HUNYADI : Faire confiance à la confiance (2023)

Ce qu’ils en disent…

[EDITIONS-ERES.COM] En retraçant la genèse de l’individualisme moderne, Mark Hunyadi développe la profondeur historique du problème de la confiance, ainsi que la raison philosophique pour laquelle ce thème – pourtant unanimement reconnu comme essentiel – a été largement négligé dans la littérature philosophique.

Au fil de nombreux exemples, il montre que la confiance est relation au monde, avant d’être relation au risque, de nature essentiellement économique. L’emprise du numérique sur nos existences a pour effet d’éliminer tendanciellement les relations de confiance, au profit de relations sécurisées. Ce phénomène dessine l’horizon d’une société automatique, d’où sont chassées les relations naturelles de confiance qui nous lient au monde – aux objets, aux autres, aux institutions.

À partir d’un exposé d’une grande clarté sur la théorie de la confiance qu’il a été le premier à formuler, Mark Hunyadi pose un diagnostic philosophique sur la source des crises que nous devons affronter et offre un outil critique permettant d’entrevoir les alternatives possibles.


HUNYADI Mark, Faire confiance à la confiance est paru chez Erès en 2023.

FR

EAN 9782749275840

112 pages

Disponible en grand format et ePub.


Ce que nous en disons…

Il est de certains livres comme des petits vieux sur les bancs : on peut passer à côté en les remarquant à peine, pressé que l’on est d’aller, soi-disant, quelque part. Mais celui qui prend la peine de s’asseoir un instant et d’écouter la conversation, voire de s’y mêler, va peut-être se relever avec des trésors d’humanité dans les oreilles et… matière à méditer sur ce que signifie effectivement “aller quelque part.

Faire confiance à la confiance, le livre de Mark Hunyadi paru en 2023, fait cet effet-là. Au fil d’une petite centaine de pages, le philosophe louvaniste replace la confiance au cœur de la réflexion sur l’homme et sa société : le résultat est inédit et fondateur. En passant, il rend au péril numérique sa juste place, ce qui ne va pas faire plaisir aux complotistes de tout poil. A lire d’urgence !

Ce que j’ai d’ailleurs fait, au point d’intégrer l’approche de Hunyadi au cœur de ma réflexion sur comment “être à sa place” (l’ouvrage prévu a été rebaptisé, après que la philosophe française Claire Marin ait choisi ce titre pour son dernier livre). Vous retrouverez donc la confiance comme principe directeur dans les pages du livre que j’écris en ligne : Raison garder. Petit manuel de survie des vivants dans un monde idéalisé. Et, en attendant la publication dudit ouvrage, foncez chez votre libraire indépendant ou lisez la conclusion de Faire confiance à la confiance ci-dessous : nous n’avons pas résisté à l’envie de la reproduire intégralement.

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

Conclusion : préserver la vie de l’esprit

Étant fondamentalement rapport au monde, la confiance est ce dans quoi nous séjournons. Mais le concubinage forcé avec le numérique modifie notre habitat : plus sûr, plus fonctionnel, il est aussi à même de satisfaire plus rapidement une gamme plus étendue de désirs, pour le plus grand contentement de ses utilisateurs. Il est donc aussi libidinalement plus satisfaisant, ce qui lui confère une force irrésistible.

J’ai essayé de montrer que ce taux accru de satisfaction allait de pair avec une baisse tendancielle du taux de confiance – au sens où on en avait de moins en moins besoin-, puisque le principe même de cette modification de notre manière d’habiter le monde est la prise en charge de nos désirs et volontés par des processus automatisés capables de les exécuter dans les conditions techniques les plus optimales. Du coup, la sécurité technique se substitue à la confiance naturelle dans le processus de réalisation de nos désirs.

Cela nous rive tous de manière inédite au système. Si la satisfaction de nos désirs devient, grâce au numérique, automatique ou quasi automatique, toute résistance se trouve abolie. Des processus machiniques prennent le relais et assurent l’exécution automatique du désir, rivant l’individu à la puissance sans limites de ce système libidinal. Le numérique, par le confort réel qu’il procure, affaiblit les énergies individuelles potentiellement en révolte contre la réalité en place, alimente donc la conservation du système en dédommageant chacun par un confort accru, érodant par là même les énergies antagonistes. De ce monde, le sens de la transcendance se trouve lui-même exilé, car plus les satisfactions sont immédiates, plus l’aspiration à un monde autre s’ éloigne.

Politiquement, les conséquences de cette évolution sont délétères pour la démocratie. Le problème ne tient pas aux institutions elles-mêmes, et on a envie de dire : hélas. Car le mal est plus profond, plus insidieux que cela. Il touche non pas au fonctionnement des institutions démocratiques (qui, formellement, tiennent le coup), mais, plus fondamentalement, aux valeurs sur lesquelles elles reposent. Au premier rang de celles-ci : la recherche coopérative de la vérité, ou la volonté de trouver un consensus et de s’y tenir. En effet, s’il est bien un acquis fondamental de la modernité démocratique, et ce, en gros, depuis la fin des guerres de religion qui avaient laissé l’Europe exsangue, c’est que les conflits doivent se résoudre symboliquement – c’est-à-dire par la discussion plutôt que par les armes.

Principe exigeant, ‘idéal régulateur’ comme disent les philosophes, mais suffisamment puissant et efficace pour que, par exemple, la construction européenne tout entière s’y adosse. Il est en outre éminemment générateur de confiance, car il permet aux citoyens de s’attendre légitimement à ce que les affaires publiques soient gérées dans le meilleur intérêt de tous.

Seulement voilà : la résolution symbolique des conflits suppose d’être d’accord de s’accorder, c’est-à-dire de coopérer à la recherche de la vérité, avec un petit v. Or, s’est progressivement imposée sous nos yeux, à bas bruit, une conviction d’une tout autre nature, selon laquelle ce qui compte, ce n’est plus tant la recherche de la vérité que l’affirmation de soiL’identité plutôt que la vérité. Crier haut et fort ce que l’on est, clamer ce que l’on veut, penser ce qu’on pense et le faire savoir, voilà la grande affaire. Polarisation entre communautés irréductibles, fragmentation des revendications, populismes et fake news s’alimentent à ce même primat de l’identité sur la vérité : ne compte que ce qui me renforce dans mes convictions.

Ce qui, au-delà de routes leurs différences, réunit ces symptômes politiques, c’est précisément cette attitude de brutale affirmation de soi qui refuse route transcendance à soi-même : je veux ou je désire quelque chose parce que je suis ce que je suis, point barre. On retrouve ici le traitement naturaliste du désir dont il était question plus haut, mais à l’égard de soi-même : j’adhère à une info non en fonction de sa vérité présumée, mais parce qu’elle me plaît et flatte ce que je pense, sucre pour mon cerveau.

Il n’est pas question de former, de réinterpréter, de réévaluer mes aspirations spontanées en fonction de celles d’autrui, ou en regard d’un intérêt ou d’une valeur supérieurs. Chacun considère son désir ou sa volonté comme un fait brut qui cherche sa satisfaction comme la pierre tombe vers le bas. Comme pour les assaillants du Capitole le 6 janvier 2021, le désir doit faire loi.

J’ai essayé de le montrer, le numérique joue un rôle majeur dans ces évolutions. Car il renforce formidablement cette tendance à l’affirmation de soi, qui est aussi une tendance à la satisfaction de soi. Dans ce monde, on a de moins en moins besoin de confiance, donc de relation constructive à autrui. Dans un monde administré par le numérique, la confiance devient inutile, parce que le système tend toujours davantage à sécuriser la réalisation de nos désirs. Il les prend en charge et les exécute à notre meilleure convenance, éliminant au maximum les risques de déception.

De ce point de vue, le numérique se présente comme un immense système de satisfaction, où tout le monde, du cueilleur de champignons à l’athlète de pointe en passant par le diabétique et le chercheur en philosophie, trouve son compte. C’est une réussite diabolique, en ce sens qu’elle enferme tout un chacun dans sa bulle de satisfaction (à l’origine, diable veut dire : qui sépare). Le numérique n’est pas une fenêtre sur le monde, mais monde lui-même, paramétré par d’autres ; un monde au sein duquel, je l’ai dit, l’individu ne fait que répondre à une offre numérique.

Extrapolée à la limite, cette évolution lourde conduit à une forme de fonctionnalisme généralisé: non pas un fonctionnalisme où le système attribue à chacun sa fonction (comme dans la division du travail, où chacun est assigné à une tâche par son n + 1), mais où chacun attend du système qu’il remplisse la fonction qu’il lui attribue. Renversement, au demeurant, typiquement dans la veine de l’individualisme nominaliste : souverain dans sa volonté, l’individu met à son service un système qui l’exécute. Et le système est ainsi fait qu’il en est désormais techniquement capable. Dans ce monde, chacun devient l’administrateur de son propre bien-être, pour sa plus grande satisfaction. L’exécution du désir et de la volonté est automatisée, prise en charge par les algorithmes. Plus besoin de confiance dans ce monde-là ! La confiance y est remplacée par la sécurité. Les relations naturelles de confiance, et leur incertitude constitutive, se trouvent remplacées par des relations techniques, comme on a pu le voir ici à l’exemple du bitcoin.

Cette évolution marque un vrai tournant anthropologique et sociétal. Elle embarque tout sur son passage, y compris, donc, les valeurs qui sous-tendent la démocratie. Car elle renforce immensément chez l’individu la tendance libidinale à la satisfaction de soi, qui dès lors prévaut sur toute autre considération. Et elle renforce au passage son narcissisme cognitif, qui le pousse à préférer sa vérité à la recherche coopérative de celle-ci. L’individu trouve désormais d’autres communautés de confiance, structurées autour des influenceuses et influenceurs, par exemple, des communautés affectives formées de ceux qui pensent et sentent comme lui. Individuel ou collectif, le cockpit numérique n’en est pas moins un puissant isolant.

Nous ne sommes malheureusement, en l’état actuel des choses, pas équipés pour faire face à ces évolutions et adopter les réponses qu’elles réclament. Ni moralement, ni politiquement. Car le seul cadre dont sont dotées les démocraties constitutionnelles modernes, c’est la défense des droits et libertés individuels. Or, l’emprise du numérique comme le changement climatique sont des phénomènes globaux qui nécessitent des réponses globales. L’éthique individualiste libérale, de part en part nominaliste comme je l’ai rappelé, n’est simplement pas taillée à la mesure de ces problèmes. Au contraire, elle les aggrave, animée qu’elle est du seul souci de préserver à chacun sa sphère de liberté d’action, incapable en conséquence d’agir sur les effets cumulés des libertés individuelles agrégées.

En l’occurrence, l’enjeu éthique fondamental de l’emprise numérique n’est pas l’ensemble des risques qu’elle fait courir à nos vies privées ou à la sécurité de nos données. Ce sont là des problèmes certes importants et qu’il faut résoudre, mais le droit allié à la technique s’y emploie déjà ; et bien que difficile, cette tâche n’est pas insurmontable. En revanche, ce que le numérique fait à l’esprit représente un enjeu autrement plus considérable !

Le fonctionnalisme généralisé, l’automatisation de l’exécution des désirs, le renforcement du narcissisme cognitif, l’isolement mental, et tout cela au nom d’une plus grande satisfaction libidinale : voilà qui menace la vie de l’esprit humain bien davantage que les risques juridiques que fait courir aux individus le commerce de leurs données.

Or, cette menace ne peut être appréhendée dans le cadre de l’éthique individualiste – celle des droits de l’homme – dont nous disposons actuellement. Elle n’est simplement pas à la hauteur des enjeux anthropologiques et sociétaux qui se dessinent. Ainsi, l’Union européenne par exemple, qui se considère facilement exemplaire dans le domaine de la régulation du numérique, produit à grande vitesse un nombre considérable de textes législatifs, à commencer par le RGPD (Règlement général sur la protection des données, entré en vigueur en 2018), mais qui tous, sans exception aucune, ne font qu’entériner le système existant, en l’obligeant simplement à se conformer aux exigences des droits fondamentaux des individus. Une telle obligation est importante, certes, et on se désolerait si on ne s’évertuait à l’honorer. Elle est de plus difficile à implémenter dans la réalité, en raison des caractéristiques techniques du fonctionnement numérique, chacun le sait ; tenter de le faire est donc en soi une tâche héroïque.

Il n’empêche que cette approche par ce que j’appelle l’éthique des droits – l’éthique qui se focalise sur les torts faits aux individus – ne peut qu’ignorer les enjeux éthiques fondamentaux qui concernent la vie de l’esprit en général, c’est-à-dire nos rapports au monde, aux idées, à l’imagination. Car la vie de l’esprit pourrait être entièrement prise en charge par des processus automatiques – elle pourrait donc être intégralement automatisée en ce sens -, tout en respectant scrupuleusement les principes fondamentaux de l’éthique des droits. Chacun pourrait se retrouver à gérer son existence dans son cockpit, sans qu’aucune charte éthique ou texte législatif n’y trouve rien à redire. Le respect de l’ éthique des droits est ainsi compatible avec la déshumanisation de la vie de l’esprit.

La défense des droits individuels ne peut donc être le dernier mot de notre rapport au numérique. Sécuriser les transactions numériques, protéger la vie privée, garantir la liberté d’expression et la non-discrimination, tout important que cela soit, passe à côté des véritables enjeux éthiques du numérique, pour lesquels il n’existe pourtant aucun comité d’éthique. Tous sont en effet prisonniers de l’éthique des droits, qui ruisselle des plus hauts textes normatifs (le préambule des Constitutions, ou la Convention européenne des droits de l’homme) jusqu’aux plus infimes règlements internes d’entreprises.

