a réduit en miettes beaucoup de vitres. Il reste dehors, près de la congère, et nous suit du regard. Papa et lui portent le même gilet noisette avec des losanges jaunes.

« Ta mère mettait toujours de la ciboulette avec l’églefin », dit papa, tandis que je lui prends les ciseaux des mains et m’étire pour atteindre dans le coin de la serre la touffe toujours verte dont je lui tends une poignée. C’est moi le seul héritier de la serre de maman, comme papa me le rappelle régulièrement. Ce n’est pas qu’il s’agisse d’une culture de grande envergure comme trois cent cinquante pieds de tomate et cinquante plants de concombre qui se transmettraient de mère en fils ; il ne s’agit en fait que de roses qui poussent toutes seules, sans qu’on ait besoin de s’en occuper spécialement, et peut-être de la dizaine de plants de tomate qui restent. Papa se chargera d’arroser en mon absence.

« Je n’ai jamais été porté sur les légumes, mon petit Lobbi, c’était le dada de ta mère. Moi, je pourrais tout au plus manger une tomate par semaine. À ton avis, à la récolte, ça va donner combien de fruits par plant ?
— Tâche de les donner, alors.
— Je ne peux tout de même pas frapper à tout bout de champ chez les voisins avec mes tomates.
— Et Bogga ? »

Je dis cela tout en me doutant bien que la vieille amie de maman doit avoir les mêmes goûts que papa.

« Tu ne veux tout de même pas que j’aille toutes les semaines rendre visite à Bogga avec trois kilos de tomates. Elle insisterait pour que je reste à dîner. »

Je pressens aussitôt ce qu’il va dire ensuite.

« J’aurais voulu inviter la demoiselle et l’enfant, poursuit-il, mais va savoir si tu n’y serais pas opposé.

— Oui, j’y suis opposé. La demoiselle, comme tu dis, et moi, on n’est pas un couple et on ne l’a jamais été, même si on a un enfant ensemble. Ça a été un accident. »

J’ai déjà mis les choses au point et papa doit bien se rendre compte que l’enfant est le fruit d’un instant d’imprudence, et que ma relation avec la mère s’est limitée au quart, que dis-je, au cinquième d’une nuit.

« Ta mère n’aurait pas vu d’objection à les inviter au dernier repas. » Chaque fois que papa a besoin de donner du poids à ses paroles, il tire maman de sa tombe pour l’appeler en renfort.

Moi, je me sens tout drôle de me trouver sur le lieu même, si j’ose dire, de la procréation, en compagnie de mon vieux père et de mon demeuré de frère jumeau qui est là, juste derrière la vitre. Papa ne croit pas aux coïncidences, du moins pas quand il s’agit des événements primordiaux de l’existence, comme la naissance et la mort ; la vie ne s’allume pas, ni ne s’éteint comme ça, par hasard, dit-il. Il ne peut pas comprendre que la conception puisse résulter d’une rencontre fortuite, que l’occasion de coucher avec une femme puisse se présenter à l’improviste, pas plus qu’il ne peut comprendre que la mort puisse résulter d’une flaque d’eau ou de gravillons dans un virage, quand on peut se référer à autre chose : aux chiffres et aux calculs arithmétiques. Papa pense les choses autrement, le monde tient par des chiffres ; ils sont au cœur même de la création et on peut lire dans les dates une vérité profonde, y voir de la beauté. Ce que moi j’appelle hasard ou occasion, selon le cas, est pour papa un élément d’un système complexe. Trop de coïncidences, ça n’existe pas, une à la rigueur, mais pas trois ; pas de coïncidences en série, dit-il : l’anniversaire de maman, la date de naissance de sa petite-fille et le jour de la mort de maman, tout ça le même jour du calendrier, le sept août. Pour ma part, je ne comprends pas les calculs de papa ; d’après mon expérience, c’est justement quand on se met à escompter quelque chose de précis, que tout autre chose arrive. Je n’ai rien contre la marotte d’un électricien à la retraite à condition que ses calculs n’aient rien à voir avec ma négligence en matière de préservatifs.

« Tu n’es pas en train de filer à l’anglaise, mon petit Lobbi ?

— Non, je leur ai dit au revoir hier. » Je n’irai pas plus loin dans son sens et il change alors de conversation.

« Tu ne sais pas si ta mère avait par hasard une bonne recette de soupe au cacao ? J’ai acheté de la crème à fouetter.

— Non, mais on pourrait peut-être trouver ensemble comment faire. »


L’auteur…

[ZULMA.FR] Auður Ava Ólafsdóttir est née en 1958 à Reykjavik. D’un réalisme sans affèterie, tout son art réside dans le décalage de son personnage, cocasse et tendre. Cette insolite justesse psychologique, étrange comme le jour austral, s’épanouit dans un road movie dont le héros sort plus ingénu que jamais, avec son angelot sur le dos. Rosa candida a été largement salué par la presse et la critique.


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : zulma.fr ; librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © zulma.fr.


Lire encore en Wallonie-Bruxelles…

DURRELL : Le quatuor d’Alexandrie (1957-1960)

Ce qu’ils en disent…

Justine (1957)

[LIVREDEPOCHE.COM] En Grèce, sur une île des Cyclades, un homme se souvient de la ville d’Alexandrie. Avec une mémoire d’archiviste, il raconte ce qu’il a vécu là-bas avant la Seconde Guerre mondiale. Narrateur anonyme, Anglo-Irlandais entre deux âges, professeur par nécessité, il classe ses souvenirs, raconte son amour pour Justine, une jeune pianiste séduisante, un peu nymphomane et somnambule ; il évoque sa liaison avec l’émouvante Melissa, sa maîtresse phtisique. D’autres personnages se dessinent. D’abord Nessim, le mari amoureux et complaisant de Justine, Pombal, le Français, Clea, l’artiste-peintre, Balthazar, le médecin philosophe. Mais Justine, d’abord Justine, est au coeur de ce noeud serré, complexe, étrange, d’amours multiples et incertaines…
En achevant le premier tome de son fameux Quatuor d’Alexandrie (Balthazar, Mountolive et Clea succéderont à Justine et seront publiés entre 1957 et 1960), Lawrence Durrell (1912-1990) en donna à son ami Henry Miller une définition devenue célèbre : « C’est une sorte de poème en prose adressé à l’une des grandes capitales du coeur, la Capitale de la mémoire…« 

Balthazar (1958)

[LIVREDEPOCHE.COM] Deuxième volet du Quatuor d’Alexandrie, l’œuvre maîtresse de Lawrence Durrell, publiée entre 1957 et 1960, Balthazar est peut-être moins la suite de Justine que sa reprise, son amplification, selon un nouvel éclairage. Le narrateur et acteur du précédent livre reçoit la visite de Balthazar, le docteur juif, qui lui rapporte le manuscrit de Justine complété d’annotations, d’informations et de vérités contradictoires, qu’il ignorait jusqu’à présent. En un sens, le personnage de Balthazar devient le coauteur de ce second récit qui porte d’ailleurs son nom.
Les mêmes protagonistes sont considérés sous de nouveaux éclairages. La situation politique de l’Egypte entre les deux guerres, la révélation d’un complot copte, la mort de Melissa, la folie de Nessim, la fuite de Justine s’éclairent et s’approfondissent dans cette ville d’Alexandrie, de pure fascination, omniprésente, cette ville des défaites, des amours, des abandons, des décadences et des mélancolies.
La lecture de Balthazar permet de comprendre l’immense succès public que remporta la tétralogie romanesque de l’écrivain anglais. Mais on mesure surtout ici ses audaces et sa liberté formelle. En un mot, sa remarquable modernité. Roman intimiste mais aussi historique, poétique et philosophique, Balthazar a été écrit en six semaines.

Mountolive (1958)

[LIVREDEPOCHE.COMMountolive offre une nouvelle perspective sur les événements relatés dans Justine et Balthazar, es deux premiers volumes du Quatuor d’Alexandrie, l’oeuvre romanesque maîtresse de Lawrence Durrell (1912-1990) .
L’ambassadeur anglais, Mountolive, en devient le personnage principal. Il a parcouru l’Europe de l’avant-guerre, surpris à Berlin le mari de la belle et mystérieuse Justine en train d’acheter de armes pour défendre les coptes contre les Anglais. En bref, il perd ses illusions en découvrant la véritable personnalité de ses amis…
De ce volume, Lawrence Durrell disait : « Un style, totalement différent, une affaire naturaliste. » Ou encore : « Un gros roman orthodoxe. »
Mais il ne faut pas s’y tromper, le bonheur fou et méditerranéen de ce livre au romanesque échevelé et classique n’est peut-être pas si limpide que cela. Mountolive pourrait s’intituler ‘le livre de la fausse clarté’. Et c’est bien cette ambiguïté de sentiments et de la réalité qui donne à cette oeuvre unique sa mélancolie la plus déchirante.