L’impuissance de l’éthique des droits et de la pensée libérale en général rend indispensable une refonte de l’organigramme de nos sociétés démocratiques chancelantes. Je ne reviens pas ici sur la nécessité de créer une institution capable d’organiser l’ agir collectif à la hauteur où agissent actuellement les grandes puissances privées du numérique. C’est là une nécessité en quelque sorte conceptuelle, car aucun agir individuel, même agrégé, ne parviendra à contenir, infléchir ou réorienter ces évolutions massives. Politiquement donc, ce qui est requis, c’est une institution transnationale dont l’horizon normatif ne saurait se limiter à la défense des droits et libertés individuels, pour la raison simple que l’ensemble des phénomènes que j’ai décrits pourrait se dérouler dans le respect intégral des principes de l’éthique des droits. Ces phénomènes sont plutôt à comprendre comme l’effet systémique engendré par l’éthique des droits elle-même, qui laisse tout faire pour peu qu’il ne soit pas fait de tort aux individus en particulier. D’où la nécessité d’une institution qui secondarise l’éthique des droits, pour permettre de penser à l’horizon global du type d’humanité et de société (donc de vie de l’ esprit) que nous souhaitons. Seule une telle institution réflexive peut nous sortir de l’impuissance dans laquelle nous enferme la petite éthique des droits.

Mais une telle institution serait elle-même impossible si elle ne pouvait pas puiser dans les ressources des acteurs eux-mêmes. Cette institution doit apparaître normativement désirable à leurs yeux. Pour qu’une institution ne flotte pas dans le vide éthéré de ses principes abstraits, elle doit pouvoir s’ancrer dans le sens que les acteurs sont capables de conférer à leur propre expérience.

Ce sont ces ressources de pensée négative dont s’alimente la vie de l’esprit que le système érode jour après jour en s’adressant méthodiquement à ses utilisateurs comme à des êtres libidinaux ; il s’adresse à eux non comme à des êtres rationnels capables de pensée et de jugement, mais comme à des êtres cherchant la satisfaction automatique de leurs désirs et volontés. J’ai évoqué comment cette tendance actuellement à l’œuvre s’inscrivait dans le cadre général d’une substitution de relations techniques aux relations naturelles avec le monde, et ses conséquences de longue portée.

Mais une tendance n’est qu’une tendance, précisément, et elle laisse encore la place à des expériences qui ne s’y plient pas. Le numérique ne pourra pas remplacer ni même médiatiser toutes les relations au monde ; s’éprouver soi-même et éprouver le monde et la force illuminante des idées reste et restera l’apanage des sujets vivants, sauf à devenir des robots. C’est par conséquent dans des îlots d’expériences quotidiennes non encore colonisées par le numérique – expériences de confiance, de face-à-face, d’amour, de communication authentique, de confrontation réelle, mais aussi expériences du corps vivant, du corps dansant, du corps sentant -, c’est dans ces expériences d’épreuve qualitative de soi et du monde que les acteurs peuvent trouver eux-mêmes les ressources de contre-factualité capables d’alimenter leur pensée négative, pensée critique qui témoigne encore qu’un autre monde est possible. L’épreuve qualitative du monde, qui a été méthodiquement occultée par l’émergence du nominalisme, et qui est aujourd’hui systématiquement écartée par l’ontologie implicite du numérique, recèle, pour peu qu’on y porte une juste attention, l’image vivante d’une relation possiblement non aliénée au monde.

La philosophie est la seule science qui puisse appréhender l’expérience humaine comme un tout. C’est donc à elle que revient la tâche, aujourd’hui muée, sous la pression des circonstances, en tâche politique, d’exhiber le sens de ces expériences intramondaines riches en ressources face à l’administration numérique du monde. Ces expériences conservent les traces d’un rapport non nominaliste au monde ; traces inapparentes, comme diluées dans l’océan de l’ esprit nominaliste qui nous gouverne, mais que pour cette raison même la philosophie, en particulier dans ses usages critiques, est en charge de préserver et d’exposer comme autant de pépites où se réfugie l’esprit authentiquement humain.

La sécurité technique ne peut certes pas remplacer toutes les relations naturelles de confiance, sauf à ce que nous devenions des robots – auquel cas nous ne pourrions même plus nous en plaindre. C’est à la philosophie – la seule science qui envisage l’expérience humaine comme un tout – que revient la tâche éminente de montrer qu’un autre monde est possible, un monde où l’esprit humain, plutôt que s’ encapsuler sur lui-même, puisse se confronter à ce qui le dépasse. C’est à la philosophie que revient de montrer que la vérité, la confiance, l’amour, et d’autres expériences semblables, irréductibles à la relation numérique, élèvent l’esprit parce qu’ils le transcendent.

Mark Hunyadi, philosophe


L’auteur…

Mark Hunyadi est philosophe, professeur de philosophie à l’université catholique de Louvain, professeur associé à la chaire Valeurs et politiques des informations personnelles de l’institut Mines/Télécom de Paris.


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[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : editions-eres.com ; librel.be | auteur-contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © lcp.fr.


Lire encore en Wallonie-Bruxelles…

CERNA : Pas dans le cul aujourd’hui (1962)

Ce qu’ils en disent…

La lettre érotique de Jana Černá à Egon Bondy, une métaphore du féminisme…

[FRANCAIS.RADIO.CZ, 8 août 2020] Pas dans le cul aujourd’hui : derrière ce titre provocateur, extrait d’un poème de l’écrivaine tchèque Jana Černá, se cache une lettre d’amour passionnée et sans retenue qu’elle a écrite à son amant Egon Bondy au début des années 1960, et publiée en français en 2014 aux éditions La Contre Allée. Dans ce texte d’une centaine de pages, la fille de Milena Jesenská clame son désir à l’homme qu’elle aime, entremêlant considérations philosophiques et descriptions crues de ses fantasmes. Rebelle à tout conformisme, Jana Černá y affirme sa liberté totale de femme désirante et son refus de dissocier le corps et l’intellect. Pour évoquer ce texte, Radio Prague Int. a interrogé l’éditrice du texte, Anna Rizzello, qui a rappelé comment elle l’avait découvert.

Anna Rizzello : “J’ai découvert la lettre il y a très longtemps, une vingtaine d’année environ, en Italie. J’ai vu ce texte dans une librairie de Turin. C’était donc une traduction italienne. Ce n’était pas tout à fait le même texte que nous avons publié, mais c’était le même titre. Dans cette traduction italienne, il y avait ce texte et plusieurs de ses poèmes que nous n’avons pas reproduits dans notre édition.

Et l’envie est venue un jour de publier ce texte en français…

A.R. Entre les deux, j’ai déménagé en France. Ce texte m’a suivi, il était toujours dans ma bibliothèque. En 2013, j’ai organisé avec une amie un festival de littérature, appelé Littérature etc. C’était la première édition dont le thème était l’amour. En réfléchissant à des textes qui pourraient intégrer cette programmation. J’ai parlé de ce texte que nous avons traduit à deux, en faisant quelque chose d’un peu bâtard, pas forcément final. Cette traduction devait servir pour une lecture dans le cadre du festival. Je travaillais déjà aux éditions de la Contre-Allée, et la maison a bien voulu le publier. On a confié la traduction à Barbora Faure. Il y a donc eu plusieurs phases qui se sont terminées par la publication de la lettre un an après le festival, en 2014.

Il faut expliquer en quelques mots de quoi il s’agit. C’est une lettre d’amour très érotique, sans concessions, et en même temps qui est traversée de réflexions philosophiques. Tout est entremêlé. Pourriez-vous nous en dire plus ?

A.R. Effectivement ce qui est frappant, toujours aujourd’hui, et unique dans ce texte et dans le ton, c’est cet entrelacs de différentes choses. Il y a les aspects plus personnels, très émotifs. C’est une lettre d’amour que Jana Černá écrit à son amant en 1962. Ce n’était pas un texte destiné à la publication alors que par ailleurs elle était écrivaine. Ce texte était véritablement une lettre personnelle, intime. Elle est chez elle, le soir, elle ne savait pas forcément, en commençant à écrire, où cela la mènerait. Finalement, dans cette lettre, on croise tout : ce qu’est, pour elle, la relation amoureuse qui doit comprendre aussi bien un lien très fort au niveau intellectuel et sexuel. Tout ce qu’elle entend par poésie, philosophie et littérature est quelque chose de très concret en fait. C’est ce qui est beau, selon moi : c’est quelque chose qui, pour elle, est très lié au quotidien. La philosophie et la poésie ne vivent pas dans les bibliothèques ni les livres. Elles vivent dans la rue, dans les conversations avec les gens et dans la réalité. Je trouve cela très fort, d’autant plus que Jana Černá incarnait cela dans sa vie.

Ce n’est donc pas seulement un texte théorique, mais totalement incarné par elle. C’est pour cette raison que la lettre est si singulière aussi. C’était quelqu’un d’exceptionnel qui a eu une vie incroyable : elle a fait pleins de métiers différents, femme de ménage, poinçonneuse, elle a eu plusieurs enfants qui lui ont été enlevés parce qu’elle ne pouvait pas s’en occuper. C’était la fille de Milena Jesenská donc elle vient d’un milieu familial où plusieurs cultures se mêlaient. Elle ne sort pas de nulle part non plus. Dans sa lettre, elle développe quelque chose que l’on peut qualifier de philosophique même s’il n’y a rien de systématique ou de dogmatique. Le texte a été écrit en 1962 mais il me semble qu’il n’a pas pris une ride, que ce soit au niveau du vocabulaire que des thématiques. Cela reste encore tabou de dire des choses comme celles-ci et de cette façon.

Il faut en effet rappeler que Jana Černá est la fille de Milena Jesenská, mondialement connue pour avoir correspondu avec Franz Kafka, même si elle n’est pas du tout réductible à cette correspondance. C’est une journaliste, une grande figure de l’antinazisme dans la Tchécoslovaquie de l’entre-deux-guerres, elle a été résistante et a fini sa vie à Ravensbrück en 1944. Peut-on dire que cette sorte d’esprit rebelle de Jana Černá est un héritage de sa mère ?

A.R. Oui. D’ailleurs Jana Černá a écrit un livre magnifique sur sa mère, Vie de Milena, que nous avons également publié. Là aussi, il s’agit d’une biographie pas du tout conformiste dans le ton. Elle relate pleins de faits qui finalement donnent une profondeur et une richesse à la vie de sa mère. Elle s’inscrit aussi dans cette tradition-là de la rébellion, de l’anticonformisme et de la justice. Ce n’était pas de l’anticonformisme juste pour être anticonformiste. C’était quelque chose qui a à voir avec cette idée de justice très forte et très ancrée en Milena. Elle en est d’ailleurs morte et cette idée est clairement inscrite dans sa fille.

Dans l’introduction du livre, vous dites que cette lettre est une métaphore du féminisme. En quoi ?

A.R. C’est quelque chose que je pense personnellement. Je ne suis pas sûre que Jana Černá se serait reconnue dans cette affirmation. Je ne veux pas parler à sa place. Il s’agit de ma lecture. Mais pour tout ce que nous venons d’évoquer, oui, je pense qu’il y a quelque chose qui préfigure le féminisme, bien avant 1968, à travers cette liberté de ton vis-à-vis de la sexualité, de la façon dont elle l’envisage et dont elle vit au quotidien. Pour elle, il n’y a pas de hiérarchie dans le couple, elle assume pleinement son désir, sa sexualité et la façon dont elle veut la vivre. C’est extrêmement novateur pour l’époque cette affirmation du désir féminin. Effectivement, c’est un prélude aux revendications qui seront sur le devant de la scène en 1968 et dans les années 1970 avec le mouvement féministe.

Et peut-être même par rapport à notre période actuelle. La lettre est sortie en français en 2014. Aujourd’hui, le féminisme connaît, sous diverses formes, un véritable regain. Le texte est aussi en résonnance avec des affirmations féministes actuelles…

A.R. Absolument. C’est pour cela que ce texte continue d’être lu, six ans après sa publication. Il continue à circuler. Nous recevons encore beaucoup d’échos de libraires, de lecteurs… Il résonne très fort avec le contexte actuel. Les choses évoluent, mais il y a aussi des retours en arrière par rapport au désir féminin, au consentement, et à toutes ces questions. Ce texte-là n’est pas une réponse, mais plutôt quelque chose qui peut toujours nous éclairer. C’est ainsi qu’on devrait vivre sa propre sexualité et c’est ainsi qu’elle devrait aussi être perçue du point de vue masculin. C’est aussi cela qui est intéressant : c’est une femme qui écrit, mais elle s’adresse à un homme. D’ailleurs, en France, on a reçu beaucoup d’échos de la part d’hommes, ce qui est rare pour un texte de ce type. Souvent, ce sont des femmes qui s’expriment, mais là, c’était aussi beaucoup les hommes. Je pense que ça fait du bien aux hommes aussi de lire un texte comme celui-ci !

Rappelons dans quel contexte la lettre est écrite. On est dans les années soixante. On est avant la libéralisation du Printemps de Prague qui est un peu plus tardive, mais il y a ces cercles underground autour de son amant Egon Bondy et d’autres écrivains tchèques. Il y a tout de même un vrai bouillonnement intellectuel et artistique à cette époque-là…

A.R. Tout à fait. Bohumil Hrabal faisait également partie du cercle de ses amis. Jana Černá s’inscrivait vraiment dans cette avant-garde, avant le Printemps de Prague. Elle écrivait, mais il y avait deux types d’écriture chez elle : les livres qui passaient la censure, qu’elle publiait sous nom et dont elle n’était pas très fière, et il y avait les vrais textes littéraires qui étaient publiés en samizdat, lus par ses amis, par Bondy, Hrabal et les autres. Elle à la fois vécu et contribué à cette effervescence de l’époque.

Dans ce texte, le langage est extrêmement cru, mais pas une seconde on a l’impression que c’est vulgaire. Un vrai tour de force !

A.R. Oui, c’est vrai. C’est ce que j’ai ressenti, de même que tous les lecteurs et les lectrices. Ce n’est pas vulgaire du tout. Ce n’est pas seulement le fait qu’elle soit une grande écrivaine, mais c’est aussi une question de sensualité, de sentiments. Ce qu’elle exprime dans cette lettre est totalement sincère, elle ne cherche pas à choquer. Elle ne fait pas de la provocation facile, elle dit les choses comme elle les pense. Ce n’est jamais vulgaire parce que c’est juste l’expression de quelque chose de très profond qui ne cherche pas à choquer, et a fortiori pas Egon Bondy ! Il en a certainement vu d’autres… Il faut garde cela en tête aussi. C’est un écrit intime pour quelqu’un qui la connaît. Dès lors, cette sensualité-là passe sans problème. »

Anna Kubišta


Ce qu’ils en disent…

[RTBF.BE, 30 septembre 2014] Tiré d’un poème de l’auteure, le titre souligne à la fois la charge érotique du texte et la rébellion extraordinaire d’une femme face à l’ambiance étouffante en Tchécoslovaquie d’après-guerre. Probablement écrite en 1962, cette lettre est un véritable manifeste pour la liberté individuelle.

Dans les années qui précèdent le Printemps de Prague, Jana Černá livrait dans cette lettre à Egon Bondy sa volonté de révolutionner les codes de conduite, de rechercher de nouveaux possibles dans la vie privée, les rapports sentimentaux et la sexualité. En refusant de se soumettre à la primauté masculine, elle affirme aussi son souhait d’une sexualité non séparée des sentiments et de l’activité intellectuelle.

Dotée d’une personnalité hors du commun, Jana Černá fascinait son entourage par sa vitalité et son audace. Plusieurs fois mariée et mère de 5 enfants, elle n’a exercé que des emplois occasionnels tels que femme de ménage, contrôleuse de tramway etc. Marginalité et rejet de tout conformisme social, langagier ou politique semblent avoir été ses maîtres mots. Cette lettre débarrassée de toutes conventions, au ton libre et spontané, est d’une étonnante modernité.

Jana Černá fréquente Egon Bondy, auteur mythique en Tchéquie, spécialiste des philosophies orientales, mais aussi auteur des textes des Plastic People of the Universe, le groupe de rock symbole de la rébellion des années 70. Tous deux font partie de la culture clandestine de Prague avec Bohumil Hrabal, l’un des plus importants écrivains tchèques de la seconde moitié du XXe siècle. Ils ont publié leurs écrits sous forme de ‘Samizdat’ (système de circulation clandestine d’écrits dissidents en URSS et dans les pays du bloc de l’Est) jusqu’à la chute du communisme. Jana Černá collaborera à différentes publications de cette mouvance, sous divers pseudonymes (Gala Mallarmé, Sarah Silberstein) ainsi que sous son nom de Jana Krejcarova.

Myriam Leroy


ČERNÁ Jana, Pas dans le cul aujourd’hui a probablement été rédigé en 1962 et est paru chez La Contre Allée en 2014, dans une traduction de Barbora Faure.

CZ > FR

EAN 9782917817278

96 pages

Disponible en ePub et poche.


Ce que nous en disons…

Une parole libre, salutaire en ces temps de puritanisme qui rongent nos horizons…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

S’ il existe un espoir concret que tu produises un fruit mûr alors c’est seulement à condition que ce fruit te comprenne tout entier, avec tes chaussettes, ton horreur des bibliothèques, ta barbe, ta bière, ta fantaisie, ton intellect, ta queue, tout ce qui se rapporte à toi.


L’auteure…

[infos éditeur] Jana Černá (Honza, “Jeannot”, pour sa mère) est née à Prague en 1928, fille de l’architecte avant-gardiste J. Krejcar et de Milena Jesenská (la célèbre Milena de Kafka, journaliste et résistante, emprisonnée en août 1939 et morte à Ravensbrück). Confiée à son grand-père, Jana a suivi des études secondaires, puis artistiques. Elle a très vite choisi la vie de bohème et n’a jamais exercé d’emploi stable, exerçant des activités occasionnelles telles que femme de ménage, contrôleuse de tramway, aide-cuisinière. A la mort de son grand-père en 1947 elle s’est trouvée à la tête d’un vaste héritage qu’elle n’a pas tardé à dilapider. Plusieurs fois mariée et mère de 5 enfants, elle a fréquenté les milieux littéraires de la mouvance surréaliste et underground et collaboré à différentes publications de cette mouvance, sous divers pseudonymes (Gala Mallarmé, Sarah Silberstein) ainsi que sous son nom de Jana Krejcarova. Marginalité et rejet de tout conformisme social, langagier ou politique semblent avoir été ses maîtres mots. Vers la fin de sa vie elle se consacre à la création de céramiques. Elle meurt en 1981 dans un accident de la circulation. Le philosophe Egon Bondy, dans la vie de qui elle est restée profondément ancrée, a écrit le jour de son enterrement : “On l’enterre en ce moment et moi je suis si loin, assis dans une ville glacée où personne ne sait qu’elle a été ce que l’homme peut atteindre de plus grand.”


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : francais.radio.cz ; rtbf.be ; librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, Jana Černá et Egon Bondy dans les rues de l’époque (1950-60) © DP.


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OLAFSDOTTIR : Rosa Candida (2015)

Ce qu’ils en disent…

[ZULMA.FR] Le jeune Arnljótur va quitter la maison, son frère jumeau autiste, son vieux père octogénaire, et les paysages crépusculaires de laves couvertes de lichens. Sa mère a eu un accident de voiture. Mourante dans le tas de ferraille, elle a trouvé la force de téléphoner aux siens et de donner quelques tranquilles recommandations à son fils qui aura écouté sans s’en rendre compte les dernières paroles d’une mère adorée. Un lien les unissait : le jardin et la serre où elle cultivait une variété rare de Rosa candida à huit pétales. C’est là qu’Arnljótur aura aimé Anna, une amie d’un ami, un petit bout de nuit, et l’aura mise innocemment enceinte. En route pour une ancienne roseraie du continent, avec dans ses bagages deux ou trois boutures de Rosa candida, Arnljótur part sans le savoir à la rencontre d’Anna et de sa petite fille, là-bas, dans un autre éden, oublié du monde et gardé par un moine cinéphile.

[LEPOINT.FR] Goutte de rosée sur un perce-neige, stalactite fondant au soleil, pain d’épices sous marbré se craquelant, concert de notes cristallines, comment dire les sensations inouïes que procure cette lecture venue du Grand Nord ? “Mon petit Lobbi”, voilà comment son vieux père, veuf inconsolable mais pourtant vaillant, nomme son fils qu’il voit prendre la route un jour, loin de la maison familiale, de la présence, muette et tendre, de son frère jumeau handicapé. Arnljótur s’en va vers un pays des roses que sa mère trop tôt disparue lui a appris à aimer, c’est sa grande passion, avec celle qu’il porte au “corps”, comme il désigne l’amour physique. Le sentiment, lui, n’a pas germé encore, même lors de son étreinte fugace, de nuit, dans la roseraie, avec Anna, qui lui annonce bientôt qu’elle est enceinte. Le si jeune père montre la photo de Flora Sol, sa toute petite, à tous ceux qui croiseront son périple vers le monastère où il est attendu comme jardinier.

Le long voyage est initiatique, semé d’inattendues rencontres, tendu par la difficulté de se faire comprendre quand on parle une langue que personne ne connaît.

Et puis, un jour, Anna demande au jeune homme d’accueillir leur enfant. Tout est bouleversé. Mais tout en douceur, avec ce qu’il faut de non-dits pour que l’essentiel affleure et touche au plus profond.

Tant de délicatesse à chaque page confine au miracle de cette Rosa candida, qu’on effeuille en croyant rêver, mais non. Ce livre existe, Auður Ava Ólafsdóttir l’a écrit et il faut le lire.”

Valérie Marin La Meslée

[NOUVELOBS.COM] En route pour une ancienne roseraie du continent, avec dans ses bagages deux ou trois boutures de Rosa candida, Arnljótur part sans le savoir à la rencontre d’Anna et de sa petite fille, là-bas, dans un autre éden, oublié du monde et gardé par un moine cinéphile.

Un humour baroque et léger irradie tout au long de cette histoire où rien décidément ne se passe comme il faut, ni comme on s’y attend.

Anne Crignon


OLAFSDOTTIR Audru Ava, Rosa candida est paru chez Zulma en 2015, dans une traduction de Catherin Eyjolfsson.

IS > FR

EAN 9782843047336

288 pages

Le roman est disponible en ePub et poche.


Ce que nous en disons…

La simplicité du désir que l’on découvre, comme une rose au matin petit, la musique du vent qui se glisse contre la peau, du mélisme sans mélo. Une prose directe, foisonnante de sobriété. Merci Madame Olafsdottir…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

Comme je vais quitter le pays et qu’il est difficile de dire quand je reviendrai, mon vieux père de soixante-dix-sept ans veut rendre notre dernier repas mémorable. Il va préparer quelque chose à partir des recettes manuscrites de maman – quelque chose qu’elle aurait pu cuisiner en pareille occasion.

« J’ai pensé, dit-il, à de l’églefin pané à la poêle et ensuite une soupe au cacao avec de la crème fouettée. » Pendant que papa essaie de trouver comment s’y prendre pour la soupe au cacao, je vais chercher mon frère à son foyer dans la vieille Saab qui va sur ses dix-huit ans. Jósef m’attend depuis un moment, planté sur le trottoir et visiblement content de me voir. Il est sapé à bloc parce que c’est ma soirée d’adieu, il porte la chemise que maman lui a achetée en dernier, violette à motifs de papillons.

Pendant que papa fait revenir l’oignon alors que les morceaux de poisson attendent, tout prêts, sur leur lit de chapelure, je vais dans la serre chercher les boutures de rosier que je vais emporter. Papa m’emboîte le pas, ciseaux à la main, pour couper de la ciboulette destinée à l’églefin et Jósef, silencieux, le suit comme son ombre. Il n’entre plus dans la serre depuis qu’il a vu les débris de verre causés par la tempête de février qui a réduit en miettes beaucoup de vitres. Il reste dehors, près de la congère, et nous suit du regard. Papa et lui portent le même gilet noisette avec des losanges jaunes.

« Ta mère mettait toujours de la ciboulette avec l’églefin », dit papa, tandis que je lui prends les ciseaux des mains et m’étire pour atteindre dans le coin de la serre la touffe toujours verte dont je lui tends une poignée. C’est moi le seul héritier de la serre de maman, comme papa me le rappelle régulièrement. Ce n’est pas qu’il s’agisse d’une culture de grande envergure comme trois cent cinquante pieds de tomate et cinquante plants de concombre qui se transmettraient de mère en fils ; il ne s’agit en fait que de roses qui poussent toutes seules, sans qu’on ait besoin de s’en occuper spécialement, et peut-être de la dizaine de plants de tomate qui restent. Papa se chargera d’arroser en mon absence.

« Je n’ai jamais été porté sur les légumes, mon petit Lobbi, c’était le dada de ta mère. Moi, je pourrais tout au plus manger une tomate par semaine. À ton avis, à la récolte, ça va donner combien de fruits par plant ?
— Tâche de les donner, alors.
— Je ne peux tout de même pas frapper à tout bout de champ chez les voisins avec mes tomates.
— Et Bogga ? »

Je dis cela tout en me doutant bien que la vieille amie de maman doit avoir les mêmes goûts que papa.

« Tu ne veux tout de même pas que j’aille toutes les semaines rendre visite à Bogga avec trois kilos de tomates. Elle insisterait pour que je reste à dîner. »

Je pressens aussitôt ce qu’il va dire ensuite.

« J’aurais voulu inviter la demoiselle et l’enfant, poursuit-il, mais va savoir si tu n’y serais pas opposé.

— Oui, j’y suis opposé. La demoiselle, comme tu dis, et moi, on n’est pas un couple et on ne l’a jamais été, même si on a un enfant ensemble. Ça a été un accident. »

J’ai déjà mis les choses au point et papa doit bien se rendre compte que l’enfant est le fruit d’un instant d’imprudence, et que ma relation avec la mère s’est limitée au quart, que dis-je, au cinquième d’une nuit.

« Ta mère n’aurait pas vu d’objection à les inviter au dernier repas. » Chaque fois que papa a besoin de donner du poids à ses paroles, il tire maman de sa tombe pour l’appeler en renfort.

Moi, je me sens tout drôle de me trouver sur le lieu même, si j’ose dire, de la procréation, en compagnie de mon vieux père et de mon demeuré de frère jumeau qui est là, juste derrière la vitre. Papa ne croit pas aux coïncidences, du moins pas quand il s’agit des événements primordiaux de l’existence, comme la naissance et la mort ; la vie ne s’allume pas, ni ne s’éteint comme ça, par hasard, dit-il. Il ne peut pas comprendre que la conception puisse résulter d’une rencontre fortuite, que l’occasion de coucher avec une femme puisse se présenter à l’improviste, pas plus qu’il ne peut comprendre que la mort puisse résulter d’une flaque d’eau ou de gravillons dans un virage, quand on peut se référer à autre chose : aux chiffres et aux calculs arithmétiques. Papa pense les choses autrement, le monde tient par des chiffres ; ils sont au cœur même de la création et on peut lire dans les dates une vérité profonde, y voir de la beauté. Ce que moi j’appelle hasard ou occasion, selon le cas, est pour papa un élément d’un système complexe. Trop de coïncidences, ça n’existe pas, une à la rigueur, mais pas trois ; pas de coïncidences en série, dit-il : l’anniversaire de maman, la date de naissance de sa petite-fille et le jour de la mort de maman, tout ça le même jour du calendrier, le sept août. Pour ma part, je ne comprends pas les calculs de papa ; d’après mon expérience, c’est justement quand on se met à escompter quelque chose de précis, que tout autre chose arrive. Je n’ai rien contre la marotte d’un électricien à la retraite à condition que ses calculs n’aient rien à voir avec ma négligence en matière de préservatifs.

« Tu n’es pas en train de filer à l’anglaise, mon petit Lobbi ?