Cléa (1960)

[LIVREDEPOCHE.COMClea est le quatrième et dernier volet du Quatuor d’Alexandrie, cette oeuvre magistrale que Lawrence Durrell composa entre 1957 et 1960. À cette entreprise romanesque aux facettes multiples, il fallait un dénouement. Ce sera donc Clea. Durrell écrivait à Henry Miller : « J’espère ajouter la quatrième dimension – Le Temps dans le dernier volume. » Clea, c’est un peu le Temps retrouvé du Quatuor. L’action désormais se situe après les événements rapportés dans Justine, Balthazar et Mountolive. Le narrateur quitte son île pour revenir à Alexandrie. La guerre touche à sa fin. Justine a vieilli, Balthazar est malade et solitaire. Seule, Clea, l’artiste, et, bien sûr, Alexandrie ont gardé leur pouvoir de séduction.
Le roman s’achève sur un échange de lettres entre le narrateur et Clea. Leur liaison s’interrompt. L’histoire se termine et recommence. De nouveau sur l’île, le narrateur entreprend la rédaction de son livre qui commence par ces simples mots : « Il était une fois…« 


DURRELL Lawrence, Le quatuor d’Alexandrie est composé de quatre romans distincts :

    • Justine (1957),
    • Balthazar (1958),
    • Mountolive (1958),
    • Cléa (1960).

Il est paru intégralement en Pochothèque chez Livre de Poche en 2003, avec une préface de Vladimir Volkoff. La traduction est de Roger Giroux. L’édition est annotée et suivie d’une postface de Christine Savinel | UK > FR | EAN 9782253132752 | 1052 pages.


Ce que nous en disons…

Jamais l’envol vers une prose plus poétique n’a autant permis d’approfondir la réalité kaléidoscopique de l’amour. Lecture pas toujours facile mais découverte incontournable…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

Je ne suis ni heureux ni malheureux : je vis en suspens, comme une plume dans l’amalgame nébuleux de mes souvenirs. J’ai parlé de la vanité de l’art mais, pour être sincère, j’aurais dû dire aussi les consolations qu’il procure. L’apaisement que me donne ce travail de la tête et du cœur réside en cela que c’est ici seulement, dans le silence du peintre ou de l’écrivain, que la réalité peut être recréée, retrouver son ordre et sa signification véritables et lisibles. Nos actes quotidiens ne sont en réalité que des oripeaux qui recouvrent le vêtement tissé d’or, la signification profonde. C’est dans l’exercice de l’art que l’artiste trouve un heureux compromis avec tout ce qui l’a blessé ou vaincu dans la vie quotidienne, par l’imagination, non pour échapper à son destin comme fait l’homme ordinaire, mais pour l’accomplir le plus totalement et le plus adéquatement possible. Autrement pourquoi nous blesserions-nous les uns les autres ? Non, l’apaisement que je cherche, et que je trouverai peut-être, ni les yeux brillants de tendresse de Mélissa, ni la noire et ardente prunelle de Justine ne me le donneront jamais. Nous avons tous pris des chemins différents maintenant; mais ici, dans le premier grand désastre de mon âge mûr, je sens que leur souvenir enrichit et approfondit au-delà de toute mesure les confins de mon art et de ma vie. Par la pensée je les atteins de nouveau, je les prolonge et je les enrichis, comme si je ne pouvais le faire comme elles le méritent que là, là seulement, sur cette table de bois, devant la mer, à l’ombre d’un olivier. Ainsi la saveur de ces pages devra-t-elle quelque chose à leurs modèles vivants, un peu de leur souffle, de leur peau, de leur inflexion de leur voix, et cela se mêlera à la trame ondoyante de la mémoire des hommes. Je veux le faire revivre de telle façon que la douleur se transmue en art… Peut-être est-ce là une tentative vouée à l’échec, je ne sais. Mais je dois essayer…


L’auteur.e…

[UNIVERSALIS.FR] Irlandais comme James Joyce, né aux Indes comme Rudyard Kipling, diplomate comme Saint-John Perse, Lawrence Durrell (1912-1990) est à la fois un romancier et un poète. C’est aussi un essayiste.

Il abandonne ses études à dix-sept ans. Sa vie, pendant les années trente, jusqu’à la guerre, sera celle d’un beatnik avant la lettre. Il exerce plusieurs métiers : pianiste, photographe, et il publie ses premiers poèmes : Fragment original (Quaint Fragment, 1931), Ballade de la décomposition lente (Ballad of Slow Decay, 1931), Dix Poèmes (Ten Poems, 1932). Toujours à la recherche du soleil, à défaut de retrouver celui de son enfance, il se dirige vers la Méditerranée, et aboutit à Corfou, qui devient l’un des pôles d’attraction de sa vie : il y retournera, il y écrira, il en parlera dans L’Île de Prospéro (Prospero’s Cell, 1945). Il voyage ensuite en Europe, surtout en France et en Italie, et rencontre Henry Miller à Paris en 1937. Puis Lawrence Durrell retourne à Londres, où il publie, sans grand succès, deux romans : Pipeau bariolé des amants (Pied Piper of Lovers, 1935) et Printemps ou Tremplin d’épouvante (Panic Spring, 1937). Enfin, avec Le Carnet noir (The Black Book) publié à Paris en 1938, Lawrence se libère de ses obsessions, en particulier de la grisaille britannique qu’il appelle ‘la mort anglaise’, et s’émancipe de l’influence d’Henry Miller. Le Carnet noir est une œuvre étrange et difficile à classer, une sorte de catharsis lyrique et diffuse, qui n’est pas sans parenté, par sa révolte, avec les angoisses des écrivains américains de San Francisco et de Greenwich Village de cette époque.

Lors de la déclaration de guerre, il se trouve en Grèce à nouveau, à Corfou. Nommé attaché de presse à Athènes, il va au Caire, puis à Alexandrie, qui sera son second pôle d’attraction. C’est là qu’il situera sa fameuse tétralogie, Le Quatuor d’Alexandrie.

Il continue d’écrire et de publier de nombreux poèmes : Un pays privé (A Private Country, 1943), Cités, plaines et gens (Cities, Plains and People, 1946), Présomptions (On Seeming to Presume, 1948), Deus loci (1950). Mais il se lance aussi dans un genre nouveau, les récits de voyages, ou plutôt de séjours, le plus souvent à propos d’une île méditerranéenne : Corfou, avec l’Île de Prospéro ; la Crète, avec Cefalù, 1947 (qui est cette fois-ci un vrai roman), et plus tard, en 1953, Rhodes, avec Vénus et la Mer (Reflections on a Marine Venus). Ces œuvres, à mi-chemin entre la poésie et le roman, révèlent un grand talent d’évocation des lieux, des paysages et des personnages. Plus que les êtres, ce sont les lieux, les ‘dei loci’, qui importent.

En cela, ces récits poétiques préfigurent le fameux Quatuor d’Alexandrie. En effet, Justine (1957), Balthazar (1958), Mountolive (1958) et, enfin, Cléa (1960) composent comme les mouvements d’un quatuor complexe, où les événements et les personnages foisonnent, reflétant le grouillement de la ville d’Alexandrie, véritable sujet de la tétralogie. C’est à Alexandrie en effet, dans le fourmillement de ses bas-fonds, dans la valse élégante de ses diplomates, parmi les complots où rivalisent Anglais, Juifs, Arabes, Coptes et d’autres encore, que se noue, pendant la Seconde Guerre mondiale, le destin des héros.

Mais l’ambition de Durrell est plus vaste que celle, modeste, de décrire simplement une ville, si grouillante fût-elle, à travers son atmosphère et la psychologie de ses habitants.

Avec une audace et une virtuosité technique (sur laquelle il attire lui-même l’attention dans sa préface à Balthazar), il cherche à découvrir une forme romanesque nouvelle, « appropriée à notre époque, qui mériterait le nom de classique. » Ainsi, en quête de l’amour moderne, Durrell décide de s’inspirer de la théorie de la relativité, ce symbole du xxe siècle : « Trois parties d’espace et une de temps, voilà la recette pour cuisiner un continuum. » Justine, Balthazar et Mountolive représenteront trois visions simultanées des mêmes événements, romans sosies plutôt que suites, tandis que Cléa viendra ajouter la dimension temporelle. D’un livre à l’autre, le regard change, un même personnage passe de la narration subjective à une description objective ; sous un angle d’observation différent, des actes et des événements identiques prennent une signification nouvelle. Avec Cléa (récit du retour du narrateur à Alexandrie, quelques années plus tard), c’est le recul du temps qui cette fois change l’aspect des personnages comme la signification de leurs actes. Cette vision kaléidoscopique des hommes et des événements conduit le lecteur à s’interroger sur la vérité.

Cependant, malgré la prouesse technique et le talent dont Durrell fait preuve à chaque instant, on peut parfois se demander si l’exotisme florissant, le goût prononcé pour la couleur locale et les multiples épisodes mélodramatiques (en particulier dans Cléa) ne desservent pas l’œuvre plus qu’ils ne la servent.