— Non, je leur ai dit au revoir hier. » Je n’irai pas plus loin dans son sens et il change alors de conversation.

« Tu ne sais pas si ta mère avait par hasard une bonne recette de soupe au cacao ? J’ai acheté de la crème à fouetter.

— Non, mais on pourrait peut-être trouver ensemble comment faire. »


L’auteur…

[ZULMA.FR] Auður Ava Ólafsdóttir est née en 1958 à Reykjavik. D’un réalisme sans affèterie, tout son art réside dans le décalage de son personnage, cocasse et tendre. Cette insolite justesse psychologique, étrange comme le jour austral, s’épanouit dans un road movie dont le héros sort plus ingénu que jamais, avec son angelot sur le dos. Rosa candida a été largement salué par la presse et la critique.


[INFOS QUALITE] statut : validé| mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : zulma.fr ; librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © zulma.fr.


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DURRELL : Le quatuor d’Alexandrie (1957-1960)

Ce qu’ils en disent…

Justine (1957)

[LIVREDEPOCHE.COM] En Grèce, sur une île des Cyclades, un homme se souvient de la ville d’Alexandrie. Avec une mémoire d’archiviste, il raconte ce qu’il a vécu là-bas avant la Seconde Guerre mondiale. Narrateur anonyme, Anglo-Irlandais entre deux âges, professeur par nécessité, il classe ses souvenirs, raconte son amour pour Justine, une jeune pianiste séduisante, un peu nymphomane et somnambule ; il évoque sa liaison avec l’émouvante Melissa, sa maîtresse phtisique. D’autres personnages se dessinent. D’abord Nessim, le mari amoureux et complaisant de Justine, Pombal, le Français, Clea, l’artiste-peintre, Balthazar, le médecin philosophe. Mais Justine, d’abord Justine, est au coeur de ce noeud serré, complexe, étrange, d’amours multiples et incertaines…
En achevant le premier tome de son fameux Quatuor d’Alexandrie (Balthazar, Mountolive et Clea succéderont à Justine et seront publiés entre 1957 et 1960), Lawrence Durrell (1912-1990) en donna à son ami Henry Miller une définition devenue célèbre : « C’est une sorte de poème en prose adressé à l’une des grandes capitales du coeur, la Capitale de la mémoire…« 

Balthazar (1958)

[LIVREDEPOCHE.COM] Deuxième volet du Quatuor d’Alexandrie, l’œuvre maîtresse de Lawrence Durrell, publiée entre 1957 et 1960, Balthazar est peut-être moins la suite de Justine que sa reprise, son amplification, selon un nouvel éclairage. Le narrateur et acteur du précédent livre reçoit la visite de Balthazar, le docteur juif, qui lui rapporte le manuscrit de Justine complété d’annotations, d’informations et de vérités contradictoires, qu’il ignorait jusqu’à présent. En un sens, le personnage de Balthazar devient le coauteur de ce second récit qui porte d’ailleurs son nom.
Les mêmes protagonistes sont considérés sous de nouveaux éclairages. La situation politique de l’Egypte entre les deux guerres, la révélation d’un complot copte, la mort de Melissa, la folie de Nessim, la fuite de Justine s’éclairent et s’approfondissent dans cette ville d’Alexandrie, de pure fascination, omniprésente, cette ville des défaites, des amours, des abandons, des décadences et des mélancolies.
La lecture de Balthazar permet de comprendre l’immense succès public que remporta la tétralogie romanesque de l’écrivain anglais. Mais on mesure surtout ici ses audaces et sa liberté formelle. En un mot, sa remarquable modernité. Roman intimiste mais aussi historique, poétique et philosophique, Balthazar a été écrit en six semaines.

Mountolive (1958)

[LIVREDEPOCHE.COMMountolive offre une nouvelle perspective sur les événements relatés dans Justine et Balthazar, es deux premiers volumes du Quatuor d’Alexandrie, l’oeuvre romanesque maîtresse de Lawrence Durrell (1912-1990) .
L’ambassadeur anglais, Mountolive, en devient le personnage principal. Il a parcouru l’Europe de l’avant-guerre, surpris à Berlin le mari de la belle et mystérieuse Justine en train d’acheter de armes pour défendre les coptes contre les Anglais. En bref, il perd ses illusions en découvrant la véritable personnalité de ses amis…
De ce volume, Lawrence Durrell disait : « Un style, totalement différent, une affaire naturaliste. » Ou encore : « Un gros roman orthodoxe. »
Mais il ne faut pas s’y tromper, le bonheur fou et méditerranéen de ce livre au romanesque échevelé et classique n’est peut-être pas si limpide que cela. Mountolive pourrait s’intituler ‘le livre de la fausse clarté’. Et c’est bien cette ambiguïté de sentiments et de la réalité qui donne à cette oeuvre unique sa mélancolie la plus déchirante.

Cléa (1960)

[LIVREDEPOCHE.COMClea est le quatrième et dernier volet du Quatuor d’Alexandrie, cette oeuvre magistrale que Lawrence Durrell composa entre 1957 et 1960. À cette entreprise romanesque aux facettes multiples, il fallait un dénouement. Ce sera donc Clea. Durrell écrivait à Henry Miller : « J’espère ajouter la quatrième dimension – Le Temps dans le dernier volume. » Clea, c’est un peu le Temps retrouvé du Quatuor. L’action désormais se situe après les événements rapportés dans Justine, Balthazar et Mountolive. Le narrateur quitte son île pour revenir à Alexandrie. La guerre touche à sa fin. Justine a vieilli, Balthazar est malade et solitaire. Seule, Clea, l’artiste, et, bien sûr, Alexandrie ont gardé leur pouvoir de séduction.
Le roman s’achève sur un échange de lettres entre le narrateur et Clea. Leur liaison s’interrompt. L’histoire se termine et recommence. De nouveau sur l’île, le narrateur entreprend la rédaction de son livre qui commence par ces simples mots : « Il était une fois…« 


DURRELL Lawrence, Le quatuor d’Alexandrie est composé de quatre romans distincts :

    • Justine (1957),
    • Balthazar (1958),
    • Mountolive (1958),
    • Cléa (1960).

Il est paru intégralement en Pochothèque chez Livre de Poche en 2003, avec une préface de Vladimir Volkoff. La traduction est de Roger Giroux. L’édition est annotée et suivie d’une postface de Christine Savinel | UK > FR | EAN 9782253132752 | 1052 pages.


Ce que nous en disons…

Jamais l’envol vers une prose plus poétique n’a autant permis d’approfondir la réalité kaléidoscopique de l’amour. Lecture pas toujours facile mais découverte incontournable…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

Je ne suis ni heureux ni malheureux : je vis en suspens, comme une plume dans l’amalgame nébuleux de mes souvenirs. J’ai parlé de la vanité de l’art mais, pour être sincère, j’aurais dû dire aussi les consolations qu’il procure. L’apaisement que me donne ce travail de la tête et du cœur réside en cela que c’est ici seulement, dans le silence du peintre ou de l’écrivain, que la réalité peut être recréée, retrouver son ordre et sa signification véritables et lisibles. Nos actes quotidiens ne sont en réalité que des oripeaux qui recouvrent le vêtement tissé d’or, la signification profonde. C’est dans l’exercice de l’art que l’artiste trouve un heureux compromis avec tout ce qui l’a blessé ou vaincu dans la vie quotidienne, par l’imagination, non pour échapper à son destin comme fait l’homme ordinaire, mais pour l’accomplir le plus totalement et le plus adéquatement possible. Autrement pourquoi nous blesserions-nous les uns les autres ? Non, l’apaisement que je cherche, et que je trouverai peut-être, ni les yeux brillants de tendresse de Mélissa, ni la noire et ardente prunelle de Justine ne me le donneront jamais. Nous avons tous pris des chemins différents maintenant; mais ici, dans le premier grand désastre de mon âge mûr, je sens que leur souvenir enrichit et approfondit au-delà de toute mesure les confins de mon art et de ma vie. Par la pensée je les atteins de nouveau, je les prolonge et je les enrichis, comme si je ne pouvais le faire comme elles le méritent que là, là seulement, sur cette table de bois, devant la mer, à l’ombre d’un olivier. Ainsi la saveur de ces pages devra-t-elle quelque chose à leurs modèles vivants, un peu de leur souffle, de leur peau, de leur inflexion de leur voix, et cela se mêlera à la trame ondoyante de la mémoire des hommes. Je veux le faire revivre de telle façon que la douleur se transmue en art… Peut-être est-ce là une tentative vouée à l’échec, je ne sais. Mais je dois essayer…


L’auteur.e…

[UNIVERSALIS.FR] Irlandais comme James Joyce, né aux Indes comme Rudyard Kipling, diplomate comme Saint-John Perse, Lawrence Durrell (1912-1990) est à la fois un romancier et un poète. C’est aussi un essayiste.

Il abandonne ses études à dix-sept ans. Sa vie, pendant les années trente, jusqu’à la guerre, sera celle d’un beatnik avant la lettre. Il exerce plusieurs métiers : pianiste, photographe, et il publie ses premiers poèmes : Fragment original (Quaint Fragment, 1931), Ballade de la décomposition lente (Ballad of Slow Decay, 1931), Dix Poèmes (Ten Poems, 1932). Toujours à la recherche du soleil, à défaut de retrouver celui de son enfance, il se dirige vers la Méditerranée, et aboutit à Corfou, qui devient l’un des pôles d’attraction de sa vie : il y retournera, il y écrira, il en parlera dans L’Île de Prospéro (Prospero’s Cell, 1945). Il voyage ensuite en Europe, surtout en France et en Italie, et rencontre Henry Miller à Paris en 1937. Puis Lawrence Durrell retourne à Londres, où il publie, sans grand succès, deux romans : Pipeau bariolé des amants (Pied Piper of Lovers, 1935) et Printemps ou Tremplin d’épouvante (Panic Spring, 1937). Enfin, avec Le Carnet noir (The Black Book) publié à Paris en 1938, Lawrence se libère de ses obsessions, en particulier de la grisaille britannique qu’il appelle ‘la mort anglaise’, et s’émancipe de l’influence d’Henry Miller. Le Carnet noir est une œuvre étrange et difficile à classer, une sorte de catharsis lyrique et diffuse, qui n’est pas sans parenté, par sa révolte, avec les angoisses des écrivains américains de San Francisco et de Greenwich Village de cette époque.

Lors de la déclaration de guerre, il se trouve en Grèce à nouveau, à Corfou. Nommé attaché de presse à Athènes, il va au Caire, puis à Alexandrie, qui sera son second pôle d’attraction. C’est là qu’il situera sa fameuse tétralogie, Le Quatuor d’Alexandrie.

Il continue d’écrire et de publier de nombreux poèmes : Un pays privé (A Private Country, 1943), Cités, plaines et gens (Cities, Plains and People, 1946), Présomptions (On Seeming to Presume, 1948), Deus loci (1950). Mais il se lance aussi dans un genre nouveau, les récits de voyages, ou plutôt de séjours, le plus souvent à propos d’une île méditerranéenne : Corfou, avec l’Île de Prospéro ; la Crète, avec Cefalù, 1947 (qui est cette fois-ci un vrai roman), et plus tard, en 1953, Rhodes, avec Vénus et la Mer (Reflections on a Marine Venus). Ces œuvres, à mi-chemin entre la poésie et le roman, révèlent un grand talent d’évocation des lieux, des paysages et des personnages. Plus que les êtres, ce sont les lieux, les ‘dei loci’, qui importent.

En cela, ces récits poétiques préfigurent le fameux Quatuor d’Alexandrie. En effet, Justine (1957), Balthazar (1958), Mountolive (1958) et, enfin, Cléa (1960) composent comme les mouvements d’un quatuor complexe, où les événements et les personnages foisonnent, reflétant le grouillement de la ville d’Alexandrie, véritable sujet de la tétralogie. C’est à Alexandrie en effet, dans le fourmillement de ses bas-fonds, dans la valse élégante de ses diplomates, parmi les complots où rivalisent Anglais, Juifs, Arabes, Coptes et d’autres encore, que se noue, pendant la Seconde Guerre mondiale, le destin des héros.

Mais l’ambition de Durrell est plus vaste que celle, modeste, de décrire simplement une ville, si grouillante fût-elle, à travers son atmosphère et la psychologie de ses habitants.

Avec une audace et une virtuosité technique (sur laquelle il attire lui-même l’attention dans sa préface à Balthazar), il cherche à découvrir une forme romanesque nouvelle, « appropriée à notre époque, qui mériterait le nom de classique. » Ainsi, en quête de l’amour moderne, Durrell décide de s’inspirer de la théorie de la relativité, ce symbole du xxe siècle : « Trois parties d’espace et une de temps, voilà la recette pour cuisiner un continuum. » Justine, Balthazar et Mountolive représenteront trois visions simultanées des mêmes événements, romans sosies plutôt que suites, tandis que Cléa viendra ajouter la dimension temporelle. D’un livre à l’autre, le regard change, un même personnage passe de la narration subjective à une description objective ; sous un angle d’observation différent, des actes et des événements identiques prennent une signification nouvelle. Avec Cléa (récit du retour du narrateur à Alexandrie, quelques années plus tard), c’est le recul du temps qui cette fois change l’aspect des personnages comme la signification de leurs actes. Cette vision kaléidoscopique des hommes et des événements conduit le lecteur à s’interroger sur la vérité.

Cependant, malgré la prouesse technique et le talent dont Durrell fait preuve à chaque instant, on peut parfois se demander si l’exotisme florissant, le goût prononcé pour la couleur locale et les multiples épisodes mélodramatiques (en particulier dans Cléa) ne desservent pas l’œuvre plus qu’ils ne la servent.

Fixé dans le sud de la France, où il se passionne pour la construction des murs en pierres sèches, Lawrence Durrell a publié ensuite La Révolte d’Aphrodite (The Revolt of Aphrodite) composé de deux romans : Tunc (1968) et Nunquam (1970), ainsi que sa correspondance avec Miller (A Private Correspondance, 1963). Son goût des jeux de miroirs et des labyrinthes romanesques l’a amené à créer une nouvelle suite, Le Quintette d’Avignon, dont les titres sont : Monsieur, ou le Prince des ténèbres (Monsieur ; or, the Prince of Darkness, 1974), Livia, ou l’Enterrée vive (Livia ; or, Buried Alive, 1978), Constance, ou les Pratiques solitaires (Constance ; or Solitary Practices, 1982), Sebastian, ou les Passions souveraines (Sebastian ; or, Ruling Passions, 1983) et Quinte, ou la Version Landru (Quinx ; or, the Ripper’s Tale, 1985).

Ann Daphné GRIEVE


En savoir plus…

Justine est également devenu un film de George CUKOR (1969), avec Anouk Aimée…


[INFOS QUALITE] statut : validé | mode d’édition : partage, recension, correction et iconographie | sources : e.a. librel.be | contributeur : Patrick Thonart | crédits illustrations : en-tête, © DP.


Lire encore en Wallonie-Bruxelles…

HARRISON : Dalva (1987)

Ce qu’ils en disent…

[L’EXPRESS] « Le roman des grands espaces : la preuve, par la littérature, que l’on est ce que l’on fait. Une invitation à la sculpture de soi. »

François Busnel

[BABELIO.COM] « Dalva est le grand roman américain de Jim Harrison, son livre le plus abouti et le plus poignant, depuis le fabuleux Légendes d’automne. Harrison nous donne ici un portrait de la nation indienne jusqu’aux séquelles de la guerre du Viêt-nam et au cynisme des années 80 – en centrant son livre sur la vie tumultueuse et meurtrie d’une femme de quarante-cinq ans, Dalva. A travers cinq générations de sa famille de pionniers, c’est le mythe du jardin d’Eden, de l’innocence perdue que Harrison met en scène avec ce sens de l’espace, cet extraordinaire lyrisme, cette violence et cette étrange pudeur qui lui sont propres. “Comment, après avoir si bien commencé, avons-nous pu en arriver là ?” A cette question ô combien romanesque et melvilienne, Jim Harrison apporte avec Dalva, son chef-d’oeuvre, une réponse éblouissante. »


Cliquez sur l’image…

HARRISON Jim, Dalva est paru chez 10/18 en 1991, dans une traduction de Brice Matthieussent.

US > FR

EAN 9782264016126

470 pages

Disponible en ePub et poche.


Ce que nous en disons…

Qui est donc ce sorcier-des-mots-qui-parlent ? Quel est donc ce roman mosaïque où la vie quotidienne d’une femme américaine est une fenêtre ouverte sur un récit épique, où les héros sont tous des gueules-cassées… comme chacun d’entre nous ? Comment l’intime peut-il se déployer ainsi, comme dans une plaine à bisons ? Pourquoi pouvons-nous donner un visage connu de nous seuls, à chacun des personnages racontés, quand ils crient leur révolte ou pour appeler leur cheval, quand ils boivent à transpirer le jus des mignonnettes de leur motel, quand ils font l’amour sur une pierre cachée dans des vallées secrètes, quand ils s’enlacent sur un capot de voiture ou dans un jardin d’automne, quand ils meurent devant une grange entourés de leur famille, quand ils galopent à cheval éperdument, quand les chiens posent la tête sur leurs genoux, quand ils mentent, quand ils avouent, quand un enfant perdu empêche la mort dans la vie, quand la sueur le gagne sur l’eau de toilette ou quand une ferme est encerclée de rangées d’arbres, comme un enfer de Dante fait pour des garçons vachers, quand, enfin, les lignées familiales sont un héritage tellement ankylosant qu’il convient de bien s’ébrouer… Ce que fait Dalva. L’Amérique ne produit pas que des pervers, fussent-ils présidents, et il y a des conteurs qui savent comment dire ses cicatrices : Stegner, Morrison, Singer et… Jim Harrison. Merci : que dire d’autre ?

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

« C’était cette période de la vie où l’on veut être comme tout le monde, même si l’on commence à comprendre que ce « tout le monde » n’existe pas et n’a jamais existé. »

« J’étais mouillée après ce baptême dans la rivière, et il était sec et brûlant, son haleine sentait l’odeur aigre du vin de prune sauvage, le parfum suri des fruits gâtés, la terre et les brindilles collaient à notre peau, le petit cercle de lumière au sommet du tipi tombait vers mes yeux. Je ne croyais pas que j’irais jusque là.”

« La plupart des gens énergiques et brillants que j’ai connus avaient fermé la porte à double tour sur des secrets beaucoup trop vivaces pour qu’on puisse les qualifier de squelettes enfermés dans un placard. »

“La présence d’un homme âgé de Pacific Palisades dans l’angle opposé du restaurant m’a énervée. Il était connu pour sa cruauté sexuelle envers les femmes du milieu du cinéma. Je me suis surprise à me demander comment il pouvait exister des comportements pathologiques alors que la pathologie devenait la norme.”

“… à savoir que chacun doit accepter son lot de solitude inévitable, et que nous ne devons pas nous laisser détruire par le désir d’échapper à cette solitude. »

« On ne peut pas demander au désert d’incarner une liberté qu’on n’a pas d’abord organisée soi-même dans sa chambre à coucher ou dans son salon. C’est cette exigence que je trouve parfaitement déplacée dans presque tous les livres qui nous parlent de la nature. Les gens déversent dans l’univers naturel toutes leurs doléances mesquines et démesurées, puis ils se remettent à se plaindre de leurs éternels griefs dès que la sensation de nouveauté a disparu. Nous détruisons le monde sauvage chaque fois que nous voulons lui faire incarner autre chose que lui-même, car cette autre chose risque toujours de se démoder. […] Mais chaque fois que nous demandons aux lieux d’être autre chose qu’eux-mêmes, nous manifestons le mépris que nous avons pour eux. Nous les enterrons sous des couches successives de sentiments, puis, d’une manière ou d’une autre, nous les étouffons jusqu’à ce que mort s’ensuive. Je peux réduire à néant tant le désert que le musée d’Art moderne de New York en les écrasant sous tout un monceau d’associations qui me rendront aveugle à la flore, à la faune et aux tableaux. D’habitude, les enfants trouvent plus facilement que nous des champignons ou des pointes de flèches, pour cette simple raison qu’ils projettent moins de choses sur le paysage. »

« Si les nazis avaient gagné la guerre, l’Holocauste aurait été mis en musique, tout comme notre cheminement victorieux et sanglant vers l’Ouest est accompagné au cinéma par mille violons et timbales. »

« Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’on pouvait bien trafiquer dans ces organisations qui placent souvent de petites pancartes sur la route à l’entrée des villages : Rotary, Kiwanis, Chambre de Commerce, Chevaliers de Colomb, Maçons, Lions, American Legion, VFW, Élans, Aigles, Orignaux. C’est tout ce que j’ai pu trouver. Pourquoi diable n’y avait-il pas d’Ours ? »

« L’espace d’un instant le souvenir de Dalva et son absence m’ont submergé ; en même temps, j’ai compris à un niveau plus profond que je ne pouvais guère rivaliser avec tout cela. L’amour est en définitive un sujet plus ardu que la sexualité. »

« Cela paraît aujourd’hui ridicule, mais le comportement du coq, le comique inexorable de sa démarche, tout cela a quelque chose d’absurde et de tendre. »

« J’ai entendu un croassement qui, selon Dalva, était celui d’un faisan mâle. Comme les coqs, ces volatiles annoncent le jour – voilà bien une conduite de mâle : annoncer l’évidence… »


L’auteur…

[BABELIO.COM] « Jim HARRISON (1937-2016), nom de plume de James Harrison, est un poète, romancier et nouvelliste américain. À l’âge de huit ans, une gamine lui crève accidentellement l’œil gauche avec un tesson de bouteille au cours d’un jeu. Il mettra longtemps avant de dire la vérité sur cette histoire. A l’age de 16 ans, il décide de devenir écrivain et quitte le Michigan pour vivre la grande aventure à Boston et à New York. C’est aussi à 16 ans qu’il rencontre Linda, de deux ans sa cadette, qui deviendra sa femme en 1960. Ils ont eu deux filles, Jamie, auteur de roman policier, et Anna.

Il rencontre Tomas McGuane à la Michigan State University, en 1960, qui va devenir l’un de ses meilleurs amis. Sa vie de poète errant vole en éclats le jour où son père et sa sœur trouvent la mort dans un accident de la route causé par un ivrogne, en 1962. Titulaire d’une licence de lettres, il est engagé, en 1965, comme assistant en littérature à l’Université d’État de New York à Stony Brook mais renonce rapidement à une carrière universitaire.

Pour élever ses filles, il enchaîne les petits boulots dans le bâtiment, tout en collaborant à plusieurs journaux, dont Sports Illustrated. Son premier livre, Plain Song, un recueil de poèmes, est publié en 1965. En 1967, la famille retourne dans le Michigan pour s’installer dans une ferme sur le rives du Lake Leelanau. Immobilisé pendant un mois, à la suite d’une chute en montagne, il se lance dans le roman Wolf (1971).

McGuane lui présente Jack Nicholson sur le tournage de Missouri Breaks. Harrison, qui n’a pas payé d’impôts depuis des années, est au bord du gouffre. Nicholson lui donne de quoi rembourser ses dettes et travailler un an. Il écrit alors Légendes d’automne (Legends of the Fall, 1979), une novella publiée dans Esquire et remarquée par le boss de la Warner Bros qui lui propose une grosse somme pour tout écrit qu’il voudra bien lui donner. Le succès n’étant pas une habitude chez les Harrison, Jim se noie dans l’alcool, la cocaïne. Après une décennie infernale (1987-1997) durant laquelle il a écrit un grand roman, Dalva (1988), il choisit de s’isoler et de se consacrer pleinement à l’écriture et aux balades dans la nature. Jim Harrison meurt d’une crise cardiaque le 26 mars 2016, à l’âge de 78 ans, dans sa maison de Patagonia, Arizona. »


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JANNE d’OTHEE : Belgique. L’histoire sans fin (2024)

Ce qu’ils en disent…

[LE-CARNET-ET-LES-INSTANTS.NET] Au premier regard, compte tenu du format (à peine 90 petites pages) et de l’illustration de l’emballage (des cornets de frites qui alternent avec un motif typiquement magrittien), on pourrait croire à un énième petit manuel de savoir-belgiquer, au mieux une sympathique déambulation livresque qu’on pensera à coincer dans son sac-banane entre deux paquets de spéculoos, le temps de pédaler une après-midi entre Le Zoute et La Panne, s’il nous prenait de faire une pause lecture dans le Zwin.

Puis, dès la première page, le jugement se trouve réévalué. Bien sûr, on savait depuis le héros brabançon créé par Jean Muno que, chez nous, certaines rues étaient coupées en deux par la frontière linguistique, mais il faut l’avouer, on ignorait l’existence de ce petit village de L’écluse, dont François Janne d’Othée parvient à dédramatiser l’absurdité foncière sans pour autant lui faire perdre tout sérieux. Il fait plus fort encore quand, à la question oratoire « Moules-frites, surréalisme et autodérision, sont-ce là les quelques ingrédients de la Belgitude ? », il ose répondre avec un accent emprunté au Picard (Edmond) : « C’est dans ce flou qu’il faudra débusquer l’âme belge. » Nous voilà bien paf, nous les Dikkenek convaincus de tout connaître d’un territoire si petit qu’il n’y a sans doute pas grand-chose à en savoir, et maintenant persuadés que ce mince volume nous ménage plus d’une surprise, oufti !, et d’une révélation, allez dit !

François Janne d’Othée, journaliste international, nous fait déambuler dans les moindres recoins de son pays natal et nous les éclaire tantôt à la lampe de mineur, tantôt au lampion de bal du 21 juillet. Enjambant les évidences, bondissant sur les stéréotypes, circulant en équilibriste sur les lignes de crêtes de nos divisions internes, le piéton prend aussi volontiers le train, fleuron national depuis 1835, ou se perd au fil des canaux flamands pour tracer une géographie de cœur comme de raison. Les anecdotes s’enchaînent, les noms foisonnent – d’esprits en quête d’innovation, d’athlètes, de mécènes, d’artistes – pourtant ce cramignon ne donne pas le tournis. Au contraire, embrassant beaucoup il étreint bien grâce à son style souple, et permet de mesurer, en quelques pages, notre ampleur et notre amplitude.

Chauvinisme cocoriquant ? Plutôt salubre piqûre de rappel sur nos complexes et nos complexités, sur les défauts de nos qualités et l’inverse. C’est ce que semblent d’ailleurs confirmer le président du Crisp Vincent de Coorebyter, l’historienne Els Witte et le comédien Sam Touzani. Trois regards nuancés, trois sensibilités invitées à dialoguer avec l’auteur en fin de volume. Au terme d’une fine analyse de la situation politique contemporaine, le premier déplore la difficulté croissante à honorer notre longue réputation d’experts en compromis ; la seconde revient aux racines de l’orangisme pour retracer deux siècles de rapports Nord-Sud et d’évolution politique louvoyante, de l’unitarisme au fédéralisme ; le dernier conclut sur un éloge de l’hybridité et brandit la fierté d’être à part entière un pur zinneke, ce qui est encore un oxymore conforme à notre identité profonde.

Un petit ouvrage à mettre en toutes les mains. Et d’abord celles des habitants d’Outre-Quiévrain.

Frédéric Saenen


JANNE D’OTHEE François, Belgique : L’histoire sans fin est paru chez Nevicata / L’âme Des Peuples en 2024.

FR

EAN 9782875231635

96 pages

Disponible en ePub et poche.