Fixé dans le sud de la France, où il se passionne pour la construction des murs en pierres sèches, Lawrence Durrell a publié ensuite La Révolte d’Aphrodite (The Revolt of Aphrodite) composé de deux romans : Tunc (1968) et Nunquam (1970), ainsi que sa correspondance avec Miller (A Private Correspondance, 1963). Son goût des jeux de miroirs et des labyrinthes romanesques l’a amené à créer une nouvelle suite, Le Quintette d’Avignon, dont les titres sont : Monsieur, ou le Prince des ténèbres (Monsieur ; or, the Prince of Darkness, 1974), Livia, ou l’Enterrée vive (Livia ; or, Buried Alive, 1978), Constance, ou les Pratiques solitaires (Constance ; or Solitary Practices, 1982), Sebastian, ou les Passions souveraines (Sebastian ; or, Ruling Passions, 1983) et Quinte, ou la Version Landru (Quinx ; or, the Ripper’s Tale, 1985).

Ann Daphné GRIEVE


En savoir plus…

Justine est également devenu un film de George CUKOR (1969), avec Anouk Aimée…


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : e.a. librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © DP.


Lire encore en Wallonie-Bruxelles…

HARRISON : Dalva (1987)

Ce qu’ils en disent…

[L’EXPRESS] « Le roman des grands espaces : la preuve, par la littérature, que l’on est ce que l’on fait. Une invitation à la sculpture de soi. »

François Busnel

[BABELIO.COM] « Dalva est le grand roman américain de Jim Harrison, son livre le plus abouti et le plus poignant, depuis le fabuleux Légendes d’automne. Harrison nous donne ici un portrait de la nation indienne jusqu’aux séquelles de la guerre du Viêt-nam et au cynisme des années 80 – en centrant son livre sur la vie tumultueuse et meurtrie d’une femme de quarante-cinq ans, Dalva. A travers cinq générations de sa famille de pionniers, c’est le mythe du jardin d’Eden, de l’innocence perdue que Harrison met en scène avec ce sens de l’espace, cet extraordinaire lyrisme, cette violence et cette étrange pudeur qui lui sont propres. “Comment, après avoir si bien commencé, avons-nous pu en arriver là ?” A cette question ô combien romanesque et melvilienne, Jim Harrison apporte avec Dalva, son chef-d’oeuvre, une réponse éblouissante. »


Cliquez sur l’image…

HARRISON Jim, Dalva est paru chez 10/18 en 1991, dans une traduction de Brice Matthieussent.

US > FR

EAN 9782264016126

470 pages

Disponible en ePub et poche.


Ce que nous en disons…

Qui est donc ce sorcier-des-mots-qui-parlent ? Quel est donc ce roman mosaïque où la vie quotidienne d’une femme américaine est une fenêtre ouverte sur un récit épique, où les héros sont tous des gueules-cassées… comme chacun d’entre nous ? Comment l’intime peut-il se déployer ainsi, comme dans une plaine à bisons ? Pourquoi pouvons-nous donner un visage connu de nous seuls, à chacun des personnages racontés, quand ils crient leur révolte ou pour appeler leur cheval, quand ils boivent à transpirer le jus des mignonnettes de leur motel, quand ils font l’amour sur une pierre cachée dans des vallées secrètes, quand ils s’enlacent sur un capot de voiture ou dans un jardin d’automne, quand ils meurent devant une grange entourés de leur famille, quand ils galopent à cheval éperdument, quand les chiens posent la tête sur leurs genoux, quand ils mentent, quand ils avouent, quand un enfant perdu empêche la mort dans la vie, quand la sueur le gagne sur l’eau de toilette ou quand une ferme est encerclée de rangées d’arbres, comme un enfer de Dante fait pour des garçons vachers, quand, enfin, les lignées familiales sont un héritage tellement ankylosant qu’il convient de bien s’ébrouer… Ce que fait Dalva. L’Amérique ne produit pas que des pervers, fussent-ils présidents, et il y a des conteurs qui savent comment dire ses cicatrices : Stegner, Morrison, Singer et… Jim Harrison. Merci : que dire d’autre ?

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

« C’était cette période de la vie où l’on veut être comme tout le monde, même si l’on commence à comprendre que ce « tout le monde » n’existe pas et n’a jamais existé. »

« J’étais mouillée après ce baptême dans la rivière, et il était sec et brûlant, son haleine sentait l’odeur aigre du vin de prune sauvage, le parfum suri des fruits gâtés, la terre et les brindilles collaient à notre peau, le petit cercle de lumière au sommet du tipi tombait vers mes yeux. Je ne croyais pas que j’irais jusque là.”

« La plupart des gens énergiques et brillants que j’ai connus avaient fermé la porte à double tour sur des secrets beaucoup trop vivaces pour qu’on puisse les qualifier de squelettes enfermés dans un placard. »

“La présence d’un homme âgé de Pacific Palisades dans l’angle opposé du restaurant m’a énervée. Il était connu pour sa cruauté sexuelle envers les femmes du milieu du cinéma. Je me suis surprise à me demander comment il pouvait exister des comportements pathologiques alors que la pathologie devenait la norme.”

“… à savoir que chacun doit accepter son lot de solitude inévitable, et que nous ne devons pas nous laisser détruire par le désir d’échapper à cette solitude. »

« On ne peut pas demander au désert d’incarner une liberté qu’on n’a pas d’abord organisée soi-même dans sa chambre à coucher ou dans son salon. C’est cette exigence que je trouve parfaitement déplacée dans presque tous les livres qui nous parlent de la nature. Les gens déversent dans l’univers naturel toutes leurs doléances mesquines et démesurées, puis ils se remettent à se plaindre de leurs éternels griefs dès que la sensation de nouveauté a disparu. Nous détruisons le monde sauvage chaque fois que nous voulons lui faire incarner autre chose que lui-même, car cette autre chose risque toujours de se démoder. […] Mais chaque fois que nous demandons aux lieux d’être autre chose qu’eux-mêmes, nous manifestons le mépris que nous avons pour eux. Nous les enterrons sous des couches successives de sentiments, puis, d’une manière ou d’une autre, nous les étouffons jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je peux réduire à néant tant le désert que le musée d’Art moderne de New York en les écrasant sous tout un monceau d’associations qui me rendront aveugle à la flore, à la faune et aux tableaux. D’habitude, les enfants trouvent plus facilement que nous des champignons ou des pointes de flèches, pour cette simple raison qu’ils projettent moins de choses sur le paysage. »

« Si les nazis avaient gagné la guerre, l’Holocauste aurait été mis en musique, tout comme notre cheminement victorieux et sanglant vers l’Ouest est accompagné au cinéma par mille violons et timbales. »

« Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’on pouvait bien trafiquer dans ces organisations qui placent souvent de petites pancartes sur la route à l’entrée des villages : Rotary, Kiwanis, Chambre de Commerce, Chevaliers de Colomb, Maçons, Lions, American Legion, VFW, Élans, Aigles, Orignaux. C’est tout ce que j’ai pu trouver. Pourquoi diable n’y avait-il pas d’Ours ? »

« L’espace d’un instant le souvenir de Dalva et son absence m’ont submergé ; en même temps, j’ai compris à un niveau plus profond que je ne pouvais guère rivaliser avec tout cela. L’amour est en définitive un sujet plus ardu que la sexualité. »

« Cela paraît aujourd’hui ridicule, mais le comportement du coq, le comique inexorable de sa démarche, tout cela a quelque chose d’absurde et de tendre. »

« J’ai entendu un croassement qui, selon Dalva, était celui d’un faisan mâle. Comme les coqs, ces volatiles annoncent le jour – voilà bien une conduite de mâle : annoncer l’évidence… »


L’auteur…

[BABELIO.COM] « Jim HARRISON (1937-2016), nom de plume de James Harrison, est un poète, romancier et nouvelliste américain. À l’âge de huit ans, une gamine lui crève accidentellement l’œil gauche avec un tesson de bouteille au cours d’un jeu. Il mettra longtemps avant de dire la vérité sur cette histoire. A l’age de 16 ans, il décide de devenir écrivain et quitte le Michigan pour vivre la grande aventure à Boston et à New York. C’est aussi à 16 ans qu’il rencontre Linda, de deux ans sa cadette, qui deviendra sa femme en 1960. Ils ont eu deux filles, Jamie, auteur de roman policier, et Anna.

Il rencontre Tomas McGuane à la Michigan State University, en 1960, qui va devenir l’un de ses meilleurs amis. Sa vie de poète errant vole en éclats le jour où son père et sa sœur trouvent la mort dans un accident de la route causé par un ivrogne, en 1962. Titulaire d’une licence de lettres, il est engagé, en 1965, comme assistant en littérature à l’Université d’État de New York à Stony Brook mais renonce rapidement à une carrière universitaire.

Pour élever ses filles, il enchaîne les petits boulots dans le bâtiment, tout en collaborant à plusieurs journaux, dont Sports Illustrated. Son premier livre, Plain Song, un recueil de poèmes, est publié en 1965. En 1967, la famille retourne dans le Michigan pour s’installer dans une ferme sur le rives du Lake Leelanau. Immobilisé pendant un mois, à la suite d’une chute en montagne, il se lance dans le roman Wolf (1971).