Bonnes feuilles…

« Sur les traces de Simenon

Dans ce pays devenu État fédéral en 1993, rien de plus sensible que la notion de territoire. Repartons de L’Écluse et poursuivons vers l’est du pays en rejoignant la soporifique autoroute E40 qui relie Bruxelles à Liège sur une centaine de kilomètres. Elle joue à saute-mouton avec la frontière linguistique : des tronçons sont en Wallonie, d’autres en Flandre, et les panneaux indicateurs des villes sont libellés en français ou en néerlandais, jamais dans les deux langues. L’automobiliste doit donc jongler avec les deux appellations : Beauvechain / Bevekom, Jodoigne / Geldenaken, Tirlemont / Tienen, avant d’arriver à Liège. Si entre-temps on sort de l’autoroute, comment savoir si on est en Flandre ? À la couleur des feux de signalisation. Avant, ils étaient en rouge et blanc sur tout le territoire belge, jusqu’au jour où un ministre flamand a décidé, dans la partie nord, de les repeindre en jaune et noir, couleurs du drapeau flamand.

Située en bord de Meuse, Liège est surnommée la Cité Ardente, et pas seulement pour son glorieux passé sidérurgique. Son tempérament est du genre frondeur, railleur, irrévérencieux… un héritage de cette longue période de 800 ans où elle fut capitale d’une principauté et dut se battre pour préserver son indépendance et ses libertés. Ici, c’est la chaleur de l’accueil qui prévaut : on se tutoie pour un rien.

A l’image du héros local Tchantchès, on ne prend pas l’autre de haut, même au sommet de la montagne de Bueren, un impressionnant escalier de 374 marches. La réputation festive du Carré, en plein centre, n’est plus à faire. Une quarantaine de cafés, restaurants, snacks (et un cinéma) sur une dizaine de rues piétonnisées, et c’est la grosse ambiance de jour et de nuit, toute l’année, avec les étudiants de l’université en acteurs principaux.

C’est justement en fréquentant un cercle d’étudiants, dont l’un se donnera la mort au portail de l’église Saint-Pholien, que Georges Simenon, né à Liège en 1903, en est venu à écrire Le Pendu de Saint-Pholien, une des innombrables enquêtes de son commissaire Maigret. À deux pas, une librairie d’occasion, qui porte le nom du célèbre héros, a été fondée en 1984 avec l’autorisation du maître. Cet écrivain francophone parmi les plus lus au monde est devenu un argument touristique : on peut suivre sa trace tout au long d’un parcours qui passe du magasin où il a acheté sa première pipe à ses domiciles successifs, jusqu’au commissariat qui lui fournissait la matière pour la Gazette de Liège où il a tâté du journalisme. En 1922, Simenon met le cap sur Paris. « J’ai passé ma vie à partir, faute d’une ancre probablement, car je ne suis d’aucun pays« , écrira-t-il. Une phrase très … belge.

La province de Liège est contiguë à la Flandre et aux Pays-Bas, avec la Meuse comme trait d’union. Depuis sa rive droite, une vingtaine de kilomètres au nord, on accède aux Fourons, Voeren en néerlandais. Depuis la fixation de la frontière linguistique, en 1962, cet ensemble de villages verdoyants totalisant 4 000 habitants se situe dans la province flamande du Limbourg. À la fureur des francophones majoritaires, qui ont vainement réclamé le retour dans la province voisine de Liège. Ce porc-épic fouronnais, comme on l’a surnommé, a fait chuter plus d’un gouvernement, mais la question est aujourd’hui réglée : les Fourons restent en Flandre.

Difficile d’imaginer que ces prés bucoliques qui s’étendent face à nous ont pris des allures de Belfast dans les années 1980. Le 9 mars de cette année-là, 2 000 ‘promeneurs’ flamands, la plupart affiliés à des mouvements extrémistes voire paramilitaires, déboulent sur la commune pour en découdre avec les francophones. Casqués et armés de bâtons, ils se retrouvent face à 500 membres de l’Action fouronnaise, dirigée par José Happart, un agriculteur aussi tenace que fort en gueule (et qui deviendra ministre quelques années plus tard). Les gendarmes à cheval chargent les manifestants à travers champs. Un francophone tire à la carabine depuis sa fenêtre, faisant deux blessés, et il s’en faut de peu que sa maison ne soit incendiée… »


L’auteur.e…

Journaliste spécialisé dans l’actualité internationale, notamment pour Le Vif L’Express, François Janne d’Othée a toujours gardé Bruxelles comme port d’attache. Il en connaît autant ses angles attachants que ses recoins moins glamour, et souvent romanesques.

François Janne d’Othée est né en 1959 à Anvers, en Belgique. Il est journaliste indépendant, spécialiste de l’actualité belge et internationale, et grand reporter. Il a antérieurement travaillé comme professeur de lettres au Maroc, comme attaché de presse à l’ONU à New York ainsi que pour des institutions européennes à Bruxelles. Il a également coordonné un réseau européen d’ONG actives en Afrique centrale. Il est diplômé en philologie romane et réside à Bruxelles. [Source : Editions Nevicata]


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Du même auteur :


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ONFRAY : Traité d’athéologie (2005)

Ce qu’ils en disent…

[LIBREL.BE] En philosophie, il y eut jadis une époque « Mort de Dieu. » La nôtre, ajoute Michel Onfray, serait plutôt celle de son retour. D’où l’urgence, selon lui, d’un athéisme argumenté, construit, solide et militant.


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ONFRAY Michel, Traité d’athéologie est paru chez Livre de poche en 2006.

FR

EAN 9782253115571

320 pages

Disponible en grand format, ePub et poche.

 


Bonnes feuilles…

Les trois monothéismes, animés par une même pulsion de mort généalogique, partagent une série de mépris identiques : haine de la raison et de l’intelligence ; haine de la liberté ; haine de tous les livres au nom d’un seul ; haine de la vie ; haine de la sexualité, des femmes et du plaisir ; haine du féminin ; haine des corps, des désirs, des pulsions. En lieu et place et de tout cela, judaïsme, christianisme et islam défendent : la foi et la croyance, l’obéissance et la soumission, le goût de la mort et la passion de l’au-delà, l’ange asexué et la chasteté, la virginité et la fidélité monogamique, l’épouse et la mère, l’âme et l’esprit. Autant dire la vie crucifiée et le néant célébré…


L’auteur…

[UNIVERSALIS.FR] Essayiste prolixe, ‘phénomène éditorial’, personnage médiatique bien qu’éloigné des cercles de l’intelligentsia parisienne, Michel Onfray a placé la pensée hédoniste au cœur de sa réflexion sur la philosophie. La publication de son Traité d’athéologie (2005) a suscité de vives réactions, à la fois de la part de ceux qui l’accompagnent dans son constat d’un univers trop préoccupé de Dieu et pas suffisamment des hommes, comme de ses détracteurs qui relèvent les approximations de son essai. En 2002, il a créé l’université libre et populaire de Caen, puis, en 2006, l’université populaire du goût, dont l’objet est d’apprendre à philosopher et non de se contenter d’engranger un savoir philosophique.

Né le 1er janvier 1959 à Argentan (Orne), Michel Onfray effectue sa scolarité dans un orphelinat agricole religieux, puis il entre à l’université de Caen. Il y entreprend un doctorat de philosophie sous la direction de Lucien Jerphagnon et enseigne à partir de 1983 dans un lycée technique. Déçu par l’Éducation nationale, il démissionne en 2002 pour créer l’université populaire de Caen dont il publie en 2004 le manifeste, La Communauté philosophique, suivi en 2006 d’Une machine à porter la voix. Ce « contrat » engage le lecteur à vivre dans les « Jardins » d’Épicure plutôt que dans la « République » de Platon : « Dans la République, l’individu existe par la collectivité ; dans le Jardin, la communauté n’existe que par et pour l’individu. » Dans ce même ouvrage, il stigmatise les « nouveaux philosophes » qui « ont liquidé toute possibilité d’une gauche digne de ce nom« .

Comme on le voit dans les conférences données à l’université populaire de Caen et qui sont rassemblées à partir de 2006 sous le titre de Contre-histoire de la philosophie, Michel Onfray préfère, aux systèmes, les individualités (Nietzsche, les Cyniques, les penseurs libertins), les existences avec leurs forces et leurs intensités, leurs énergies. « J’aime la philosophie incarnée, vivante, de chair et d’os, engagée dans le réel, susceptible de produire des effets immédiats, de modifier la vie quotidienne… » L’enseignement de la philosophie tient pour lui dans ces anecdotes où Gilles Deleuze voyait le point singulier où se matérialise l’unité de la vie et de la pensée : « la preuve du philosophe, c’est sa vie philosophique« . Ainsi, la pensée de Michel Onfray entretient-elle un certain rapport aux philosophes, saisis dans leur vie, et la vie de leur corps, de leurs manières de sentir (Le Ventre des philosophes, 1989 ; La Raison gourmande, 1995), de voir (L’Œil nomade, 1993 ; Métaphysique des ruines, 1995 ; Archéologie du présent, 2003) et de penser (La Sculpture de soi, prix Médicis de l’essai en 1993 ; Politique du rebelle, 1997). En 2010, son essai sur Freud, Le Crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne provoque une violente polémique.

Un autre de ses champs d’investigation porte sur ce qu’il nomme, empruntant faute de mieux le terme à Georges Bataille, l’athéologie, car « l’athéisme relève d’une création verbale des déicoles« . Michel Onfray y jette les bases philosophiques de la critique du monothéisme. Il étudie les problématiques historiques de l’élaboration du christianisme et les liens que les trois religions monothéistes ont tissés avec le pouvoir. Il en dégage plusieurs remarques qui heurtent sa sensibilité hédoniste et fonde sa position quant aux religions : « la religion procède de la pulsion de mort« , elle hait le corps, la sexualité, la vie, la science, la liberté de pensée, la démocratie. Mais, plus encore que les extrémismes aisément identifiables, le véritable obstacle à l’athéisme tient aux traces de religieux qui subsistent dans notre société laïque…


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MANKELL : Comédia infantil (2016)

Ce qu’ils en disent…

Il y a dans ce livre des accents poétiques, une tendresse à fleur de peau qui se marie avec la perception d’un monde inexorable.

Madame Figaro

[EDITIONSPOINTS.COM] Quelque part en Afrique, la nuit, un homme assis sur le toit d’un théâtre contemple la ville. A ses pieds, allongé sur un matelas, un enfant blessé par balle est en train de mourir. Nelio, dix ans, possède pourtant la sagesse et l’intelligence d’un vieil homme… Pendant les neuf nuits qui lui restent à vivre, il va raconter l’histoire de sa vie.
Tandis que la guerre civile faisait rage, Nelio, alors âgé de six ans, a été l’unique rescapé de la mise à sac de son village. Après une période d’errance ponctuée de rencontres étranges, il finit par se retrouver en ville et par rejoindre un groupe d’enfants des rues. Un jour, il est blessé mortellement par un gardien du théâtre qui le prend pour un voleur.
Le narrateur est José Antonio Maria Vaz, un simple boulanger africain qui a connu la domination portugaise et qui, comme dans les Mille et Une Nuits, recueille le récit de Nelio, suspendu aux premières lueurs du jour jusqu’à la nuit suivante.
Tel est le conte humaniste, cruel et tendre à la fois, que Henning Mankell ciselle de main de maître, abordant, au-delà de l’histoire de Nelio, tout autant la misère dans les État ruinés d’Afrique après l’ère coloniale, que maints aspects de l’existence humaine : le rôle de l’art et de l’imagination chez l’individu, les forces mystérieuses qui nous gouvernent et le sens de la vie.

[AFRICINE.ORG] On pouvait craindre le pire : un film réalisé par une Occidentale sur les enfants des rues au Mozambique d’après le roman d’un auteur à succès suédois. La surprise est d’autant plus grande : Comédia infantil, qui laisse l’enfant Nelio raconter sa dramatique histoire dans un Mozambique en guerre, est attachant sans verser dans le sentimentalisme, magique sans être niais, engagé sans brandir de pancarte et beau sans carte-postale. Tout tient bien sûr dans la manière de traiter le sujet. On retrouve dans cette écriture cinématographique quelque chose de Marguerite Duras : des plans lacunaires et incisifs centrés sur des détails signifiants, une stylisation générale évitant systématiquement tout effet esthétisant, et en définitive un étonnement ménagé au spectateur à chaque image. Un enfant raconte son histoire mais c’est d’une réécriture qu’il s’agit. Une distance littéraire (il réfléchit ce qu’il vit) vient renforcer une distance théâtrale (il rejoue son histoire pour finalement déboucher sur une scène de théâtre). Si bien que le réalisme des détails donne paradoxalement naissance à une atmosphère irréelle, où la magie trouve une place toute naturelle. Cela n’empêche pas l’identification mais nous dispense des larmes, car l’émotion ressentie ne provient pas d’une peur de ce qui nous arriverait si on était à la place de l’enfant mais davantage du réveil en soi d’une compréhension sensible du cycle de la vie et de la mort, du drame de la guerre, de la magie de la vie.
On retrouve la subtilité développée dans Kirikou la sorcière de Michel Ocelot et l’on peut souhaiter au film le même succès tant chez les jeunes que chez les adultes. Il n’y a pas de hasard : tout comme Ocelot a puisé dans son enfance guinéenne, Henning Mankell, l’auteur du livre dont est tiré le film, vit au Mozambique où il dirige le Théâtre Avenida qui sert de décor au film. La réalisatrice vit elle-même entre Portugal et Suède et l’on retrouve dans le film certaines obsessions de la culture portugaise (culture coloniale : il appartiendrait à un auteur mozambicain d’en déceler les ambiguïtés) comme l’inscription de la violence dans le cycle de la vie ou la recherche d’un monde spirituel intermédiaire. Aux soldats portant des masques de mort qui vont jusqu’à écraser un enfant dans un mortier s’oppose une femme-lézard qui sauve et initie à la fois. Le film devient ainsi une série d’étapes initiatiques où l’enfant Nelio engrange les expériences lui permettant d’affirmer les valeurs de vie qui permettront à cette société de sortir de la guerre. Comme dans le final du magnifique Mortu Nega (Ceux dont la mort n’a pas voulu) du Bissau-Guinéen Flora Gomes, une rencontre est proposée entre les morts et les vivants pour pouvoir danser sur la scène du théâtre de la vie. Le boulanger, qui a écouté durant tout le film l’histoire de Nelio, peut alors généreusement offrir ses croissants aux enfants des rues et quitter son état de soumission pour partir sur le chemin de l’autonomie.