McGuane lui présente Jack Nicholson sur le tournage de Missouri Breaks. Harrison, qui n’a pas payé d’impôts depuis des années, est au bord du gouffre. Nicholson lui donne de quoi rembourser ses dettes et travailler un an. Il écrit alors Légendes d’automne (Legends of the Fall, 1979), une novella publiée dans Esquire et remarquée par le boss de la Warner Bros qui lui propose une grosse somme pour tout écrit qu’il voudra bien lui donner. Le succès n’étant pas une habitude chez les Harrison, Jim se noie dans l’alcool, la cocaïne. Après une décennie infernale (1987-1997) durant laquelle il a écrit un grand roman, Dalva (1988), il choisit de s’isoler et de se consacrer pleinement à l’écriture et aux balades dans la nature. Jim Harrison meurt d’une crise cardiaque le 26 mars 2016, à l’âge de 78 ans, dans sa maison de Patagonia, Arizona. »


En savoir plus…


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MANKELL : Comédia infantil (2016)

Ce qu’ils en disent…

Il y a dans ce livre des accents poétiques, une tendresse à fleur de peau qui se marie avec la perception d’un monde inexorable.

Madame Figaro

[EDITIONSPOINTS.COM] Quelque part en Afrique, la nuit, un homme assis sur le toit d’un théâtre contemple la ville. A ses pieds, allongé sur un matelas, un enfant blessé par balle est en train de mourir. Nelio, dix ans, possède pourtant la sagesse et l’intelligence d’un vieil homme… Pendant les neuf nuits qui lui restent à vivre, il va raconter l’histoire de sa vie.
Tandis que la guerre civile faisait rage, Nelio, alors âgé de six ans, a été l’unique rescapé de la mise à sac de son village. Après une période d’errance ponctuée de rencontres étranges, il finit par se retrouver en ville et par rejoindre un groupe d’enfants des rues. Un jour, il est blessé mortellement par un gardien du théâtre qui le prend pour un voleur.
Le narrateur est José Antonio Maria Vaz, un simple boulanger africain qui a connu la domination portugaise et qui, comme dans les Mille et Une Nuits, recueille le récit de Nelio, suspendu aux premières lueurs du jour jusqu’à la nuit suivante.
Tel est le conte humaniste, cruel et tendre à la fois, que Henning Mankell ciselle de main de maître, abordant, au-delà de l’histoire de Nelio, tout autant la misère dans les État ruinés d’Afrique après l’ère coloniale, que maints aspects de l’existence humaine : le rôle de l’art et de l’imagination chez l’individu, les forces mystérieuses qui nous gouvernent et le sens de la vie.

[AFRICINE.ORG] On pouvait craindre le pire : un film réalisé par une Occidentale sur les enfants des rues au Mozambique d’après le roman d’un auteur à succès suédois. La surprise est d’autant plus grande : Comédia infantil, qui laisse l’enfant Nelio raconter sa dramatique histoire dans un Mozambique en guerre, est attachant sans verser dans le sentimentalisme, magique sans être niais, engagé sans brandir de pancarte et beau sans carte-postale. Tout tient bien sûr dans la manière de traiter le sujet. On retrouve dans cette écriture cinématographique quelque chose de Marguerite Duras : des plans lacunaires et incisifs centrés sur des détails signifiants, une stylisation générale évitant systématiquement tout effet esthétisant, et en définitive un étonnement ménagé au spectateur à chaque image. Un enfant raconte son histoire mais c’est d’une réécriture qu’il s’agit. Une distance littéraire (il réfléchit ce qu’il vit) vient renforcer une distance théâtrale (il rejoue son histoire pour finalement déboucher sur une scène de théâtre). Si bien que le réalisme des détails donne paradoxalement naissance à une atmosphère irréelle, où la magie trouve une place toute naturelle. Cela n’empêche pas l’identification mais nous dispense des larmes, car l’émotion ressentie ne provient pas d’une peur de ce qui nous arriverait si on était à la place de l’enfant mais davantage du réveil en soi d’une compréhension sensible du cycle de la vie et de la mort, du drame de la guerre, de la magie de la vie.
On retrouve la subtilité développée dans Kirikou la sorcière de Michel Ocelot et l’on peut souhaiter au film le même succès tant chez les jeunes que chez les adultes. Il n’y a pas de hasard : tout comme Ocelot a puisé dans son enfance guinéenne, Henning Mankell, l’auteur du livre dont est tiré le film, vit au Mozambique où il dirige le Théâtre Avenida qui sert de décor au film. La réalisatrice vit elle-même entre Portugal et Suède et l’on retrouve dans le film certaines obsessions de la culture portugaise (culture coloniale : il appartiendrait à un auteur mozambicain d’en déceler les ambiguïtés) comme l’inscription de la violence dans le cycle de la vie ou la recherche d’un monde spirituel intermédiaire. Aux soldats portant des masques de mort qui vont jusqu’à écraser un enfant dans un mortier s’oppose une femme-lézard qui sauve et initie à la fois. Le film devient ainsi une série d’étapes initiatiques où l’enfant Nelio engrange les expériences lui permettant d’affirmer les valeurs de vie qui permettront à cette société de sortir de la guerre. Comme dans le final du magnifique Mortu Nega (Ceux dont la mort n’a pas voulu) du Bissau-Guinéen Flora Gomes, une rencontre est proposée entre les morts et les vivants pour pouvoir danser sur la scène du théâtre de la vie. Le boulanger, qui a écouté durant tout le film l’histoire de Nelio, peut alors généreusement offrir ses croissants aux enfants des rues et quitter son état de soumission pour partir sur le chemin de l’autonomie.

Olivier Barlet


MANKELL Henning, Comédia infantil est paru en suédois en 1995 puis en français chez Points en 2003, dans une traduction de Agneta Segol et Pascale Brick-Aïda. Il est réédité chez Points depuis 2016.

SV > FR

EAN 9782020799072

288 pages


Ce que nous en disons…

La maîtrise de Mankell permet une émotion contenue d’une rare intensité, l’horreur est évidente mais sans l’indécence du pathos, l’humanité rayonne à chaque page. C’est une Afrique qui sonne juste, profonde et incarnée, sous la plume d’un suédois qu’on a connu plus détaché.

Nous étions déjà sous le charme des deux récits non-policiers de Mankell (Les chaussures italiennes en 2019 et Les bottes suédoises en 2020). C’est un souffle plus large encore qui habitait l’histoire de José Antonio Maria Vaz et de Nelio, quelques années auparavant. A lire d’urgence…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

Moi qui porte le nom de José Antonio Maria Vaz, j’attends la fin du monde debout sur un toit en terre rouge brûlée par le soleil. La nuit sous le ciel étoilé des Tropiques est suffocante et humide. Je suis sale et fiévreux. Mes vêtements en lambeaux semblent vouloir se détacher de mon corps décharné. J’ai de la farine dans mes poches et elle est pour moi plus précieuse que l’or. Il y a un an, j’étais encore quelqu’un, j’étais boulanger, alors qu’à présent je ne suis plus personne. Je ne suis plus qu’un mendiant qui passe ses journées à errer sous le soleil brûlant, et ses nuits interminables à attendre sur le toit vide d’une maison. Mais les mendiants possèdent aussi leurs signes, qui leur assurent une identité et les distinguent de tous ceux qui exposent leurs mains au coin des rues, comme pour les offrir ou pour vendre leurs doigts, les uns après les autres. José Antonio Maria Vaz est ce miséreux connu sous le nom du Chroniqueur des Vents. Mes lèvres bougent sans relâche, jour et nuit, comme pour raconter une histoire que personne n’a jamais eu le courage d’écouter. J’ai fini par accepter que la mousson venant de la mer soit mon unique auditeur, toujours aussi attentif, patient comme un vieux curé qui attend la fin de la confession. […]