Olivier Barlet


MANKELL Henning, Comédia infantil est paru en suédois en 1995 puis en français chez Points en 2003, dans une traduction de Agneta Segol et Pascale Brick-Aïda. Il est réédité chez Points depuis 2016.

SV > FR

EAN 9782020799072

288 pages


Ce que nous en disons…

La maîtrise de Mankell permet une émotion contenue d’une rare intensité, l’horreur est évidente mais sans l’indécence du pathos, l’humanité rayonne à chaque page. C’est une Afrique qui sonne juste, profonde et incarnée, sous la plume d’un suédois qu’on a connu plus détaché.

Nous étions déjà sous le charme des deux récits non-policiers de Mankell (Les chaussures italiennes en 2019 et Les bottes suédoises en 2020). C’est un souffle plus large encore qui habitait l’histoire de José Antonio Maria Vaz et de Nelio, quelques années auparavant. A lire d’urgence…

Patrick Thonart


Bonnes feuilles…

Moi qui porte le nom de José Antonio Maria Vaz, j’attends la fin du monde debout sur un toit en terre rouge brûlée par le soleil. La nuit sous le ciel étoilé des Tropiques est suffocante et humide. Je suis sale et fiévreux. Mes vêtements en lambeaux semblent vouloir se détacher de mon corps décharné. J’ai de la farine dans mes poches et elle est pour moi plus précieuse que l’or. Il y a un an, j’étais encore quelqu’un, j’étais boulanger, alors qu’à présent je ne suis plus personne. Je ne suis plus qu’un mendiant qui passe ses journées à errer sous le soleil brûlant, et ses nuits interminables à attendre sur le toit vide d’une maison. Mais les mendiants possèdent aussi leurs signes, qui leur assurent une identité et les distinguent de tous ceux qui exposent leurs mains au coin des rues, comme pour les offrir ou pour vendre leurs doigts, les uns après les autres. José Antonio Maria Vaz est ce miséreux connu sous le nom du Chroniqueur des Vents. Mes lèvres bougent sans relâche, jour et nuit, comme pour raconter une histoire que personne n’a jamais eu le courage d’écouter. J’ai fini par accepter que la mousson venant de la mer soit mon unique auditeur, toujours aussi attentif, patient comme un vieux curé qui attend la fin de la confession. […]

La dernière nuit

Le soleil était tout près de mon âme le dernier jour où Nelio était encore en vie. Quand je vidais mes poumons, l’air s’embrasait pour retomber ensuite sur le pavé comme des cendres noires. Jamais, ni avant ni après, je n’ai connu une chaleur aussi intense. Impossible de trouver de la fraîcheur. Même le vent, qui venait de la mer, haletait d’épuisement. J’errais nerveusement dans les rues, me glissant, quand je le pouvais, dans des endroits ombragés et secs où les gens cherchaient vainement un peu de répit. Un étourdissement croissant menaçait de me jeter à terre. Je ne savais plus très bien où j’en étais. J’avais l’impression que tout ce qui m’arrivait était une erreur qui ne concernait personne et dont personne n’était vraiment responsable. Pour la première fois,je voyais le monde tel qu’il était. Ce monde dont Nelio avait perçu le secret avant même d’être adulte.
Et qu’est-ce que je voyais ? Le moteur d’un tracteur hors d’usage gisait là comme un poème narquois pour me parler de ce monde qui était en train d’éclater sous mes yeux. Un enfant de la rue fouettait violemment la terre comme pour la punir de sa propre misère. Un vautour solitaire planait silencieusement au-dessus de ma tête. Il se laissait porter par les vents ascendants, insensible aux rayons du soleil qui essayaient de percer son plumage. Son ombre me frappait de temps à autre comme une masse métallique et me pressait contre le sol. J’ai vu un vieil homme noir, tout nu, qui se lavait à une pompe. Malgré la chaleur, il frottait énergiquement son corps comme s’il voulait arracher sa vieille peau usée. Sous le soleil impitoyable, j’ai découvert, ce jour-là, le vrai visage de la ville. J’ai compris que les pauvres, trop occupés à se débattre sur le fil ténu de la survie, n’avaient pas le temps de préparer leur vie et étaient forcés de la consommer à l’état brut. J’ai vu ce temple de l’absurde qu’était la ville, qu’était peut-être aussi le monde, à l’image de ce qui m’entourait. Je me trouvais en réalité au beau milieu de la cathédrale sombre de l’impuissance. Ses murs s’écroulaient lentement en soulevant une poussière épaisse. Ses vitraux multicolores avaient disparu depuis bien longtemps déjà. Autour de moi, je ne voyais que des pauvres. Les autres, les riches, évitaient les rues et s’abritaient dans l’enceinte de leurs bunkers où des machines chuintantes maintenaient une fraîcheur constante. Le monde n’était plus rond. Il était redevenu plat et la ville était située à son bord extrême. Si jamais les maisons se faisaient de nouveau balayer des pentes escarpées par de violentes pluies, elles ne seraient plus précipitées dans le fleuve, mais dans un gouffre sans fond.
Ce jour-là, la ville semblait être la victime d’une invasion subite, non pas de sauterelles, mais de prêcheurs. Ils étaient partout, perchés sur des caisses, des cartons, des palettes ou des poubelles. Le visage ruisselant de sueur, ils tentaient d’attirer les gens en usant de leur voix plaintive et de leurs mains suppliantes. Des hommes et des femmes les ont rejoints. Ils balançaient leur corps en fermant les yeux, espérant trouver un changement radical au moment de les rouvrir. Certains se tordaient convulsivement par terre, d’autres s’éloignaient en rampant comme des chiens battus, d’autres encore jubilaient pour des raisons qui m’échappaient. Moi qui avais toujours cru que l’Apocalypse se déroulerait sur fond de pluie, de nuages noirs déchiquetés, de tremblements de terre et sous un millier d’éclairs, je m’apercevais que je m’étais trompé. C’est sous un soleil de plomb que le monde allait disparaître. Nos ancêtres – sans doute des millions -, ne pouvant plus supporter la souffrance que les vivants s’infligeaient les uns aux autres, s’étaient réunis pour que nous nous retrouvions tous ensemble dans l’autre monde, après la chute dans le néant. Les rues que j’arpentais ne seraient alors plus qu’un souvenir dans la mémoire de ceux qui n’avaient pu apprendre à oublier.
Je suis passé devant une maison où un homme, pris de folie, était en train de lancer ses meubles par la fenêtre. Il appelait sans cesse son frère Fernando qu’il n’avait pas revu depuis le début de cette guerre que les bandits avaient imposée à notre pays. Je l’ai vu au moment où il jetait son lit. En heurtant le trottoir, le matelas s’est éventré et le bois a éclaté. Je ne sais toujours pas pourquoi j’ai poursuivi mon chemin. Pourquoi je ne lui ai pas dit de s’arrêter. Je me le demande encore.
Le dernier jour où Nelio était encore en vie reste pour moi comme la longue représentation d’un rêve dont je n’aurais gardé que des souvenirs partiels. Quelque chose était sur le point de se terminer dans mon existence, et soudain j’ai commencé à comprendre le véritable sens du récit de Nelio. J’avais peur de l’inévitable. Peur que son histoire ne s’achève. Peur que tout soit révélé et qu’il meure des suites de sa terrible blessure à la poitrine. Finalement, l’unique chose que la vie nous offre gratuitement, à nous les pauvres, aux gens comme Nelio et moi, c’est la mort.
Nous sommes forcés de consommer la vie à l’état brut. Et après … il n’y a plus que la mort qui nous attend.
Il ne nous est jamais donné d’envisager le lendemain sans crainte. Nous n’avons jamais le temps de préparer la joie ou d’astiquer nos souvenirs pour les faire briller. […]

Moi, José Antonio Maria Vaz, seul sur un toit, sous le ciel étoilé des  Tropiques, j’ai une histoire à raconter…


L’auteur…

Henning Mankell, né en 1948 dam le Harjedalen, vit entre le Mozambique et la Suède. Écrivain multiforme, il est l’un des maîtres incontestés du roman  policier suédois. Sa série centrée autour de l’inspecteur Wallander, et pour laquelle l’Académie suédoise lui a décerné le Grand Prix de littérature policière, décrit la vie d’une petite ville de Scanie et les interrogations inquiètes de ses policiers face à une société qui leur échappe. En France, il a reçu le prix Mystère de la critique, le prix Calibre 38 et le Trophée 813. Il est aussi l’auteur de romans ‘africains’ empreints de réalisme poétique.  Couronné par plusieurs prix littéraires, Comédia infantil a été adapté à l’écran en 1998 (Prix spécial Cannes junior 1999).


En savoir plus…

  • Comédia infantil, un film de Solveig Nordlund : 1997, Suède (Torromfilm) – Portugal (Prole Filme) – Mozambique (Avenida Produções), 92 mn, 35 mm, dolby. Distr. Cinema public films (01 47 57 36 36). Sortie France le 9 février | Résumé : L’histoire de Nélio, un gamin mozambicain, dont le destin est bouleversé par la guerre. Sa famille est décimée par les terroristes. Conduit dans un camp pour enfants soldats, il s’échappe, gagne la ville et devient le chef d’une bande des rues. Peu à peu, les gens commencent à lui prêter des pouvoirs de guérisseur, sa réputation grandit et on vient vers lui pour chercher du secours et repousser la mort. Mais la guerre le rattrape…


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PENA-RUIZ : Grandes légendes de la pensée (2015)

Ce qu’ils en disent…

[LIBREL.BE] Le nez de Cléopâtre qui a changé le monde, le feu de Prométhée, la chute d’Icare… Ces mythes et histoires sont à l’origine même de notre civilisation. Peut-on mieux définir l’amour-passion qu’en évoquant Tristan et Yseut ? ou l’aveuglement par l’histoire si connue d’oedipe ? Henri Pena-Ruiz nous invite, comme dans une conversation entre amis, à réfléchir sur les conquêtes de la culture et de la technologie, le bonheur illusoire ou la paralysie de l’indifférence.

Il n’est pas si difficile de penser la vie et le monde. Ni les grandes questions qui nous tourmentent. Venus du fond des âges, des images et des récits nous y aident. L’amour passion de Tristan et Yseut, l’envol de l’homme-oiseau Icare, le déluge qui submerge l’ancien monde, l’aveuglement d’Oedipe qui réalise son destin en voulant le fuir, l’hésitation de César avant de franchir le Rubicon, le nez de Cléopâtre, maîtresse de l’empereur de Rome… L’idée de réunir ce patrimoine d’images et de récits qui parlent à l’imagination et guident la pensée avait inspiré un premier livre, le Roman du monde. Le succès de cet ouvrage a conduit à la série d’émissions de radio proposée par France-Culture durant l’été 2005, Grandes Légendes de la pensée. Le genre retenu pour ces émissions devait conduire à son tour à un nouveau livre, plus restreint dans le choix des légendes, et surtout marqué par le souci de les évoquer très librement, comme on le fait dans une conversation entre amis. Voici donc un livre d’initiation, aussi simple et ludique que possible, que l’on pourra lire à sauts et à gambades, comme le disait Montaigne. Il s’agit de raconter la pensée, et de donner en peu de pages des repères essentiels, tirés des grands moments de la culture, pour aider à la réflexion sur les choses de la vie.


PENA-RUIZ Henri, Grandes légendes de la pensée est paru chez J’AI LU en 2015. Il est aujourd’hui épuisé

FR

EAN 9782290020029

187 pages

Disponible en poche


Bonnes feuilles…

La vie parfois vacille et doute d’elle-même. Commencer, recommencer, sans cesse. Le constat de l’éternel recommencement des choses, semblable au cycle des saisons, la vie succédant à la mort et la mort à la vie, la croissance au déclin et le déclin à la croissance, produit une sorte d’angoisse. Le quotidien qui se livre sous le signe du recommencement mérite-t-il d’être vécu ? Peut-on croire au sens de ce que l’on fait, lorsqu’il faut toujours reprendre, toujours recommencer ?

Le rocher que Sisyphe était condamné à porter dévalait la pente que Sisyphe avait gravie, chaque fois qu’il atteignait le haut de la colline. Ce rocher de Sisyphe est devenu le symbole d’une tâche absurde à accomplir, puisque sitôt accomplie, elle doit être recommencée. À certains égards, n’est-ce pas tout le déroulement de la vie quotidienne qui peut être placé sous le signe du rocher de Sisyphe ? On se lève le matin, on se prépare, on va travailler, on revient, on recommence le lendemain. Ainsi disait-on naguère des ouvriers qui allaient à l’usine : « Métro, boulot, dodo », « Métro, boulot, dodo », et ce recommencement semblait dessaisir la vie de toute signification.

Mais la conscience humaine interroge : pourquoi ? Camus raconte qu’à un moment ou à un autre de cet enchaînement machinal quotidien, la question du pourquoi s’élève. Il faut poser la question du pourquoi, il faut réfléchir sur cette apparence d’éternel recommencement, sur cette apparence d’absurdité qui pourrait bien, si l’on n’y prend pas garde, dessaisir la vie elle-même de toute signification. La méditation sur la tâche de Sisyphe reprend cette interrogation. Albert Camus, dans le Mythe de Sisyphe, raconte :

À cet instant subtil où l’homme se retourne sur sa vie, Sisyphe revenant vers son rocher, contemple cette suite d’actions sans lien qui devient son destin. Créé par lui, uni sous le regard de sa mémoire et bientôt scellé par sa mort. Ainsi, persuadé de l’origine tout humaine de tout ce qui est humain, aveugle qui désire voir et qui sait que la nuit n’a pas de fin, il est toujours en marche. Le rocher roule encore. Je laisse Sisyphe au bas de la montagne. On retrouve toujours son fardeau. Mais Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit à lui seul forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.