La dernière nuit

Le soleil était tout près de mon âme le dernier jour où Nelio était encore en vie. Quand je vidais mes poumons, l’air s’embrasait pour retomber ensuite sur le pavé comme des cendres noires. Jamais, ni avant ni après, je n’ai connu une chaleur aussi intense. Impossible de trouver de la fraîcheur. Même le vent, qui venait de la mer, haletait d’épuisement. J’errais nerveusement dans les rues, me glissant, quand je le pouvais, dans des endroits ombragés et secs où les gens cherchaient vainement un peu de répit. Un étourdissement croissant menaçait de me jeter à terre. Je ne savais plus très bien où j’en étais. J’avais l’impression que tout ce qui m’arrivait était une erreur qui ne concernait personne et dont personne n’était vraiment responsable. Pour la première fois,je voyais le monde tel qu’il était. Ce monde dont Nelio avait perçu le secret avant même d’être adulte.
Et qu’est-ce que je voyais ? Le moteur d’un tracteur hors d’usage gisait là comme un poème narquois pour me parler de ce monde qui était en train d’éclater sous mes yeux. Un enfant de la rue fouettait violemment la terre comme pour la punir de sa propre misère. Un vautour solitaire planait silencieusement au-dessus de ma tête. Il se laissait porter par les vents ascendants, insensible aux rayons du soleil qui essayaient de percer son plumage. Son ombre me frappait de temps à autre comme une masse métallique et me pressait contre le sol. J’ai vu un vieil homme noir, tout nu, qui se lavait à une pompe. Malgré la chaleur, il frottait énergiquement son corps comme s’il voulait arracher sa vieille peau usée. Sous le soleil impitoyable, j’ai découvert, ce jour-là, le vrai visage de la ville. J’ai compris que les pauvres, trop occupés à se débattre sur le fil ténu de la survie, n’avaient pas le temps de préparer leur vie et étaient forcés de la consommer à l’état brut. J’ai vu ce temple de l’absurde qu’était la ville, qu’était peut-être aussi le monde, à l’image de ce qui m’entourait. Je me trouvais en réalité au beau milieu de la cathédrale sombre de l’impuissance. Ses murs s’écroulaient lentement en soulevant une poussière épaisse. Ses vitraux multicolores avaient disparu depuis bien longtemps déjà. Autour de moi, je ne voyais que des pauvres. Les autres, les riches, évitaient les rues et s’abritaient dans l’enceinte de leurs bunkers où des machines chuintantes maintenaient une fraîcheur constante. Le monde n’était plus rond. Il était redevenu plat et la ville était située à son bord extrême. Si jamais les maisons se faisaient de nouveau balayer des pentes escarpées par de violentes pluies, elles ne seraient plus précipitées dans le fleuve, mais dans un gouffre sans fond.
Ce jour-là, la ville semblait être la victime d’une invasion subite, non pas de sauterelles, mais de prêcheurs. Ils étaient partout, perchés sur des caisses, des cartons, des palettes ou des poubelles. Le visage ruisselant de sueur, ils tentaient d’attirer les gens en usant de leur voix plaintive et de leurs mains suppliantes. Des hommes et des femmes les ont rejoints. Ils balançaient leur corps en fermant les yeux, espérant trouver un changement radical au moment de les rouvrir. Certains se tordaient convulsivement par terre, d’autres s’éloignaient en rampant comme des chiens battus, d’autres encore jubilaient pour des raisons qui m’échappaient. Moi qui avais toujours cru que l’Apocalypse se déroulerait sur fond de pluie, de nuages noirs déchiquetés, de tremblements de terre et sous un millier d’éclairs, je m’apercevais que je m’étais trompé. C’est sous un soleil de plomb que le monde allait disparaître. Nos ancêtres – sans doute des millions -, ne pouvant plus supporter la souffrance que les vivants s’infligeaient les uns aux autres, s’étaient réunis pour que nous nous retrouvions tous ensemble dans l’autre monde, après la chute dans le néant. Les rues que j’arpentais ne seraient alors plus qu’un souvenir dans la mémoire de ceux qui n’avaient pu apprendre à oublier.
Je suis passé devant une maison où un homme, pris de folie, était en train de lancer ses meubles par la fenêtre. Il appelait sans cesse son frère Fernando qu’il n’avait pas revu depuis le début de cette guerre que les bandits avaient imposée à notre pays. Je l’ai vu au moment où il jetait son lit. En heurtant le trottoir, le matelas s’est éventré et le bois a éclaté. Je ne sais toujours pas pourquoi j’ai poursuivi mon chemin. Pourquoi je ne lui ai pas dit de s’arrêter. Je me le demande encore.
Le dernier jour où Nelio était encore en vie reste pour moi comme la longue représentation d’un rêve dont je n’aurais gardé que des souvenirs partiels. Quelque chose était sur le point de se terminer dans mon existence, et soudain j’ai commencé à comprendre le véritable sens du récit de Nelio. J’avais peur de l’inévitable. Peur que son histoire ne s’achève. Peur que tout soit révélé et qu’il meure des suites de sa terrible blessure à la poitrine. Finalement, l’unique chose que la vie nous offre gratuitement, à nous les pauvres, aux gens comme Nelio et moi, c’est la mort.
Nous sommes forcés de consommer la vie à l’état brut. Et après … il n’y a plus que la mort qui nous attend.
Il ne nous est jamais donné d’envisager le lendemain sans crainte. Nous n’avons jamais le temps de préparer la joie ou d’astiquer nos souvenirs pour les faire briller. […]

Moi, José Antonio Maria Vaz, seul sur un toit, sous le ciel étoilé des  Tropiques, j’ai une histoire à raconter…


L’auteur…

Henning Mankell, né en 1948 dam le Harjedalen, vit entre le Mozambique et la Suède. Écrivain multiforme, il est l’un des maîtres incontestés du roman  policier suédois. Sa série centrée autour de l’inspecteur Wallander, et pour laquelle l’Académie suédoise lui a décerné le Grand Prix de littérature policière, décrit la vie d’une petite ville de Scanie et les interrogations inquiètes de ses policiers face à une société qui leur échappe. En France, il a reçu le prix Mystère de la critique, le prix Calibre 38 et le Trophée 813. Il est aussi l’auteur de romans ‘africains’ empreints de réalisme poétique.  Couronné par plusieurs prix littéraires, Comédia infantil a été adapté à l’écran en 1998 (Prix spécial Cannes junior 1999).


En savoir plus…

  • Comédia infantil, un film de Solveig Nordlund : 1997, Suède (Torromfilm) – Portugal (Prole Filme) – Mozambique (Avenida Produções), 92 mn, 35 mm, dolby. Distr. Cinema public films (01 47 57 36 36). Sortie France le 9 février | Résumé : L’histoire de Nélio, un gamin mozambicain, dont le destin est bouleversé par la guerre. Sa famille est décimée par les terroristes. Conduit dans un camp pour enfants soldats, il s’échappe, gagne la ville et devient le chef d’une bande des rues. Peu à peu, les gens commencent à lui prêter des pouvoirs de guérisseur, sa réputation grandit et on vient vers lui pour chercher du secours et repousser la mort. Mais la guerre le rattrape…


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : editionspoints.com ; librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © vozpopuli.com.


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DE LUCA : Montedidio (2002)

Ce qu’ils en disent…

[GALLIMARD.FR] Dans un quartier populaire de Naples appelé Montedidio, littéralement « la montagne de Dieu », un garçon de treize ans décide d’abandonner l’école pour entamer un apprentissage chez un menuisier, mast’Errico. Dans son atelier, il fait la connaissance de Rafaniello, un cordonnier juif rescapé de la Shoah doté d’une grande sagesse, avec lequel il se lie d’amitié. Confronté à la dureté du monde des adultes, le jeune garçon rêve secrètement de s’envoler loin de Montedidio. Cloué au sol, il réussit malgré tout à s’évader à travers l’écriture : il couche sur le papier ses joies et ses peines, les étranges sensations qu’il éprouve face à son corps d’enfant qui se transforme en celui d’un homme, son amitié avec Rafaniello, et surtout son éveil à l’amour après sa rencontre avec la belle Maria. Un roman d’apprentissage bouleversant et poétique qui a été couronné par le prix Femina étranger en 2002.


DE LUCA Erri (né en 1950), Montedidio est paru chez Gallimard en 2002, dans une traduction de Danièle Valin. Il est disponible en Folio depuis 2003.

IT > FR

EAN 9782070302703

240 pages

Disponible en grand format, ePub et poche.


Bonnes feuilles…

Chacun de nous vit avec un ange, c’est ce qu’il dit, et les anges ne voyagent pas, si tu pars, tu le perds, tu dois en rencontrer un autre. Celui qu’il trouve à Naples est un ange lent, il ne vole pas, il va à pied : « Tu ne peux pas t’en aller à Jérusalem », lui dit-il aussitôt. Et que dois-je attendre, demande Rafaniello. « Cher Rav Daniel, lui répond l’ange qui connaît son vrai nom, tu iras à Jérusalem avec tes ailes. Moi je vais à pied même si je suis un ange et toi tu iras jusqu’au mur occidental de la ville sainte avec une paire d’ailes fortes, comme celles du vautour. » Et qui me les donnera, insiste Rafaniello. « Tu les as déjà, lui dit celui-ci, elles sont dans l’étui de ta bosse. » Rafaniello est triste de ne pas partir, heureux de sa bosse jusqu’ici un sac d’os et de pommes de terre sur le dos, impossible à décharger : ce sont des ailes, ce sont des ailes, me raconte-t-il en baissant de plus en plus la voix et les taches de rousseur remuent autour de ses yeux verts fixés en haut sur la grande fenêtre.


L’auteur…

[BNF.FR] Erri De Luca (originellement prénommé Enrico, il a adopté ensuite la forme italianisée de Harry) est né à Naples en 1950, dans une famille bourgeoise appauvrie par la guerre. Il grandit dans le quartier populaire de Montedidio, qui donnera son titre à l’un de ses romans les plus célèbres.

Luttes politiques et engagements humanitaires

Parti faire ses études à Rome alors qu’éclate la révolte de 1968, il se joint aux luttes ouvrières des années 70 et s’engage dans le mouvement Lotta continua, l’un des plus importants de la gauche extraparlementaire italienne d’alors, dont les archives conservées dans la fondation portant son nom documentent l’activité. Il n’achève pas ses études et exerce ensuite diverses professions manuelles : il travaille notamment à la Fiat, puis sur des chantiers en France et en Italie. Son engagement humanitaire le conduit en Tanzanie en 1983, dans le cadre d’un programme pour l’approvisionnement en eau, puis, dans les années 1990, dans la Yougoslavie en guerre, où il conduit des convois humanitaires.