Sisyphos, en grec, c’est « le très sage ». Le héros de Camus était légendairement connu pour son intelligence, mais aussi pour la démesure, en grec hubris, par laquelle il voulait, en quelque sorte, s’égaler aux dieux. Sisyphe, l’être qui voulait non pas nier la divinité, mais s’en passer, voire s’égaler à elle. D’où le châtiment qui lui rappelle à la fois sa force et sa faiblesse, et va l’obliger à l’effort sans cesse répété des êtres mortels. La force, c’est celle de Sisyphe capable de rouler son rocher jusqu’en haut de la colline, la faiblesse, c’est la vanité d’un tel travail, dès lors qu’au dernier moment le rocher dévale de toute sa force jusqu’au bas de la colline, avec obligation pour Sisyphe de tout recommencer. Il faut porter le fardeau quotidien, quoi qu’il en coûte.

Dans le onzième chant de L’Odyssée, Homère décrit l’effort de Sisyphe et son inexorable recommencement.

Ses deux bras soutenaient la pierre gigantesque et des pieds et des mains, vers le sommet du tertre, il la voulait pousser. Mais à peine allait-il en atteindre la crête qu’une force soudain la faisant retomber, elle roulait au bas, la pierre sans vergogne. Mais lui, muscles tendus, la poussait derechef, tout son corps ruisselait de sueur et son front se nimbait de poussière.

On reconnaît là le châtiment de la tâche sans cesse recommencée, comme celle des Danaïdes, ces nymphes des sources que la légende représente aux enfers, versant indéfiniment de l’eau dans des tonneaux sans fond. Pourquoi ? La question du sens des actions s’étend très vite à celle du sens de la vie. Dans le ciel dont les dieux se sont absentés, nul signe désormais n’est adressé aux mortels, qui sont seuls devant leur tâche. Il leur faut conduire leur vie, la reconduire, de jour en jour, et l’effort pour le faire suffit à leur condition. L’homme va s’inventer les moyens de persévérer dans son être. Depuis Prométhée, il est capable de produire son existence. Sisyphe, un instant, s’arrête. Au moins intérieurement. Et alors va s’esquisser la sagesse  toute simple d’une interrogation première. Quelle vie voulons-nous vivre et quel bien mérite d’être recherché pour lui-même ? Question essentielle qui appelle une réflexion pour aller vers la sagesse. La tâche de la vie se redéfinit. Non, le recommencement qui appartient à la vie des hommes mortels ne peut pas disqualifier cette vie. Et Sisyphe lève les yeux vers le ciel. Ce ciel est désert. Soit. Mais lui, Sisyphe, trouvera dans la tâche quotidienne qui est la sienne les ressources même pour vivre heureux.

Sisyphe ne peut se réconcilier avec la vie qu’en prenant la mesure de ce monde où il va inscrire sa destinée. Sa force renaîtra toujours s’il décide, une fois pour toute, de vivre sa vie d’homme, de se passer de ces dieux qui sont tour à tour protecteurs et menaçants. La peur n’est plus de mise, ni la lassitude. Les rythmes quotidiens ne sont pas l’essentiel. Ils rendent la vie possible, tout simplement, sans préjuger de la direction qui l’accomplira. À l’homme de construire son monde et de dessiner les contours de son bonheur, de façon tout à fait inédite. Sisyphe ne peut pas reprendre à son compte la fameuse phrase de Dostoïevski : « Si Dieu n’existe pas, tout est permis. » Pour Sisyphe, l’humanité maîtresse d’elle-même porte seule son fardeau, mais elle est ainsi habilitée à définir seule les valeurs qui lui permettront de vivre le mieux possible.

De cette façon, un nouveau bonheur va prendre forme sur le fond de l’absurdité initiale. Celle-ci est dépassée, transcendée. L’homme se dresse et il va assumer son humaine condition. Un humanisme se dessine qui est celui d’une patience. Patientia, en latin, c’est tout à la fois la souffrance et la capacité à endurer. Vertu stoïcienne par excellence. Sisyphe s’était révolté contre les dieux qui, pour le punir, lui avaient assigné cette tâche absurde : monter et descendre, monter et descendre !

Sénèque, dans la treizième lettre à Lucilius, évoque la leçon d’espérance de l’homme qui compte désormais sur lui-même.

Tu as une grande force d’âme, je le sais, car avant même de te munir des préceptes salutaires qui  triomphent des moments difficiles, tu te montrais, face à la fortune, suffisamment décidé. Tu l’es devenu beaucoup plus après avoir été aux prises avec elle et avoir éprouvé tes forces.

Éprouver ses forces, c’est effectivement ce que vient de faire Sisyphe. Alors, avant de le reprendre, en sueur mais intérieurement rasséréné, il va contempler son rocher et se dire que la montée de la colline suffit à remplir un cœur d’homme.

Deux paroles de méditation en complément. La première porte sur la double signification du terme absurde devenu un substantif dans la philosophie de l’absurde. La deuxième évoque la disqualification du monde terrestre du point de vue de la religion chrétienne, à partir du texte biblique de l’Ecclésiaste.

Qu’est-ce que l’absurde ? L’adjectif, rapidement transformé en un nom, en un substantif, désigne soit ce qui n’a aucun sens, aucune raison, soit ce qui n’a aucune finalité. Ainsi, par exemple, si un homme s’attache à construire une œuvre, et que cette œuvre est soudainement détruite, il aura le sentiment d’une absurdité, puisque son activité aura été dessaisie de tout intérêt. Cela peut être aussi l’idée, par extension, que ce qui est destiné à mourir, à périr, n’a finalement pas de véritable finalité. Sens que l’on retrouve dans la disqualification religieuse de l’existence humaine, qui est l’existence condamnée à la vanité, c’est-à-dire condamnée à l’inutilité, à l’absence même de signification, puisque toute chose, sous le ciel, est destinée à périr. Dans le sens habituel, donc, absurde signifie contraire à la raison et au sens commun : est absurde ce qui est déraisonnable, insensé, voire extravagant. Dans le sens philosophique, par extension, est absurde ce qui ne peut être justifié par aucune finalité, par aucune raison d’être. Et une méditation sur la vie humaine en tant qu’elle se termine par la mort peut déboucher sur le sentiment de l’absurdité. De la même façon, est absurde toute activité qui ne débouche pas, qui est en quelque sorte invalidée par la destruction de ce qu’elle a permis de faire.

C’est dans le cadre de la religion chrétienne que l’idée de l’absurdité de tout ce qui est destiné à mourir, donc de l’existence terrestre, est soulignée. La théologie, qui vise à montrer que l’essentiel se trouve dans la croyance en un dieu et un au-delà, aboutit à la disqualification de tout ce qui existe sur terre. Un grand texte de la Bible a souligné l’absurdité qui tient au recommencement, à l’éternel recommencement des choses. C’est un extrait de l’Ecclésiaste que l’on peut citer ici pour montrer comment une conception de l’absurde peut s’enraciner dans la disqualification religieuse de l’existence terrestre. Paroles de l’Ecclésiaste, fils de David :

Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités, tout est vanité. Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? Une génération s’en va, une autre vient, et la terre subsiste toujours. Le soleil se lève, le soleil se couche ; il soupire après le lieu d’où il se lève de nouveau. Le vent se dirige vers le midi, tourne vers le nord ; puis il tourne encore, et reprend les mêmes circuits. Tous les fleuves vont à la mer, et la mer n’est point remplie ; ils continuent à aller vers le lieu où ils se dirigent. Toutes choses sont en travail au-delà de ce qu’on peut dire ; l’œil ne se rassasie pas de voir, et l’oreille ne se lasse pas d’entendre. Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. S’il est une chose dont on dise : « Vois ceci, c’est nouveau! » cette chose existait déjà dans les siècles qui nous ont précédés.

Et, de ce constat de l’éternel recommencement des choses – « rien de nouveau sous le soleil » dit le proverbe -, l’Ecclésiaste tire la conclusion d’une sorte de vanité de l’existence terrestre.

J’ai vu tout ce qui se fait sous le soleil ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent. Ce qui est courbé ne peut se redresser, et ce qui manque ne peut être
compté. J’ai dit en mon cœur : Voici, j’ai grandi et surpassé en sagesse tous ceux qui ont dominé avant moi sur Jérusalem, et mon cœur a vu beaucoup de sagesse et de science. J’ai appliqué mon cœur à connaître la sagesse, et à connaître la sottise et la folie; j’ai compris que cela aussi c’est la poursuite du vent.

On voit que cette insistance sur la vanité des choses, sur l’absurdité des choses qui naissent et meurent, débouche, dans le texte de l’Ecclésiaste, sur un noir optimisme, puisque c’est l’idée même d’une sagesse humaine qui s’en trouve disqualifiée. A l’ opposé, il faudra qu’un être humain qui meurt, qui recommence, prenne la mesure de son pouvoir. La signification positive du personnage emblématique de Sisyphe sera ainsi soulignée. On pense aussi à ce que Nietzsche écrira en évoquant le thème de l’éternel retour. Certes, pour le philosophe, il y a un éternel retour, mais ce n’est pas cela qui dessaisit l’existence humaine de toute signification.

Henri Peña-Ruiz, Grandes légendes de la pensée (extrait, 2015)


L’auteur…

[ATHEISME.FREE.FR] Henri PENA-RUIZ est né en 1947. Il est maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris et professeur agrégé de philosophie en Khâgne (classe supérieure classique) au lycée Fénelon. Philosophe et écrivain défendant les valeurs de solidarité, il est devenu un spécialiste des questions de laïcité qu’il pose comme fondement de l’universalité. C’est à ce titre qu’il a été en 2003, l’un des vingt sages de la commission sur la laïcité présidée par Bernard Stasi.

Henri Pena-Ruiz classe la croyance au rang des « options spirituelles », au même titre que l’agnosticisme et l’athéisme. Il s’oppose à l’instrumentalisation de la religion, celle qui mène à la Saint-Barthélemy, et veut donner à la laïcité toute sa dimension universaliste. Dans Dieu et Marianne, il développe une philosophie de la laïcité. Marianne n’étant ni athée ni croyante, c’est la République qui offre le plus de liberté aux croyances religieuses. Mais il ne faut surtout pas concéder aux religions le droit de contribuer aux décisions d’ordre politique.

Il dénonce la laïcité « ouverte » ou « plurielle » comme étant une contestation dissimulée des principes de la laïcité, qui, par définition, est ouverte. Quant au repli communautaire, il est stigmatisé par la discrimination dont sont victimes les populations d’origine maghrébine. Pour lui, la justice sociale et les « dispositifs juridiques » (lois) sont des moyens complémentaires de défendre la laïcité.

Dans Le roman du Monde, il montre, à travers les légendes et les mythes fondateurs de la philosophie, quelles sont les grandes questions qui interpellent encore l’homme du XXIe siècle (angoisse face à la mort, désir de progrès techniques…).

Quelques ouvrages : Les Préaux de la République (1991), La Laïcité (1998), L’Ecole (1999), Dieu et Marianne, Philosophie de la laïcité (1999), La laïcité pour l’égalité (2001), Le roman du Monde (2001), Un poète en politique, les combats de Victor Hugo (2002), Qu’est-ce que la laïcité ? (2003), Leçons sur le bonheur (2004), Histoire de la laïcité, Genèse d’un idéal (2005), Dictionnaire amoureux de la laïcité (2014).


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RONNBERG et al. : Le livre des symboles (2011)

Ce qu’ils en disent…

[LIBREL.BE] Le Livre des symboles allie essais originaux et incisifs sur des symboles particuliers à des images représentatives provenant de tous les horizons et de toutes les époques de l’histoire. Les textes très accessibles s’associent de façon originale à près de 800 magnifiques images en couleurs pour transmettre les dimensions voilées du sens. Chacun de ces quelque 350 essais examine les origines psychiques d’un symbole donné et la manière dont il évoque les processus et dynamiques psychiques. Les racines étymologiques, les jeux d’opposition, le paradoxe et l’ombre, les différentes manières dont les diverses cultures ont fait naître une image symbolique: tous ces facteurs sont pris en compte. Rédigés par des auteurs spécialisés dans les domaines de la psychologie, de la religion, de l’art, de la littérature et de la mythologie comparée, les essais entrent en résonance de manière à refléter les correspondances inattendues de la psyché. Il n’existe pas de définitions immuables, qui auraient tendance à écraser les symboles ; un symbole encore essentiel demeure partiellement inconnu, attire notre attention et s’offre sous de nouvelles manifestations et de nouveaux sens au cours du temps. Plutôt que de proposer de simples catégories, Le Livre des symboles met en lumière la manière dont on passe de l’expérience visuelle d’une image symbolique dans l’art, la religion, la vie ou les rêves, à l’expérience directe de ses résonances personnelles et psychologiques. Le Livre des symboles établit de nouvelles références pour l’exploration consciencieuse des symboles et de leurs significations et intéressera une grande diversité de lecteurs: artistes, designers, rêveurs et interpréteurs de rêves, psychothérapeutes, autodidactes, amateurs de jeux vidéos, lecteurs de BD, chercheurs en religion et en spiritualité, écrivains, étudiants et tous ceux qui s’intéressent au pouvoir des images archétypales.


RONNBERG Ami et al., Le livre des symboles. Réflexions sur des images archétypales est paru chez Taschen en 2011, dans une traduction de Arnaud Briand, Anne Le Bot, François Dirdans et Philippe Safavi.

EN > FR

EAN 9783836525749

808 pages

Disponible en grand format.


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