Une vie de lectures et d’écriture

Il se prend au cours de ces années d’un intérêt pour la Bible, surtout pour l’Ancien testament, qu’il lit quotidiennement et qu’il a partiellement traduit de l’hébreu ; cette lecture imprègne fortement son œuvre.
Son premier livre, Non ora, non qui, paraît en 1989. Il en a publié depuis de nombreux autres, alternant textes de réflexion sur les écritures saintes (Una nuvola come tappeto, Nocciolo d’oliva, ou romans comme In nome della madre, E disse), traductions, recueils de poésies (Opera sull’acqua, Solo andata), théâtre (L’ultimo viaggio di Sindbad) et surtout œuvres narratives : on lui doit nombre de romans ou récits, souvent brefs, ayant pour la plupart une tonalité autobiographique et Naples ou ses environs pour cadre, où il fait entendre les échos des rues des quartiers populaires de sa ville natale (Non ora, non qui, Montedidio, Tu, mio), restitue son expérience intime de la montagne (Sulla traccia di Nives, Il peso della farfalla) ou évoque son engagement politique (Impossibile).
Il a aussi pris part à des projets communs avec des musiciens (Gianmaria Testa) et des cinéastes (notamment les courts-métrages Di là del vetro, Il turno di notte lo fanno le stelle et Tu non c’eri, qu’il a écrits).
Il reste très engagé politiquement, aux côtés du mouvement altermondialiste et des migrants. Inculpé en 2013 pour incitation au sabotage dans le cadre de la lutte contre la nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin (mouvement No Tav), il a finalement été relaxé en 2015 : l’un de ses livres, La parola contraria, s’en est fait l’écho.

La reconnaissance du public

En France, son roman Trois chevaux, honoré avec sa traductrice Danièle Valin du prix Laure-Bataillon en 2001, et Montedidio, lauréat du prix Femina étranger en 2002, ont contribué à sa notoriété. Le Prix européen de littérature lui a été décerné en 2013 ainsi que le Prix Ulysse pour l’ensemble de son œuvre.


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © Gallimard.


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STEGNER : Vue cavalière (1976, 2011)

Ce qu’ils en disent…

« Cet homme, alors qu’arrivent les premiers maux de l’âge, retrouve un carnet intime qui parle d’un certain voyage entrepris des années plus tôt au Danemark ; un voyage qui le fit rencontrer une femme, aristocrate de la parentèle de Karen Blixen, étrange et désargentée, belle, séduisante, connue et pourtant totalement seule. Peut-on, le temps une fois passé, revoir avec des yeux totalement neufs une vie que l’on croyait connaître ? Que disent ces mots retrouvés sur l’homme qu’il pensait avoir été ?… »

[LIBREL.BE] Chagrin, mécontent de sa vie, de son pays, de sa civilisation, de son métier, de lui-même. Il s’est toujours cherché dans des endroits où il n’a jamais été. Cet homme, alors qu’arrivent les premiers maux de l’âge, retrouve un carnet intime qui parle d’un certain voyage entrepris des années plus tôt au Danemark ; un voyage qui le fit rencontrer une femme, aristocrate de la parentèle de Karen Blixen, étrange et désargentée, belle, séduisante, connue et pourtant totalement seule. Peut-on, le temps une fois passé, revoir avec des yeux totalement neufs une vie que l’on croyait connaître ? Que disent ces mots retrouvés sur l’homme qu’il pensait avoir été ?

Un chef-d’oeuvre !

Michel Polac


STEGNER Wallace (1909-1993), Vue cavalière est paru chez Phébus (collection Libretto) en 1998 puis chez Gallmeister (collection Totem) en 2023, dans une traduction d’Eric Chedaille.

EN (US) > FR

EAN 9782351788141

336 pages

Disponible en ePub et poche.


Ce que nous en disons…

J’ai rarement rencontré de miroir plus pertinent des états d’âmes propres à mon âge. Vivifiant ! S’il est quelque part une virilité pudiquement révélée, c’est dans ces romans de STEGNER…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

… Joe Allston a toujours été plein de soi, incertain, chagrin, mécontent de sa vie, de son pays, de sa civilisation, de son métier, de lui-même. Il s’est toujours cherché dans des endroits où il n’a jamais été…


L’auteur

© Leo Holub

[GALLMEISTER.FR] Wallace Stegner est né le 18 février 1909 à Lake Mills, dans l’Iowa. Romancier, nouvelliste, historien, professeur et militant écologiste, celui qu’on appelle souvent le « doyen des écrivains de l’Ouest » (« Dean of Western Writers ») s’est imposé aussi bien à travers ses textes de fiction que ses essais.

Pendant son enfance, il vit notamment à Great Falls, dans le Montana, puis à Eastend dans le Saskatchewan (Canada). De manière générale, il déménage beaucoup à travers les États de l’Ouest américain – il dit plus tard avoir vécu « à vingt endroits, dans huit États et au Canada ». Il passe cependant la plupart de ses étés plus à l’est : à Greensboro, dans le Vermont.

Il étudie d’abord à l’université d’Utah, où il obtient un Bachelor of Arts, puis fait son master et son doctorat à l’université d’Iowa. Une fois diplômé, il enseigne dans plusieurs universités, dont l’université du Wisconsin et Harvard, avant de créer un département de creative writing à Stanford, qu’il dirige de 1945 à 1972. On compte parmi ses élèves Larry McMurtry, Edward Abbey, Raymond Carver et Thomas McGuane.

C’est en 1937 qu’il publie son premier roman, Remembering Laughter. Il est suivi par trois autres, puis, en 1943, Wallace Stegner rencontre son premier succès critique et populaire avec La Montagne en sucre (The Big Rock Candy Mountain). Parmi ses romans les plus notables, on peut notamment citer The Preacher and the Slave (1950 – plus tard rebaptisé Joe Hill : A Biographical Novel), A Shooting Star (1961), L’Envers du Temps (Recapitulation – 1961), et En lieu sûr (Crossing to Safety – 1987).

Acclamé par la critique, Wallace Stegner est couronné par le Prix Pulitzer de la fiction en 1972 pour Angle of Repose (1971) et par le National Book Award en 1977 pour The Spectator Bird (1976).

Il s’est aussi consacré à des essais, abordant des sujets très variés. On trouve notamment, parmi ses textes de non-fiction, deux histoires de l’implantation des Mormons dans l’Utah, une biographie de l’explorateur et naturaliste John Wesley Powell, ainsi qu’une histoire des débuts de l’exploitation pétrolière au Moyen-Orient. Engagé en faveur de l’environnement, il a co-fondé, en 1962, le Commitee for Green Foothills, une organisation non-gouvernementale qui agit au niveau local pour protéger les « collines, forêts, baies, marécages et zones côtières » de la péninsule de San Francisco. Le recueil Lettres pour le monde sauvage (2015) réunit douze de ses textes consacrés à des réflexions sur l’environnement et la nature.

Wallace Stegner décède le 13 avril 1993 des suites d’un accident de voiture à Santa Fe, au Nouveau-Mexique.

Pour en savoir plus, le site officiel de l’auteur : wallacestegner.org…


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OULITSKAÏA : Sonietchka (1996)

Ce qu’ils en disent…

[GALLIMARD.FR] Depuis toujours, Sonia puise son bonheur dans la lecture et la solitude. C’est dans une bibliothèque que, à sa grande surprise, Robert, un peintre plus âgé qu’elle, qui a beaucoup voyagé en Europe et connu les camps, la demande en mariage. Avec Robert et, bientôt, leur fille Tania, Sonia n’est plus seule, elle lit moins, mais, malgré les difficultés matérielles de l’après-guerre, elle cultive toujours le même bonheur limpide, très légèrement distant et ironique. Des années plus tard, Tania introduit à la maison son amie polonaise Jasia, fille de déportés, mythomane, fantasque, aussi jolie que Tania est laide, et goûtant, comme elle, aux jeux amoureux. Jasia devient la maîtresse de Robert. Malgré son chagrin, Sonia est toujours heureuse. Robert meurt. Tania et Jasia s’en vont à leur tour, Sonia se retrouve seule, ells se remet à lire. Elle irradie toujours du même bonheur résolument paisible et mystérieux…


OULITSKAÏA Ludmila, Sonietchka est paru chez Gallimard en 1996, dans une traduction de Sophie Benech. Il est disponible en Folio depuis 1998.

RU > FR

EAN 9782070404261

120 pages

Disponible en poche.


Ce que nous en disons…

Ecriture sobre mais séduisante de clarté. Personnages attachants mais que de gueules cassées ! L’histoire se déroule sans accrocs alors que les faits rapportés en affoleraient plus d’un (lecteurs compris). Qu’à cela ne tienne, la constance de Sonia lisse une vie généreuse, à côté de laquelle d’autres seraient passées. Reste le mystère de Sonia : une telle lectrice peut-elle avoir une autre représentation du monde que celle des romans qu’elle dévore ? La lecture est-elle source d’aveuglement ou petite musique de vie ?

Patrick Thonart


Bonnes feuilles

Quant à l’âme imperturbable de Sonietchka, enrobée dans son cocon de milliers de livres lus, bercée par le grondement et la fumée des mythes grecs, par la stridence hypnotique des flûtes moyenâgeuses, l’angoisse venteuse et brumeuse d’Ibsen, la pesanteur détaillée de Balzac, la musique astrale de Dante et le chant de sirène des voix pointues de Rilke et de Novalis, envoûtée par le désespoir moralisateur que les grands écrivains russes pointent vers le coeur même du ciel…

 

Sonia avait fait sur son mari une découverte épouvantable : il n’appréciait pas du tout la littérature russe, il la trouvait nue, tendancieuse et insupportablement moralisatrice. Il ne faisait qu’une exception, bien à contrecoeur : Pouchkine…


L’auteurE

Ludmila Oulitskaïa est née en 1943, dans l’Oural. Elle a grandi à Moscou et fait des études de biologie à l’université. Auteur de nombreuses pièces de théâtre et scénarios de films, depuis le début des années 1980, elle se consacre exclusivement à la littérature. Ses premiers récits ont paru à Moscou, dans des revues. Ses livres ont été traduits, en français, aux éditions Gallimard. Son roman « Sonietchka » a reçu le prix Médicis Étranger, en 1996. Elle a deux fils et vit actuellement à Moscou, avec son mari, le sculpteur Andreï Krassouline.


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © AFP – Joël Saget ; © gallimard.fr.


Lire encore en Wallonie-Bruxelles…

STEGNER : La vie obstinée (2002)

Ce qu’ils en disent…

[GALLMEISTER.FR] « En ces bouillonnantes années 1960, la jeunesse américaine se berce d’illusions et d’utopies. Joe Allston, agent littéraire à la retraite, regarde cette époque agitée avec ironie : revenu de tout, il regrette de n’avoir pas su créer avec son fils désormais décédé la relation qu’il aurait voulue. Seule l’affection que sa femme Ruth et lui portent à un jeune couple du voisinage les rattache encore au monde extérieur. Leur existence confortable et routinière va se voir chamboulée par l’installation d’une colonie de hippies à proximité. Entre indulgence et exaspération, les Allston vont se retrouver confrontés à une jeunesse qu’ils ne comprennent guère. »

[BABELIO.COM] « Pour certains, La Vie obstinée est bien le chef-d’œuvre de Wallace Stegner, qui obtint le prix Pulitzer en 1972 pour Angle d’équilibre. On y retrouve Joe Allston, croisé dans Vue cavalière, toujours aussi incertain, mécontent de sa vie, de sa civilisation comme de son métier et qui se cherche avec élégance, en des endroits où il n’est jamais allé. Cet insatisfait chronique s’est installé en pleine nature non loin de San Francisco pour y couler, avec sa femme, ce qu’il croit être des jours heureux…
Ce n’est pas pour rien que les romanciers de l’école du Montana, Jim Harrison en tête, considèrent Stegner comme la figure centrale de leur courant littéraire nourri des grands espaces de l’Ouest. »

Un roman d’une intensité crépitante.

NEW YORK TIMES BOOK REVIEW

À la fois ancré dans notre époque et intemporel.

CHICAGO TRIBUNE

Gatsby le magnifique saisit les années 1920 tout en les transcendant. La Vie obstinée est une réussite du même ordre pour les années 1960.

VIRGINIA QUARTERLY REVIEW

La Vie obstinée commence comme une comédie sur le choc des cultures et des générations, mais Stegner y mêle une dimension plus sombre qui en fait un roman mélancolique et poignant sur la famille, l’échec et la réussite, ainsi que sur le rapport de l’homme à la nature.

l’opinion


EAN 9782351788134

STEGNER Wallace (1909-1993), La vie obstinée est paru chez Gallmeister en 2002, dans une traduction d’Eric Chedaille. La version anglaise originale, All the Little Live Things était parue en 1967.

EN (US) > FR

EAN 9782351788134

448 pages

Disponible en grand format, ePub et poche.


Ce que nous en disons…

J’ai rarement rencontré de miroir plus pertinent des états d’âmes propres à mon âge. Vivifiant ! S’il est quelque part une virilité pudiquement révélée, c’est dans ces romans de STEGNER…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

De plus en plus d’adultes deviendront des voyous, des criminels, et iront grossir les rangs de ceux qui n’ont rien. C’est chez eux que nos démagogues et nos romanciers tendront à aller puiser leurs valeurs, leur vision du monde et leur jargon. Dans un premier temps, on contribue à faire naître ces sous-cultures et ensuite, par un phénomène de culpabilité et de compassion, on les épouse.
— Alors là, je vous arrête !
— Pas question. N’oubliez pas : vous êtes tout ouïe. Donc, c’est par pitié qu’on s’y conforme, et c’est du fait de cette pitié que le processus fait boule de neige. Toute civilisation florissante comporte des perdants – une des raisons de son succès est qu’elle sait distinguer ses perdants de ses héros. Nous avons renoncé aux héros – ils en tiennent pour la réussite. Nous nous retrouvons donc avec de plus en plus de perdants, que nous imitons parce que nous n’avons pas le cœur à les débarquer tout à fait. Vous m’écoutez toujours ?
— Pas sans tiquer.
— Je sais. Vous êtes une personne compatissante.


L’auteur

© Leo Holub

[GALLMEISTER.FR] Wallace Stegner est né le 18 février 1909 à Lake Mills, dans l’Iowa. Romancier, nouvelliste, historien, professeur et militant écologiste, celui qu’on appelle souvent le « doyen des écrivains de l’Ouest » (« Dean of Western Writers ») s’est imposé aussi bien à travers ses textes de fiction que ses essais.

Pendant son enfance, il vit notamment à Great Falls, dans le Montana, puis à Eastend dans le Saskatchewan (Canada). De manière générale, il déménage beaucoup à travers les États de l’Ouest américain – il dit plus tard avoir vécu « à vingt endroits, dans huit États et au Canada ». Il passe cependant la plupart de ses étés plus à l’est : à Greensboro, dans le Vermont.

Il étudie d’abord à l’université d’Utah, où il obtient un Bachelor of Arts, puis fait son master et son doctorat à l’université d’Iowa. Une fois diplômé, il enseigne dans plusieurs universités, dont l’université du Wisconsin et Harvard, avant de créer un département de creative writing à Stanford, qu’il dirige de 1945 à 1972. On compte parmi ses élèves Larry McMurtry, Edward Abbey, Raymond Carver et Thomas McGuane.

C’est en 1937 qu’il publie son premier roman, Remembering Laughter. Il est suivi par trois autres, puis, en 1943, Wallace Stegner rencontre son premier succès critique et populaire avec La Montagne en sucre (The Big Rock Candy Mountain). Parmi ses romans les plus notables, on peut notamment citer The Preacher and the Slave (1950 – plus tard rebaptisé Joe Hill : A Biographical Novel), A Shooting Star (1961), L’Envers du Temps (Recapitulation – 1961), et En lieu sûr (Crossing to Safety – 1987).

Acclamé par la critique, Wallace Stegner est couronné par le Prix Pulitzer de la fiction en 1972 pour Angle of Repose (1971) et par le National Book Award en 1977 pour The Spectator Bird (1976).

Il s’est aussi consacré à des essais, abordant des sujets très variés. On trouve notamment, parmi ses textes de non-fiction, deux histoires de l’implantation des Mormons dans l’Utah, une biographie de l’explorateur et naturaliste John Wesley Powell, ainsi qu’une histoire des débuts de l’exploitation pétrolière au Moyen-Orient. Engagé en faveur de l’environnement, il a co-fondé, en 1962, le Commitee for Green Foothills, une organisation non-gouvernementale qui agit au niveau local pour protéger les « collines, forêts, baies, marécages et zones côtières » de la péninsule de San Francisco. Le recueil Lettres pour le monde sauvage (2015) réunit douze de ses textes consacrés à des réflexions sur l’environnement et la nature.

Wallace Stegner décède le 13 avril 1993 des suites d’un accident de voiture à Santa Fe, au Nouveau-Mexique.

Pour en savoir plus, le site officiel de l’auteur : wallacestegner.org…


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources mentionnées dans le texte | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © sjquinney.utah.edu ; © Leo Holub.


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TOLKIEN : Le Seigneur des anneaux (3 tomes, 1954-1955)

Ce qu’ils en disent…

La dernière très forte impression de lecture que j’ai ressentie m’a été causée, il y a sept ou huit ans, par Le Seigneur des Anneaux, de Tolkien, où la vertu romanesque resurgissait intacte et neuve dans un domaine complétement inattendu.

Julien Gracq

TOME 1 – La fraternité de l’anneau

[LIBREL.BE] Dans un paisible village du Comté, le jeune Frodon est sur le point de recevoir un cadeau qui changera sa vie à jamais : l’Anneau de Pouvoir. Forgé par Sauron au coeur de la Montagne du Feu, on le croyait perdu depuis qu’un homme le lui avait arraché avant de le chasser hors du monde. À présent, de noirs présages s’étendent à nouveau sur la Terre du Milieu, les créatures maléfiques se multiplient et, dans les Montagnes de Brume, les Orques traquent les Nains. L’ennemi veut récupérer son bien afin de dominer le monde ; l’OEil de Sauron est désormais pointé sur le Comté. Heureusement Gandalf les a devancés. S’ils font vite, Frodo et lui parviendront peut-être à détruire l’Anneau à temps.

Chef-d’oeuvre de la fantasy, découverte d’un monde imaginaire, de sa géographie, de son histoire et de ses langues, mais aussi réflexion sur le pouvoir et la mort, Le Seigneur des Anneaux est sans équivalent par sa puissance d’évocation, son souffle et son ampleur.

Cette traduction de Daniel Lauzon prend en compte la dernière version du texte anglais, les indications laissées par Tolkien à l’intention des traducteurs et les découvertes permises par les publications posthumes proposées par Christopher Tolkien.

Ce volume contient 18 illustrations d’Alan Lee, ainsi que deux cartes en couleur de la Terre du Milieu et du Comté.

TOME 2 – Les deux tours

[LIBREL.BE] La Fraternité de l’Anneau poursuit son voyage vers la Montagne du Feu où l’Anneau Unique fut forgé, et où Frodo a pour mission de le détruire. Cette quête terrible est parsemée d’embûches : Gandalf a disparu dans les Mines de la Moria et Boromir a succombé au pouvoir de l’Anneau. Frodo et Sam se sont échappés afin de poursuivre leur voyage jusqu’au coeur du Mordor. À présent, ils cheminent seuls dans la désolation qui entoure le pays de Sauron – mais c’est sans compter la mystérieuse silhouette qui les suit partout où ils vont.

Ce volume contient 16 illustrations d’Alan Lee, ainsi qu’une carte en couleur de la Terre du Milieu.

TOME 3 – Le retour du roi

[LIBREL.BE] La dernière partie du Seigneur des Anneaux voit la fin de la quête de Frodo en Terre du Milieu. Le Retour du Roi raconte la stratégie désespérée de Gandalf face au Seigneur des Anneaux, jusqu’à la catastrophe finale et au dénouement de la grande Guerre où s’illustrent Aragorn et ses compagnons, Gimli le Nain, Legolas l’Elfe, les Hobbits Merry et Pippin, tandis que Gollum est appelé à jouer un rôle inattendu aux côtés de Frodo et de Sam au Mordor, le seul lieu où l’Anneau de Sauron peut être détruit.

Ce volume contient 15 illustrations d’Alan Lee, entièrement renumérisées, d’une qualité inégalée, ainsi que deux cartes (en couleur) de la Terre du Milieu et du Comté.


Une intégrale en un volume est disponible depuis 2024…

TOLKIEN John Ronald Reuel, Le Seigneur des anneaux (1954-1955) est paru chez Christian Bourgois en 2022, dans une nouvelle traduction de Daniel Lauzon, illustrée par Alan Lee.

Tome 1 : La fraternité de l’Anneau (528 pages, 1954) ; Tome 2 : Les deux tours (432 pages, 1954) ; Tome 3 : Le retour du Roi (518 pages, 1955)

EN (UK) > FR

Disponible en grand format, eBook et poche.

EAN 9782267046885

EAN 9782267046892

EAN 9782267046908

L’auteur

[CULTURE.ULIEGE.BE] John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) est sans nul doute un des plus illustres collaborateurs scientifiques de l’Université de Liège.

Élevé au rang de Docteur honoris causa à l’ULg en 1954, il était à l’époque connu et reconnu par le monde académique pour ses travaux de philologue, spécialisé dans le domaine des littératures vieil-anglaise et norroise, plutôt que pour le désormais célébrissime The Hobbit, publié dès 1937, et qui suscitait le plus souvent les quolibets de ses collègues médiévistes. Cela ne l’a pas empêché de diriger la thèse de doctorat de Simonne D’Ardenne (An Edition of The Life and the Passion of Saint Juliana, Université d’Oxford, 1936), qui fut nommée Professeur de grammaire comparée à l’ULg en 1938, et avec qui il continua de collaborer jusqu’au milieu des années cinquante.

Quelques mois avant d’être honoré par l’ULg, Tolkien publie le premier volume de la trilogie du Seigneur des Anneaux, qui a donné ses lettres de noblesse à la fantasy et reste un des ouvrages les plus lus et les plus traduits au monde. D’aucuns prétendent qu’il est le livre le plus lu après la Bible ; il est en tous cas le plus populaire des livres du siècle dernier, avec plus de 150 millions d’exemplaires vendus depuis sa première parution.

Michel Delville


En savoir plus dans wallonica.org…


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : librel.be ; uliege.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © ULiège ; © Christian Bourgois.


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BRADBURY : Sauvage (2019)

Ce qu’ils en disent…

[LIBREL.BE] À dix-sept ans, Tracy sillonne avec ses chiens de traîneau les immensités enneigées de l’Alaska. Amoureuse de la nature sauvage, elle possède un secret : un don hors norme, hérité de sa mère, qui la relie de façon unique aux animaux, mais peut-être aussi aux humains. Sa vie bascule le jour où un inconnu l’attaque en pleine forêt, puis disparaît. Quand Tracy reprend connaissance, couverte de sang, elle est persuadée d’avoir tué son agresseur. Ce lourd secret la hante jour et nuit, et lorsqu’un jeune homme à la recherche de travail frappe à leur porte, Tracy sent émerger en elle quelque chose de sauvage…


EAN 9782351787540

BRADBURY Jamey, Sauvage est paru en 2019 chez Gallmeister, Coll. Totem, dans une traduction de Jacques Mailhos.

EN (US) > FR

EAN9782351787540

326 pages

Disponible en grand format, ePub, livre audio et en poche.


Ce que nous en disons…

Il fut un temps où écrire « Femmes qui courent avec les loups » était une nécessité, car elles étaient nombreuses, celles qui avaient oublié leur héritage de sang et de puissance, leur connaissance intime de la rivière sous la rivière. Du coup, la psychanalyste et conteuse Clarissa Pincola Estés s’était fendue en 1996 d’un ouvrage fort utile, compilant 20 ans de recherche dans près de 500 pages, truffées de contes intrigants pour les femmes de l’époque, de légendes nées de la forêt ou du désert qu’elle connaît bien (elle est Mestiza Latina : métisse née d’un couple amérindien / hispano-mexicain), d’histoires collectées dans le monde entier et de rappels flamboyants à cette nature instinctive de la Femme que bien des couches de civilisation et d’oppression, voire… d’autocensure, ont hélas recouverte.

Il y a eu un avant, il y a eu un après

Après l’après (qui restait encore un temps où l’engagement pour la libération de la femme était d’actualité), il y a eu des jeunes auteures, fortes du combat de leurs mères (quelquefois accompagné par leurs pères, d’ailleurs), qui avaient intégré dans leur écriture cette puissance de la femme, où celle-ci n’était plus une question à débattre et illustrer mais, déjà, un ressort naturel de la narration. Sauvage (Paris, Gallmeister, 2019) est un de ces livres rafraîchissants, postérieurs (ou étrangers) à ces combats, un roman d’après-guerre… des sexes.

Rafraîchissant‘ est par contre le pire terme pour évoquer ce roman initiatique, irrésistible de suspense et de densité sombre. Ainsi l’éditeur Gallmeister : « À dix-sept ans, Tracy Petrikoff possède un don inné pour la chasse et les pièges. Elle vit à l’écart du reste du monde et sillonne avec ses chiens de traîneau les immensités sauvages de l’Alaska. Immuablement, elle respecte les trois règles que sa mère, trop tôt disparue, lui a dictées : «ne jamais perdre la maison de vue», «ne jamais rentrer avec les mains sales» et surtout «ne jamais faire saigner un humain». Jusqu’au jour où, attaquée en pleine forêt, Tracy reprend connaissance, couverte de sang, persuadée d’avoir tué son agresseur. Elle s’interdit de l’avouer à son père, et ce lourd secret la hante jour et nuit. Une ambiance de doute et d’angoisse s’installe dans la famille, tandis que Tracy prend peu à peu conscience de ses propres facultés hors du commun.« 

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

« Vous avez beau vieillir, quel que soit l’âge que vous atteignez, vos parents l’auront atteint avant vous, seront déjà passés par là, et ça a quelque chose de réconfortant. Comme un sentier que vous ne connaissez pas, dans la forêt, sur lequel il y aurait des traces de pas qui vous diraient que quelqu’un l’a déjà emprunté. Jusqu’au jour où vous arrivez à l’endroit où ces traces s’arrêtent… »


L’auteure…

Comme l’écrit son éditeur Gallmeister : “Jamey Bradbury est née en 1979 dans le Midwest et vit en Alaska depuis quinze ans. Elle a été réceptionniste, actrice, secouriste et bénévole à la Croix Rouge. Elle partage aujourd’hui son temps entre l’écriture et l’engagement auprès des services sociaux qui soutiennent les peuples natifs de l’Alaska. Sauvage est son premier roman.


En savoir plus…


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : librel.be ; Gallmeister | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, Brooke Taylor.


Lire encore en Wallonie-Bruxelles…